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EAN : 9782715256538
128 pages
Le Mercure de France (25/08/2022)
2.74/5   42 notes
Résumé :
Une vieille femme écrivain, donnée pour mourante, laisse un manuscrit inédit et désordonné avec des pages manquantes. Venus pour la filmer, un réalisateur, un cameraman et une scripte vont s’acharner à le reconstituer. Mais la vieille dame auteur n’est pas seule : il y a auprès d’elle la jeune femme qu’elle fut, un étrange personnage qui fut son père, un garçon à bonnet rouge qui fut son compagnon d’été, un certain Hans qui ne prononce jamais qu’une seule phrase…>Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (16) Voir plus Ajouter une critique
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Une équipe de tournage se rend chez une grande dame de la littérature, désormais à l'extrême soir de sa vie, avec l'espoir de lui faire achever son ultime manuscrit, resté incomplet et en désordre. Tous se retrouvent plongés dans un étrange monde fantaisiste, où personnages, narrateurs et auteurs se croisent en un ballet indistinct, les premiers n'hésitant pas à sortir de leur rôle d'acteurs et d'observateurs pour prendre la main sur l'intrigue et y insuffler leur logique, et les derniers courant derrière l'inspiration dans le tourbillon où s'entremêlent leurs obsessions, leurs souvenirs d'enfance et leurs références littéraires.


Une touche d'humour, un franc parfum d'érudition et une aisance virtuose dans l'art de casser les codes et de repousser les limites président à cet exercice littéraire aussi fou qu'étourdissant de maîtrise. de vertigineuses mises en abyme en diaboliques mélanges de plans, fusionnant réalités et temporalités jusqu'à dissoudre tout repère, Anne Serre use de l'absurde et du non-sens pour, curieusement, faire sourdre le sens. de son récit hallucinant, mélange de conte onirique et de poésie surréaliste, où le lecteur, perdu, expérimente les mêmes difficultés de mise au point que l'écrivain tâtonnant à la recherche de son sujet et de son fil narratif, émerge au final une formidable et originale élégie à l'écriture et au processus créatif.


Reste, qu'aussi brillante et bluffante se confirme la prestation, aussi indigeste et rebutante s'avère l'expérience de lecture. D'un côté, l'on est ébloui par le génie et la maestria de cette vraie création littéraire. de l'autre, une pointe d'exécration persiste face à tant d'extravagance insensée dans une narration qui en devient fatigante.


Sans doute peut-on en conclure qu'il en va en littérature un peu comme en musique : les pièces les plus techniques et les plus virtuoses ne sont pas forcément les plus plaisantes, ni à lire, ni à écouter.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Elle est mourante, la vieille dame auteur. Autour d'elle, un réalisateur, un caméraman et une assistante sont venus l'interviewer et tombe sur un manuscrit décousu qu'ils vont s'efforcer de rendre cohérent.

Voilà, voilà. Enfin , c'est ce que j'ai compris . Et pas sur du tout que ce soit les intentions de l'auteur . Si l'écriture est agréable , lire 126 pages peu compréhensibles sans rouspéter, c'est un signe tangible de qualité de prose pour moi, l'histoire m'a perdu. dès la page 3.
Je suis passé à coté , c'est trop complexe pour moi, ces personnages qui s'infiltrent dans le manuscrit, qui est qui, quel est l'age de la vieille auteur à ce moment du récit, qui sont ces narrateurs, ces personnages , Ou pour résumer , comme disait D.Bourdon dans un film bien con , mais bien drôle, où est le cucul, où est la têtête ?
Il y aussi sans doute, je prends des pincettes, beaucoup de références au travail de l'écrivain.
Ce livre n'est juste pas pour moi, mais je rends grâce à l'auteure pour la qualité de son écriture qui m'a amené rapidement au bout sans trop pester.
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La fabrique du roman

Autour d'une vieille dame auteur, Anne Serre joue avec le lecteur. Son court roman décortique avec finesse la façon dont l'écrivaine construit son histoire et ses personnages. Avant que ces derniers ne lui échappent.

