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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Ce tout petit livre de soixante pages est au premier abord très déconcertant. On y découvre une héroïne au sein d'une famille bourgeoise dans les années 1970, se livrant en toute innocence à des débats érotiques en famille.

L'héroïne, une petite fille de sept ans, vit dans un cadre pour le moins original : le père se travestit, la mère vit nue la plupart du temps, et les trois petites filles vont et viennent parmi leurs parents. Parfois aussi quelques invités choisis sont autorisés à partager avec les parents et les enfants ces jeux érotiques dignes du marquis de Sade.

Dans ce récit envoûtant, on apprend que les jeux érotiques sont partagés par l'ensemble de la famille et que cela convient apparemment à tout le monde :
« On pourrait penser qu'en vivant dans ce que d'autres auraient appelé un tel « désordre » de moeurs, nous étions très troublées. Et bien, non. Nos résultats scolaires étaient plutôt bons, et nous avions des amis avec qui les rapports étaient excellents. Car rien n'est plus facile à un enfant que de mentir, c'est même son univers, celui où il nage avec le plus d'aisance. »

Ce qui frappe dans ce récit c'est la totale absence de culpabilité, de rancoeur ou de ressentiment vis-à-vis d'actes ordinairement qualifiés d'inceste. Aucun pathos face à cette ingénuité, aucun remord au souvenir de cette volupté et de cette gourmandise érotique : «Je ne voudrais pas ici sembler faire l'apologie des liens sexuels en famille ( …) Mais nul ne me convaincra de m'arracher les cheveux, de couvrir ma tête de cendres, de pleurer, puisqu'au fond de moi nul ne pleure, mais au contraire, rit et demande à danser. »

Alors, innocente, l'héroïne ?
La partie la plus intéressante est peut-être la seconde du récit. « A quinze ans, je quittai la maison. (…) Je ne me souviens pas comment j'avais fini par arriver dans cet hôtel. Ma vie suivait alors des voies qui ressemblaient à celles du rêve. C'était jusqu'aux passages d'une situation à une autre qui avaient l'absence de logique des rêves. J'étais ici puis j'étais là, et comment ? Je ne saurais le dire ». Quête d'identité après une enfance aussi chargée, vie d'errance et d'abstinence, et lorsque la narratrice dit qu'elle « ne se sentait pas perdue pour autant », on a du mal à la suivre … Pendant ce temps, la mère meurt. Et lorsque l'héroïne avoue que « Longtemps, j'ai été privée de sentiments » on se dit que le passé ne peut pas être sans conséquences sur la vie d'adulte.

« Si j'ai quitté ma famille très tôt, c'est parce que j'étais prête à mener ma propre vie. Mais il me fallut beaucoup de temps, je l'admets, pour sortir de ma fascination, faire exploser le coffre-fort de mon enfance, naître à l'affection, sortir du rêve. »

Nul doute qu'un psychanalyste aurait été d'un bon secours pour aider la jeune femme à se sortir de labyrinthe et la délivrer d'un coeur devenu hermétique à toute émotion. Ce qui la sauva – dit-elle – contrairement à ses soeurs qui « eurent des vies plus difficiles que la mienne » - ce fut l'écriture. Cette écriture qui lui permet de chercher le dépassement : « je bâtirais des cathédrales pareilles à celle dont je vis les flèches noires, un jour, au loin, tandis que Pierre Peloup s'activait sur moi et que moi, pour la première fois, j'avais l'idée de quelque chose de plus haut, de plus fin ». Et cette autre chose pourrait bien être la littérature.



Faisant corps avec son sujet, l'écriture est belle, crue et poétique. Et l'auteure file le symbole de la table avec beaucoup de réussite. Une table qui s'apparente à celle du conte de Grimm - le titre y fait directement allusion – avec son pouvoir évocateur : dans le conte, il suffit de prononcer la phrase magique pour qu'aussitôt elle se recouvre du meilleur du repas.
A l'image de la table du conte, celle de la maison de la rue Alban-Berg peut posséder le même pouvoir : il suffit de l'invoquer pour que surgisse les souvenirs et que la table (de l'écrivain cette fois) se remplisse des mots qu'elle appelle de ses voeux : « les mots résonnaient pour moi ; ils avaient une présence, une profonde épaisseur, ils étaient presque vivants. »

Ce tout petit livre de soixante pages est au premier abord très déconcertant. On y découvre une héroïne au sein d'une famille bourgeoise dans les années 1970, se livrant en toute innocence à des débats érotiques en famille.

