Solide .....
Je fais ce commentaire pour insister sur l'extrême qualité de ce petit ouvrage .
Il très solide , agréable à lire, neutre , absolument pas polémique.
Le monde arabo-musulman est traversé par de nombreuses lignes de fractures , modernité , problématiques politiques entre des formes de pouvoirs traditionnelles et des greffes de structures politiques et étatiques contemporaines extérieures .
Les clivages y sont nombreux par ailleurs et c'est un monde en mutation et actuellement disons-le : il est par endroit en convulsions violentes depuis 3 ans , en particulier et encore plus .
Parmi les clivages historiques qui ont habité cet univers culturel , il en est un de nature politique et religieuse qui est profond et qui date quasiment des origines de l'islam .
L'auteur nous propose ici une étude historique de qualité .
Il n'est pas question d'un ouvrage polémique fait par un polémiste nocif …
Le texte est d'une limpidité exceptionnelle .
Il permet de saisir le caractère spécifique de la notion de pouvoir dans l'univers islamique , car entre chiites et sunnites en islam , le lecteur découvrira d'abord un curieux schisme politique ( légitimité par ascendance prophétique ) aux secondaires et très profonds effets religieux ultérieurs ( création de doctrines) , avec surtout des structures religieuses très différentes sur le fond et la forme .
Le titre n'est pas racoleur , c'est d'une guerre lancinante et ancienne dont il est aussi question ici .
Mais ce conflit viscéral ne résume pas le sujet et l'auteur définit aussi les processus historiques qui ont animé les créations politiques et religieuses de ces deux univers .
Un sunnisme assez éclaté et collégial générateur de jurisprudence et un chiisme au clergé hiérarchisé , inspiré et coloré par le messianisme , la commémoration constante de la souffrance sanctifiée , dans des cadres festifs avec une martyrologie aussi encadrée que créatrice de numineux divers et varié aux conséquences sociales vigoureuses .
L'auteur décrit et donne du sens pour le lecteur , à ces deux univers très dissonant et solidement divergents ( analyses approfondies des structures et des doctrines ) , avec une trame principalement historique et chronologique.
Au-delà du caractère intrinsèquement passionnant de cette matière , ce clivage historique opératoire de longue date encadre toujours avec de lourdes conséquences géopolitiques contemporaines , les conflits régionaux du moyen orient .
L'ouvrage est franchement allusif sur la donne très contemporaine .
C'est pourquoi je vous propose une conclusion avec cette donne géopolitique et religieuse :
L'Iran chiite , l'Irak chiite au sud de ce pays ( épicentre religieux du chiisme) et le bassin pétrolier de l'Arabie saoudite , hautement stratégique ( hydrocarbures) et chiite majoritairement ainsi que opprimés par l'état saoudien sunnite , sans oublier le hizballah chiite au Liban , le Bahreïn chiite sous domination sunnite minoritaire et les alaouites et les sunnites de de Syrie ( sunnites majoritaires mais sous domination chiite depuis la fin des mandats coloniaux ) , se télescopent frontalement avec le sunnisme entre autre saoudien et wahhabite dans ces régions hautement sensible comme le golfe persique et même au Yémen avec les houttis chiites . La nébuleuse islamiste sunnite se confronte également violement avec le chiisme religieux et politique .
L'Iran est très actifs pour protéger et instrumentaliser les minorités chiites , l'Arabie saoudite géant financier , aux pieds d'argile , se confronte à l'Iran alors que les minorités chiites proche orientales acquièrent des structures quasi étatiques et des forces militaires indépendantes .
Un sujet passionnant sous plusieurs angles : histoire des religions , géopolitiques , diplomatie …… etc …..
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Petit essai de 150 pages qui démontre au lecteur non averti qu'essayer de parler d'un conflit entre islam et démocratie pour expliquer les récents événements du Proche-Orient et du nord de l'Afrique a autant de pertinence que d'expliquer les guerres de religion et les révolutions européennes sous le prisme « royauté contre christianisme ».