Une vieille dame auteur, au crépuscule de sa vie, continue à s'amuser avec ses personnages. Elle ne laisse pas seulement un manuscrit, elle poursuit son dialogue avec Hans, le narrateur, sous le regard un peu circonspect de Holl, l'homme qui partage sa vie et doit bien laisser un peu de place à cet autre homme, même si pour l'instant il est dans son grenier, à regarder le paysage par un interstice.
Une équipe de tournage, réalisateur, cameraman et scripte s'invitent à ce moment pour recueillir le récit qu'elle laisse inachevé et ses confidences: «De la même manière qu'il m'est arrivé de penser qu'avec la seule force de mon désir je pourrais me retrouver réellement dans mon passé, j'ai parfois pensé qu'il ne tenait qu'à moi de faire sortir mon narrateur de son grenier et de l'entraîner sur les routes, en chair et en os, dans son costume gris démodé».
Alors le miracle du roman opère. Il entraîne le réalisateur-narrateur avec Jacques, le musicien-cameraman, et Édith, la scripte-tricoteuse et sculpteur, sur le chemin qu'a emprunté Hans, «sans s'étonner ni questionner davantage». Car ils entendent bien redonner au manuscrit son entièreté, combler les passages manquants. Un travail d'équipe qui va finir par payer.
Ensemble, ils vont revisiter l'enfance et la jeunesse de la vieille dame, les pages évoquant son père, l'homme de la Riviera dans son blazer froissé. Lui qui est parti trop tôt ne va cesser de jeter un regard bienveillant sur l'oeuvre en cours. Ils retrouveront aussi Hans, qui les a longtemps tenus en haleine et dont ils n'apprendront finalement guère plus que les quelques mots lâchés au détour de son errance.
Dans ce court roman, Anne Serre explore avec malice l'acte créateur et nous propose de la suivre dans la fabrique du roman. Un jeu de miroirs assez fascinant, déroutant à souhait, qui permet à la romancière de jouer sur de nombreux registres simultanément, à la manière d'une organiste qui, à elle seule, joue une symphonie. Un peu comme si ce qu'elle faisait jusque-là livre après livre, en explorant le conte avec Petite table, sois mise! le scénario avec Film, le théâtre avec Dialogue d'été ou le pastiche avec Voyage avec Vila-Matas était désormais rassemblé ici. Voilà comment Anne Serre est devenue virtuose.



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Petit mais costaud. C'est le genre de livre que l'on aime ou que l'on déteste, pas de milieu. Pour ma part j'ai adoré, donc je ne vais pas bouder mon plaisir de faire une petite review à cette chère vieille dame auteur.

D'amblée nous sommes perdus. En effet, dès le départ, nous nous retrouvons au chevet d'une vieille dame auteur dans la chambre de laquelle se trouve aussi un narrateur.
Jusque là, rien de très bizarre.
Et ensuite, on se rends compte que ce qu'on lit est écrit sur deux registres... le premier fait furieusement penser aux romans du XIXème avec de jolies et longues phrases descriptives. le second est résolument plus moderne.
Et ensuite on se rend compte qu'en fait, on est en train de lire la rédaction du roman, comme si l'on était dans un studio de cinéma, derrière les caméras.
On n'est pas dans l'imaginaire de la vieille dame ou dans ses souvenirs, c'est plus que ça. On a l'impression que les souvenirs ont leur propre existence et sont filmés par un cameraman, qu'ils sont même indépendants de la vieille dame auteur.
On se rend compte que le narrateur omniscient (attention, pas le narrateur du livre, le personnage ) fait partie d'un genre de bureau des narrateurs avec un chef qui est le destin. On croise aussi d'autres narratrices qui sont en fait la vieille dame auteur dans sa jeunesse, mais qui ont leur vie propre de narratrice dans ce bouquin.

Franchement, j'ai adoré me perdre dans ce petit bouquin de 127 pages, mais il faut pouvoir accepter d'être perdu dedans pour apprécier.


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4ème de couverture. Une équipe TV est venue filmer une vieille dame auteur mourante. Thème, un manuscrit inédit avec des trous que l'équipe cherchera à combler.

Début du livre. Des personnages en vadrouille, je n'y comprends pas grand-chose, des semblants d'explications puis accumulation aidant à mi livre tout cela devient clair.

Je prends des notes.