L'héroïne, une petite fille de sept ans, vit dans un cadre pour le moins original : le père se travestit, la mère vit nue la plupart du temps, et les trois petites filles vont et viennent parmi leurs parents. Parfois aussi quelques invités choisis sont autorisés à partager avec les parents et les enfants ces jeux érotiques dignes du marquis de Sade.

Dans ce récit envoûtant, on apprend que les jeux érotiques sont partagés par l'ensemble de la famille et que cela convient apparemment à tout le monde :
« On pourrait penser qu'en vivant dans ce que d'autres auraient appelé un tel « désordre » de moeurs, nous étions très troublées. Et bien, non. Nos résultats scolaires étaient plutôt bons, et nous avions des amis avec qui les rapports étaient excellents. Car rien n'est plus facile à un enfant que de mentir, c'est même son univers, celui où il nage avec le plus d'aisance. »

Ce qui frappe dans ce récit c'est la totale absence de culpabilité, de rancoeur ou de ressentiment vis-à-vis d'actes ordinairement qualifiés d'inceste. Aucun pathos face à cette ingénuité, aucun remord au souvenir de cette volupté et de cette gourmandise érotique : «Je ne voudrais pas ici sembler faire l'apologie des liens sexuels en famille ( …) Mais nul ne me convaincra de m'arracher les cheveux, de couvrir ma tête de cendres, de pleurer, puisqu'au fond de moi nul ne pleure, mais au contraire, rit et demande à danser. »

Alors, innocente, l'héroïne ?
La partie la plus intéressante est peut-être la seconde du récit. « A quinze ans, je quittai la maison. (…) Je ne me souviens pas comment j'avais fini par arriver dans cet hôtel. Ma vie suivait alors des voies qui ressemblaient à celles du rêve. C'était jusqu'aux passages d'une situation à une autre qui avaient l'absence de logique des rêves. J'étais ici puis j'étais là, et comment ? Je ne saurais le dire ». Quête d'identité après une enfance aussi chargée, vie d'errance et d'abstinence, et lorsque la narratrice dit qu'elle « ne se sentait pas perdue pour autant », on a du mal à la suivre … Pendant ce temps, la mère meurt. Et lorsque l'héroïne avoue que « Longtemps, j'ai été privée de sentiments » on se dit que le passé ne peut pas être sans conséquences sur la vie d'adulte.

« Si j'ai quitté ma famille très tôt, c'est parce que j'étais prête à mener ma propre vie. Mais il me fallut beaucoup de temps, je l'admets, pour sortir de ma fascination, faire exploser le coffre-fort de mon enfance, naître à l'affection, sortir du rêve. »

Nul doute qu'un psychanalyste aurait été d'un bon secours pour aider la jeune femme à se sortir de labyrinthe et la délivrer d'un coeur devenu hermétique à toute émotion. Ce qui la sauva – dit-elle – contrairement à ses soeurs qui « eurent des vies plus difficiles que la mienne » - ce fut l'écriture. Cette écriture qui lui permet de chercher le dépassement : « je bâtirais des cathédrales pareilles à celle dont je vis les flèches noires, un jour, au loin, tandis que Pierre Peloup s'activait sur moi et que moi, pour la première fois, j'avais l'idée de quelque chose de plus haut, de plus fin ». Et cette autre chose pourrait bien être la littérature.

Faisant corps avec son sujet, l'écriture est belle, crue et poétique. Et l'auteure file le symbole de la table avec beaucoup de réussite. Une table qui s'apparente à celle du conte de Grimm - le titre y fait directement allusion – avec son pouvoir évocateur : dans le conte, il suffit de prononcer la phrase magique pour qu'aussitôt elle se recouvre du meilleur du repas.
A l'image de la table du conte, celle de la maison de la rue Alban-Berg peut posséder le même pouvoir : il suffit de l'invoquer pour que surgisse les souvenirs et que la table (de l'écrivain cette fois) se remplisse des mots qu'elle appelle de ses voeux : « les mots résonnaient pour moi ; ils avaient une présence, une profonde épaisseur, ils étaient presque vivants. »

Des phrases magiques – enfin sincères - qui justifieraient à elles celles les soixante pages de ce récit, et sur lesquelles j'aurais refermé cet ouvrage de prime abord déroutant, mais au fond magnifique de crudité, sans avoir à en rajouter une ligne.
Lien : https://www.biblioblog.fr/po..
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Un faux conte érotique scandaleux, dont l'écriture agencée renforce l'authentique pouvoir de choc.

