- On n'oublie jamais les paroles gentilles de quiconque.
Elle ramasse le pot vide, le transplantoir et l'arrosoir. Elle me demande en se levant :
- Pourquoi m'as-tu parlé de Sono, tout à coup ?
- Les fleurs me l'ont rappelée, c'est tout.
Elle rentre dans la maison.
Je regardes de nouveau les fleurs et me dis : "On n'oublie jamais les paroles méchantes de quiconque non plus." Je sais que Mariko se souvient de celles de ma mère : "Vous êtes d'origine douteuse, n'est-ce pas ?" Sono m'avait souvent répété : "Kenji, il ne faut jamais dire à personne des mots blessants." Elle avait raison.
Il pleut tous les jours. C'est la saison des pluies. Je vais au laboratoire à pied. En marchant, je vois partout des hortensias en fleurs. Je m'arrête et les regarde, émerveillé par la beauté de toutes ces couleurs vives. Lorsque je trouve un escargot entre des feuilles, je me souviens de mon enfance passée avec Sono. Je lui rendais visite après l'école. Dans son petit jardin, je cherchais des escargots et les mettais dans une bouteille avec des feuilles mouillées. Je me plaisais à observer ces petites bêtes. (p. 61)
On n'oublie jamais les paroles gentilles de quiconque… On n'oublie jamais les paroles méchantes de quiconque non plus.
C'est l'histoire d'une petite fille qui s'appelle Poucette. Elle sauve une hirondelle blessée, et part avec elle dans un pays chaud, après avoir subi une misérable vie. Dans un endroit débordant de fleurs, elle rencontre un prince charmant et se marie avec lui."
— Il y a trop de vénalité. Comme on dit le proverbe : « Même en enfer, le jugement dépend de l’argent. »
Sono est la seule personne avec qui je puisse parler de ma situation compliquée:ma responsabilité d'héritier, ma stérilité,ma rencontre avec une orpheline qui a un fils naturel,ma difficulté à convaincre mes parents. Sono me manque.
Une image de mon enfance m’envahit : je pleure dans le noir, seul. « Maman ! Maman ! J’ai peur ! » Personne n’entre dans ma chambre… j’ai le cœur serré. Je fixe mon père, qui garde le silence, les bras croisés. Je bois du thé, mal à l’aise.
Après le dîner, YouKio nous demande :
–Peut-on jouer au Kaïawase ? Je vous montre comment.
Il met les coquilles des hamaguri sur la table.
Il explique :
– les règles du jeu sont très simples : trouver les deux coquilles qui formaient la partie originale.
Je connais ce jeu, mais je dis quand même :
–Elles sont toutes pareilles !
–Non, regardez bien, dit-il.
Il prend deux coquilles et les colle l'une contre l'autre.
–Elles ne sont pas de la même grandeur, n'est-ce pas ?
–Tu as raison, dis-je.
–Alors, ça ne sera pas facile, monsieur Takahashi !
Mariko sourit.
En fait, c'est un jeu archaïque dont l'origine remonte à l'époque de Heian. Les nobles jouaient avec des coquilles dans lesquelles étaient écrits des poèmes. Je demande à Yukio:
–Où l'as-tu appris, ce jeu ?
Il ne répond pas. Mariko me dit :
– Peut-être de madame Tanaka, qui aime les hamaguri. Elle dit aussi qu'il n'y a que deux morceaux qui vont vraiment ensemble, comme un couple qui s'entend bien.
Ma mère était tout le temps frustrée. Elle m'aimait comme si elle essayait de compenser l'amour qui lui manquait. Cela me suffoquait, mais je ne pouvais que le supporter. Encore aujourd'hui, les choses n'ont guère changé entre nous, ni entre mes parents.
- Vous avez l'air perdu. C'est moi qui vais gagner aujourd'hui.