Anne Serre, l'écrivain en chef, chef d'orchestre qui orchestre tout.
Le trio TV dont le réalisateur, étiqueté narrateur omniscient par l'écrivain en chef.
La vieille dame auteur, qui dirige les opérations autant qu'elle est dirigée par le narrateur omniscient et le chef d'orchestre.
Le narrateur Hans dont se sert la vieille dame pour orchestrer son livre plein de trous.
Des avatars de la vieille dame, petite, genre 12 ans et plus tard 40 ans, âge de la splendeur au féminin.
Un père et ses également avatars dont celui dit homme de la Riviera.
Marie, je vous laisse découvrir.
Holl, le compagnon de service qui ne sert pas à grand-chose.
Et tous ceux que j'ai oubliés.

Le cadre.

Un village, source d'inspiration de l'auteur et un cimetière qui comme la femme est l'avenir de l'homme.

Donc et je suppose.

Anne Serre qui s'amuse et se penche sur inspiration et travail d'écrivain. Des idées, des images, des liens pour une cohérence d'ensemble ou pas, des ratés, des gommages, des reprises, un peu beaucoup d'autobiographie
et des éléments d'incompréhension sauf si on vous explique.

Comme par exemple cette histoire que m'inspire la vieille dame.

Il allait nulle part mais y allait quand même et cela remplissait sa vie.
Explication. Psychotique et bénéficiant des transports parisiens gratuits, il les prenait à longueur de journée sans aller nulle part et afin que le temps passe.

Pas terrible cette impression de lecture qui ne mène à rien.

Oh, n'exagérons pas.

Bel exercice de style un tantinet nombriliste de la part de l'auteur. Dans l'échange auteur lecteur, le lecteur trouvera t il son compte. Question de goût. Les notes Babélio vont de 2 à 5.

3 pour moi, conciliant et mi figue mi raisin

Comment se termine le livre ?
Comme je m'y attendais bien sûr.
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critiques presse (2)
Bibliobs
18 octobre 2022
Ce conte à triple fond, poétique comme un tableau de Corot, harmonieux comme des vers de Hölderlin, est assurément un grand livre qui rappelle que la littérature ouvre une brèche dans le réel pour y faire entrer le rêve et la lumière.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LeFigaro
29 septembre 2022
On aura compris qu’avec ce roman d’Anne Serre, on est en présence d’un livre gigogne, il contient plusieurs niveaux de narration: celui de l’auteur, celui du narrateur, celui des personnages. Et celui des commentateurs. Ils sont distincts, mais peuvent se confondre.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
(Les premières pages du livre)
Le narrateur est assis sur une chaise, les pieds posés sur la barre supérieure, les coudes sur les genoux, la tête entre les mains, un peu voûté donc, dans l’angle de ce qui apparaît être un grenier un peu sombre mais éclairé tout de même par une drôle de fente qui n’est pas une lucarne mais une sorte d’ouverture étroite, pareille à un cartouche ou à une meurtrière horizontale plutôt que verticale, par laquelle, Dieu soit loué, il peut considérer le paysage s’il en a envie. Et le paysage est ravissant. Il est tout à fait du genre de celui que pouvait voir Hölderlin de son grenier à lui chez le meunier : une vue champêtre, paisible, à la fois solennelle et exacte, faite d’arbres élégants, de petits troupeaux, de lignes vallonnées, de belle lumière et de quelques toits. Bravo au paysage. Le narrateur semble ruminer, réfléchir en tout cas, en dépit de sa posture un peu accablée, mais après tout, peut-être n’est-il pas si accablé, peut-être s’est-il simplement retiré dans son grenier pour avoir la paix, parce qu’il s’y sent bien – l’odeur du bois est agréable –, parce qu’il aime bien regarder par cette petite ouverture ? Il est vrai que c’est plus joli qu’au cinéma. Même moi qui suis à l’autre bout du grenier – assez vaste –, regardant tour à tour le narrateur assis de profil et cette ouverture lumineuse comme une espérance, je me sens heureuse et tranquille dans cette situation.

Normalement, on ne peut pas s’approcher aussi près d’un narrateur. Ce n’est pas que c’est interdit ou tabou ; c’est plutôt que cela ne se fait pas. C’est presque inconvenant. Mais nous en sommes arrivés à une telle situation, lui et moi, que l’inconvenance n’est plus un obstacle valable. Il ne tourne pas les yeux vers moi même s’il sait parfaitement que je suis là. De mon côté, je me sens avec lui comme on peut se sentir avec un être imaginaire ou un fantôme, ou une présence sauvage qui pourrait aussi bien bondir et vous assassiner, mais curieusement, alors que je suis assez peureuse d’ordinaire, je n’ai absolument pas peur de lui. Enfin nous y voilà ! lui dis-je en chuchotant. Cela fait tant de temps que je souhaitais te retrouver. Je n’arrivais pas à mettre la main sur toi. Où que je me tourne, tu n’étais pas. Tu semblais avoir déserté. Et te voilà à ton poste, dans ce grenier, regardant par cette fente lumineuse ce qui peut bien se passer dans le paysage.