Publié en septembre 2012, le douzième roman d'Anne Serre est déroutant à plus d'un titre.

Déroulant à la manière d'un conte autobiographique plein de grâce et de légéreté le souvenir d'une enfance au sein d'une famille où le sexe, totalement libéré, inclut inceste, échangisme et implication des amis, parsemé de scènes érotiques crues et joyeuses, le récit de la narratrice, ayant quitté sa famille à quinze ans pour ne revoir ses soeurs que quelques années plus tard, après la mort prématurée de leurs parents, dérange indéniablement.

Loin des pornographies charcutières (© Judith Vernant) encensées par une certaine critique, le style utilisé par Anne Serre crée infiniment plus de dégâts et de questionnements chez le lecteur, à qui il est extrêmement difficile de ne pas se laisser entraîner dans cette ronde joyeuse et hautement choquante, dont les véritables abîmes résident nettement dans l'impressionnant ensemble de non-dits, jalonnant les 60 pages comment autant d'avertisseurs...

Un livre dont la virtuosité de l'écriture renforce le sombre pouvoir de l'apparence guillerette.

"Je ne voudrais pas, ici, sembler faire l'apologie des liens sexuels en famille : je sais trop combien le sujet est délicat. Mais puisque j'ai résolu de raconter ma vie en tentant d'exprimer le plus exactement possible ce que j'éprouvais dans cette situation déréglée et pourtant si réglée qui était la nôtre, nul ne me convaincra de m'arracher les cheveux, de couvrir ma tête de cendres, de pleurer, puisqu'au fond de moi nul ne pleure, mais au contraire, rit et demande à danser."

"Et je trouvai que tout était bien, que le monde traçait en riant des boucles, des volutes, qu'il suffisait - comme je l'avais toujours su, toujours cru - d'être extrêmement attentif pour que vivre vous procure une joie terrible, pour que se fabrique une oeuvre d'art grâce à votre corps, à vos mains, à vos yeux, à votre pauvre coeur brisé."
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On ne sort pas indemne de cet opuscule. Sous le ton guilleret d'un conte, c'est bien pourtant un récit de vie authentique qui nous est livré, et c'est précisément cela qui rend la lecture si troublante.
Les pires turpitudes sont décrites dans une langue d'une belle facture, limpide et poétique à la fois, qui emmène le lecteur là où il ne souhaiterait pas se rendre. On finit par comprendre - pire, par compatir.
Aucune analyse psychologique, ou presque, dans ce récit, ce qui revêt l'ensemble d'une allure de mythe, mythe barbare (le mot est employé par l'auteur à la toute fin), certes, à moins qu'il ne s'agisse plutôt d'une fable légère ? Seules les dernières pages nous laissent entrevoir le mal-être de la narratrice, qui, bien qu'elle prétende n'avoir absolument pas souffert de son enfance, laisse planer çà et là les lambeaux d'un indéfinissable malaise.
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Petite table, sois mise, Anne SERRE, Verdier, 2012, 59 p.



(Plus que coquin et léger... ! bien que !)


Sous une couverture (de livre !) très pudique se cache un récit qui l'est d'autant moins, en tout cas dans la première partie de ce très court roman où la narratrice se sent délicieusement bercée par l'impudeur totale des moeurs et des fantasmes des membres de la maisonnée : une mère qui vit nue à longueur de journée, un père incestueux qui sort habillé en femme dès que l'occasion se présente, des relations très intimes sans aucun tabou dans un débordement de sexualité... Et puis l'adolescente de 15 ans qui part vivre sa vie parce qu'elle se sent prête et c'est alors son errance qu'elle nous relate. Il y aussi cette table au bois ciré qui reflète comme un miroir les amours interdits et qui nous revient de temps à autre comme un leitmotiv avec un clin d'oeil à un conte de Grimm. Une écriture fine, féminine, très suggestive et sensuelle pour un public averti et non conformiste.

* Cela m'énerve quand on colle l'étiquette "érotique" à un récit dont le message ne l'est pas nécessairement. On dirait que les gens n'y voient que cela et moi j'y ai vu autre chose... aux lecteurs à voir, à lire, à abandonner ou à fustiger. L'errance de la seconde partie est plus profonde. C'est vrai qu'il peut être dérangeant concernant l'éthique familiale et la normalité de la sensualité mais... l'écriture délicate m'a séduit. En plus, A. Serre a fait très court et l'on n'a donc pas à approfondir... le sujet que l'on pourrait lire comme un conte.
Lien : http://leoalu2.blogspot.com
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