Première incursion dans l'univers d'
Anne Serre rencontrée via mon amie babeliote Alice, qui a toujours des lectures très intéressantes, me concernant. J'ai choisi ce titre pour Vila-Matas l'écrivain catalan que j'apprécie particulièrement.
Anne ou son sosie est invitée à participer au dixième festival littéraire de Montauban. Elle va y faire le voyage en train, laissant son imagination voguer à travers des auteurs et leurs citations dont une grande majorité fictive, s'exprimant ainsi par le biais d'un autre, sur le pouvoir de la littérature. Un procédé qu'elle attribue à Vila-Matas, acteur principal de ce voya
ge littéraire, “à force d'inventer des noms et des citations d'écrivains qui n'existent pas (sinon qu'ils sont peut-être les siens), on finit bien naturellement par prendre les vrais écrivains pour des écrivains inventés”. L'occasion pour elle aussi de disserter sur la relation écrivain-lecteur. Selon elle, ces rencontres littéraires sont une imposture qu'elle préférerait éviter, car un auteur ne peut se rencontrer que dans l'espace de ses romans. Un avis que je partage totalement n'étant pas friande d'aucune rencontre littéraire avec un écrivain ou écrivaine. Elle va plus loin et nous engonce dans l'artillerie lourde, Kafka,
Thomas Bernhard,
Thomas Hardy,
Robert Walser,.... ces auteurs qui se trouvent sur son mont d'Olympe, des écrivains morts pourtant vivants à travers leurs oeuvres, l'unique moyen pour les lecteurs de les rencontrer, des écrivains et des êtres de fiction. Elle pousse la manipulation littéraire à son paroxysme avec une deuxième partie, car non seulement son martyre 😁Vila Matas est le personnage fictif du voyage à Montauban mais elle en fait aussi l'auteur fictif et narrateur d'une délicieuse histoire de mails anonymes, qu'elle nous sert à travers des situations fantasques inventées à sa guise , mais nullement foutraques. Dans la dernière partie , elle décide de lui tourner le dos, “j'ai toujours voulu rompre avec ce que j'ai passionnément aimé .......Vila Matas était devenu un écrivain et un être de fiction.”
Jouant avec brio sur la mince frontière entre réalité et fiction, un livre frais, léger, intéressant, surprenant sur le pouvoir de la littérature , avec un style qui me rappelle beaucoup celui du Vila-Matas d'”Impressions de Kassel” , où l'écrivain participait à une exposition d'Art moderne contemporain dans le cadre d'une “ installation littéraire “, auquel ici Serre fait aussi abondamment allusion. Une écrivaine vite, vite, vite à découvrir !
« L'écrivain qui écrit ses livres n'est pas la personne qui se trouve devant vous. Jamais. Celle qui se trouve devant vous a des amours, une vie de famille, une robe de chambre, n'aime pas le porridge, fume trop, a chaque semaine des séances de kiné, vient de s'acheter un nouveau manteau, passera ses prochaines vacances en Savoie. Mais celle-là, ce n'est pas du tout celle qui a écrit un livre. Celle qui a écrit un livre n'a pas de corps, on ne peut pas la toucher, elle est même invisible. »