Il porte ce costume gris un peu défraîchi et démodé que je lui ai toujours connu. C’est un narrateur assez élégant, au fond. S’il avait porté des baskets et un tee-shirt je me serais sentie mal à l’aise car il aurait ressemblé à une personne réelle. Son genre de costume me fait penser qu’il vient forcément du passé, d’un passé pas si lointain d’ailleurs, début vingtième siècle, je dirais. Après-guerre ? Avant-guerre ? Hors la guerre. Il n’a pas connu la guerre. Je crois même qu’il ne sait pas ce que c’est. C’est peut-être parce qu’il a toujours vécu au fin fond de la campagne. Il me donne l’impression – pas uniquement maintenant, c’est toujours ainsi que je l’ai vu – de n’avoir contemplé que des toits, des arbres, des silhouettes. On a l’impression aussi qu’il n’a pas été engendré. Supposer une mère ou un père, ou une mère et un père au narrateur, c’est difficile. Ou alors dans son enfance, lorsqu’il était petit et promis à son destin de narrateur comme des enfants tibétains sont promis au rôle de Rinpoché. En tout cas il est seul, isolé dans le monde mais sans en souffrir du tout ; c’est son statut. Je ne me suis jamais vraiment posé la question de sa virginité. A-t-il connu ou connaît-il parfois le contact charnel avec un ou une autre ? Il se peut que le narrateur ait un double, un triple fond. Déjà, son existence et sa présence sont bien mystérieuses, mais comme avec le cosmos, les planètes et les univers, on peut imaginer qu’au-delà de ce que l’on voit et perçoit, il y a une vie enténébrée du narrateur à des millions d’années-lumière. On pourrait d’ailleurs dire cela d’à peu près tout le monde, non ?

Moi-même, je dois être un drôle de corps pour me sentir si bien avec lui, en sa présence. Attention : je peux me sentir bien avec d’autres êtres, vivants, gentils et doux. Et d’ailleurs je ne pourrais pas me contenter de ma relation avec le narrateur. Si je n’avais que celle-là, me manqueraient mille autres choses : il faut bien que je vive. Car avec lui, on ne vit pas, on est ailleurs, on est dans un temps suspendu, éternel, comme si tout s’était arrêté. J’ai un attrait que je pourrais qualifier d’érotique pour ce temps suspendu, arrêté, car c’est celui de la plus grande félicité de mon âme, de mon esprit, et presque de mon corps. Je me rappelle un ami qui me disait fort justement qu’au fond, dans l’existence, on fait mille choses, mais que la seule chose qu’on attend, c’est de faire l’amour, et que tout le reste est en quelque sorte du remplissage dans l’attente de ce moment. De mon côté, je pourrais dire cela de ma rencontre avec le narrateur. Tout le reste est du remplissage, parfois bien agréable, mais dans l’attente de cette rencontre muette dans le grenier ou ailleurs – parfois c’est ailleurs. Enfin, pas si muette cette rencontre, même si l’on ne parle pas, car alors passent des courants d’une force et d’une fluidité peu communes entre lui et moi. Je pourrais même dire que c’est là la vraie conversation.