Si pour la majorité des occidentaux, l'islam apparaît comme un bloc uniforme (généralement sur le point de piller nos femmes et violer nos maisons), la réalité est plus complexe, les croyants s'étant divisés en plusieurs branches (sunnites, chiites, alaouites, ismaéliens, …) qui ne se sont pas toujours très bien entendues, c'est le moins que l'on puisse dire. Les rancoeurs et les volontés de prendre enfin sa revanche sont nombreuses.
Même si l'essai est trop court pour être autre chose qu'une bonne introduction, il éclaire tout de même les différents enjeux qui se jouent en ce moment dans cette région. L'auteur déplore également l'évolution du rôle de la France dans la région, qui est perdu sa légitimité d'arbitre et d'interlocuteur privilégié, et qui tente de reconquérir de l'influence par une série d'attaques aux résultats discutables.
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Au lieu d'opposer l'islam à l'occident, apprenons à comprendre que l'islam se livre en interne des luttes fratricides.
C'est à cette démarche que nous invite l'auteur, en nous retraçant l'histoire de l'islam depuis la mort de leur prophète et la guerre de succession qui en a suivi et est à l'origine du sunnisme et du chiisme qui se combattent encore aujourd'hui.
Alors certes, c'est une lecture d'autant plus simple qu'elle est brève et qui n'apporte que de premières clés de lecture, mais pour ces raisons-là justement, c'est une lecture dont il ne faut pas se priver pour mieux comprendre l'actualité d'aujourd'hui.
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Antoine Sfeir (né en 1948) est un journaliste et politologue libano-français, auteur d'ouvrages sur le Moyen-Orient et le monde musulman. Dans ce livre paru en 2013, il se penche sur l'interminable confrontation entre chiites et sunnites. A l'origine il y avait Ali, gendre du Prophète. Il accéda tardivement au rang de calife, avant d'être tué en 661. Plus tard, son fils Hussein subit le martyre en 680. Au total, douze Imams se sont succédés, jusqu'à Muhammad al-Mahdi « occulté » en 874. La référence (presque obsessionnelle) à ces douze Imams est l'une des bases du chiisme, en particulier du chiisme duodécimain (devenu en 1501 la religion officielle de l'Iran). Mais il existe d'autres obédiences dans le chiisme.
Par opposition au sunnisme, le chiisme considère l'imam comme l'intermédiaire indispensable entre Dieu et le croyant de base. On retrouve cette conception dans l'Iran contemporain: le pouvoir temporel et religieux y est fondé sur le "velayat-e faqih" (gouvernement des doctes) et le guide suprême actuel est l'équivalent de l'Imam.
L'auteur examine ensuite les divers particularismes du chiisme: la continuation de "l'itjihad" (effort d'interprétation), la "taqiyya" (art de la dissimulation, en situation de persécution), le "tazieh" (une cérémonie populaire rappelant le martyre d'Hussein) et le "sigheh" (mariage temporaire). C'est instructif.
La suite du livre est moins passionnante. A. Sfeir fait le recensement des chiites dans les mondes arabe et non arabophone. Il fait une analyse de l'antagonisme entre puissances chiites et sunnites, tel qu'il était il y a cinq ans: depuis lors, la situation géopolitique a énormément changé, rendant peu pertinentes les considérations géopolitiques développées.
Pour ma part, j'étais déjà bien documenté sur le chiisme. Ce qui m'a le plus interpellé dans cet ouvrage, c'est le portrait d'Ali, qui se considérait bien plus comme un chef religieux que temporel. Son échec final est dû à sa volonté de consensus au sein de la jeune communauté musulmane et à son manque de fermeté envers ses ennemis. Si Ali avait eu un autre esprit et une autre attitude, le destin de l'Islam aurait été totalement différent.
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