Nous allons donc demeurer ensemble quelque temps, lui et moi. Je jette un œil dans le grenier où à vrai dire il n’y a pas grand-chose. J’ai connu un grenier de ce genre dans mon enfance, dans la maison de vacances de mes grands-parents maternels à Thézan-lès-Béziers. C’était une drôle de maison qu’on n’ouvrait qu’en juillet et qui restait fermée tout le restant de l’année, aussi, quand nous y arrivions, le premier soin de mon père était-il de s’armer d’un balai et de se rendre sur la terrasse que surmontait l’énorme tête d’un tilleul planté plus bas, pour en repousser et chasser l’amas de feuilles qui s’y étaient accumulées depuis un an, parmi lesquelles circulaient peut-être des scorpions. La pièce à vivre, les chambres et la terrasse étaient au premier. Au second, il y avait un grand grenier vide auquel, j’ignore pourquoi, nous n’avions pas accès. On pouvait cependant en entrouvrir la porte et considérer ce grand grenier entièrement vide, mais il n’était pas question d’y jouer et encore moins de s’y installer. Le grenier de mon narrateur n’est pas aussi vide que celui de Thézan-lès-Béziers, et d’abord, il est plus petit, plus sombre, plus bas de plafond ou plutôt de combles. Il y a bien quelques meubles ou caisses dans un coin et un autre. Par son plancher disjoint, on peut, non pas distinguer le jour, mais parfaitement entendre les sons de la pièce au-dessous.

Je regarde si c’est ce qu’il écoute, mais non, il n’écoute pas ou guère. Ce qu’il fait surtout et même exclusivement, semble-t-il, c’est regarder par la fente lumineuse, et encore, pas tout le temps, pas comme un guetteur, non, plutôt comme quelqu’un qui vérifierait quelque chose en jetant des coups d’œil, ou que le spectacle de la nature aiderait à rêver. Je regarde avec lui, mais située plus loin de l’ouverture puisque je suis à l’autre bout du grenier, ce qui fait que de mon côté j’en suis quasiment réduite à ne voir qu’une fente lumineuse, tandis que lui, très bien situé par rapport à cette ouverture, peut distinguer les innombrables détails sans cesse changeants du paysage.

(...) (manque ici, dans le manuscrit, une dizaine de pages, que l’auteur du texte, interviewée sur son lit de mort, résuma ainsi) :

Si je me souviens bien – mais il est si loin, ce texte –, suite à la phrase précédente, la narratrice raconte qu’elle essaie de se mettre à la place du narrateur pour imaginer ce qu’il voit. Elle dit : je joue à être lui. Puis elle dit qu’au premier plan il voit des arbres grands et beaux, une grange auprès de laquelle un homme s’affaire avec des vaches, et un peu plus loin un troupeau de boucs « aux poils jaunes et aux cornes extraordinaires » qu’elle décrit entre autres comme « pyramidales ». Puis elle dit que ce troupeau semble sortir du Parnasse, de la mythologie antique, et qu’elle le voit comme un signe, probablement le signe qu’elle va se mettre à raconter une histoire. Mais elle précise qu’elle ne veut pas trop interpréter car elle ne veut pas « délirer comme Strindberg ». Mais il est clair que ce troupeau n’a rien à faire là : « Dans cette région il y a peu de moutons et de chèvres, plutôt des vaches, des chevaux et des ânes », dit-elle. Ensuite, elle dit qu’elle l’a remarqué en arrivant au village (avant de monter dans la maison et d’accéder au grenier), et elle raconte comment elle est partie, le matin, de son village à elle, à pied, pour venir à celui-ci, parce qu’elle s’était rappelée qu’elle s’y était promenée avec son père lorsqu’elle avait vingt ans et que ce souvenir pourtant un peu flou était celui d’une grande joie. Elle raconte comment elle a quitté sa maison le matin, en annonçant à Holl (son compagnon ?), qui semble y passer l’été avec elle (elle précise que c’est sa maison d’été), qu’elle partait se promener. Holl lui recommande de rentrer « avant la nuit tombée ». Elle emporte un sandwich et une petite bouteille d’eau et elle dit qu’elle ne prend jamais de téléphone quand elle part ainsi vagabonder, car elle en a assez d’être toujours « joignable », et que si elle avait toujours été « joignable » et avait toujours pu joindre les gens, elle ne serait jamais devenue écrivain. Elle dit enfin – je résume, je résume, il y avait bien dix pages déjà écrites et vraiment écrites – qu’il y a douze kilomètres entre sa maison d’été sur un plateau et le village où elle veut se rendre, appelée par son souvenir. Que du plateau elle doit descendre dans une vallée si profonde qu’elle est noire vue d’en haut, puis monter sur l’autre versant, marcher sur les crêtes, avant d’apercevoir au loin le village. Elle dit aussi – mais c’est avant, je m’en souvi
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C’est drôle, ces gens sans grand intérêt apparent qu’on dédaigne, car ils peuvent finir par former vos meilleurs amis. Ou plutôt : vos plus sûrs amis. On aura connu des gens cent fois plus passionnants, vivants, inattendus, charmants, mais à tout prendre, ces gens-là vous fatiguent. Rien de plus fatigant que les échanges passionnants. Tandis qu’avec une petite troupe – très réduite – de serviteurs muets, qui pour une raison ou une autre ne s’émeuvent pas de votre autorité, il semble que parfois l’affection puisse poindre exactement comme l’aurore. J’avoue qu’il m’arrivait de plus en plus souvent (...) de dédaigner les puissants, les brillants, les charmants charmeurs – et charmeuses –, pour passer une soirée dans la maison moche de Jacques ou « l’atelier » où Édith fabriquait d’horribles sculptures, et cela pour une seule raison : parce que Jacques ou Édith ne me faisait jamais de mal. Et puis ils pouvaient dire soudain des choses très étonnantes parce que très vraies. J’ai toujours été extrêmement vaniteux, avec un sentiment très fort de supériorité, un mépris absolu pour tout ce qui n’entrait pas dans ma machine à broyer et une méfiance considérable envers les nantis aux yeux fins. Avec Jacques et Édith, je me reposais. Je pouvais laisser tomber cet extraordinaire système de défense le plus souvent dressé devant des ennemis imaginaires. Et puis, au bout d’un moment, je m’ennuyais car j’avais envie de combattre avec des rivaux de ma taille, ce qu’ils me laissaient faire sans commenter.
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Ma chère Marie, ce fut une bonne soirée. Nous y étions tous, personne n'a manqué à l'appel. Il y avait ma jeunesse, mon enfance, mon père parti trop tôt qui était là dans son blazer froissé. Hans, comme d'habitude, nous a tenus en haleine sans nous donner grand-chose mais comme nous étions heureux de le voir, dos à nous, regarder par la fenêtre dans ce costume gris un peu clérical qui nous plaît toujours tant! p. 90
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Parfois je suis sous ma douche, raconte la narratrice, et tout d'un coup je pense au malheur qui a fait se tuer ma sœur, à celui qui a tué mon autre sœur, à celui qui s'est emparé de mon père, et nue sous l'eau chaude et le savon, je slalome (en pensée) à toute vitesse, comme une championne, entre ces affreux piquets dressés, pour éviter le souvenir et parvenir à m'effondrer dans la neige fraîche en riant, saine et sauve, conquérante, à l'arrivée. Alors que je ne pratique aucun sport, quand je consulte un médecin, il me dit : vous êtes sportive, non ? Je slalome lui dis-je. J'évite les écueils, j'ai une excellente pratique, et cela me muscle en effet. (page 33)
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Ce devait être mars, ce mois dont Dickens dit qu’au soleil c’est l’été et à l’ombre l’hiver. Mars était aussi le mois où sa jeune sœur était née et celui où elle était morte.
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Vidéo de Anne Serre
Avec Bertrand Belin, Jeanne Cherhal, Marianne Denicourt, Patrick Deville, Diaty Diallo, Marielle Macé, Yves Pagès, Lucie Rico, Jean Rolin, Anne Serre & Fanny Taillandier Musique : Joël Grare
Pour célébrer la Fête de la librairie qui se tiendra samedi 15 avril, nous dévoilons en avant-première, en lecture et en musique, l'ouvrage réalisé pour l'occasion, Plumes : des portraits d'oiseaux imaginés par vingt-cinq écrivains, des illustrations flamboyantes par l'artiste Michaël Cailloux et une anthologie de textes, expressions et poèmes sur les oiseaux réalisée par Marielle Macé.
Jeanne Cherhal fera le lever de rideau. Bertrand Belin, Patrick Deville, Diaty Diallo, Marielle Macé, Yves Pagès, Lucie Rico, Jean Rolin, Anne Serre & Fanny Taillandier dévoileront le portrait de leur oiseau favori… accompagnés du percussionniste et compositeur Joël Grare.
Ce dernier, en compagnie de la comédienne Marianne Denicourt, nous offrira ensuite un florilège de textes qui ont célébré de tous temps les volatiles, en espérant que le chant de ces horlogers du ciel vous extirpera de la cacophonie du monde…
À faire – 25e Fête de la librairie indépendante, samedi 15 avril dans plus de 500 librairies en France.
Lumière : Patrick Clitus Son : William Lopez
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