Citations sur Une année de neige (30)
Tous, ici, se saluaient, et c'était très différent de Paris où, au contraire, les gens s'ignoraient.
Tous deux, en fait, se demandaient comment renouer le fil d'une conversation moins grave, plus ordinaire, qui leur permettrait de vivre moins douloureusement.
... il avait compris qu'il ne pouvait pas impunément poser n'importe quelle question, et que, sans doute, ceux qui vivaient près de lui souffraient autant que lui. Cette découverte l'avait isolé davantage
De ces souffrances-là, de la maladie et du malheur, ils n'avaient pas l'habitude de parler. Ils ne les traitaient pas par le mépris mais par le silence et le courage. C'était ainsi que, depuis toujours, ils avaient traversé les épreuves de la vie.
En même temps, cette peur provoquait par moments un sentiment de révolte contre l'injustice qui lui était faite. Pourquoi était-il frappé de la sorte, lui, alors que tant d'autres enfants ne tomberaient jamais malades ?
Depuis le jour où le médecin lui avait appris la nouvelle, par une sorte d'instinct de protection, il s'était comme retiré en lui-même. Il s'agissait de ne pas laisser la moindre prise au monde extérieur pour éviter qu'il n'ajoute la moindre souffrance à celle qui, déjà, était trop grande pour lui.
C'était comme si la peur de ce mercredi 10 avril 1990 demeurait endormie dans sa tête. Il parvenait à y penser avec moins d'angoisse, même s'il ne cessait de se poser des questions. Il allait peut-être mourir. Qu'Est-ce que c'était que mourir ? Est-ce que c'était souffrir ? Il avait demandé à sa mère mais elle n'avait pas su lui répondre. Et qu'y avait-il après la vie ? Comment c'était là-bas ? De toutes ses forces il tentait de s'imaginer que là-bas, c'était comme chez ses grands-parents, et il s'évertuait à ne pas imaginer autre chose. Un refuge. Un port. Sans souffrance. Sans médecin inconnu. Des prés, des champs, des arbres. Plus jamais de peur. Plus jamais cette morsure au fond de son estomac, ce souffle coupé. Pouvait-on mourir à dix ans ? Non. C'était impossible.
Il n’y avait pas un bruit dans la vallée. Le soleil se couchait sur les collines en incendiant le sommet des arbres. Sébastien s’aperçut qu’il avait tout oublié de ce qui s’était passé avant ces heures près du ruisseau. Le retour à la réalité lui mordit douloureusement le ventre. Marchant derrière Auguste, il se promit de revenir pêcher tout seul. Il lui sembla qu’il y avait là, au bord du ruisseau, un port dans lequel, plus qu’ailleurs, il se sentait en sécurité.
Il avait eu raison de venir jusqu’à eux. Cet homme et cette femme, il en était sûr maintenant, étaient capables de le porter jusqu’à la guérison. Il y avait dans leurs yeux, dans leurs gestes, leurs paroles, une chaleur qui allait faire fondre définitivement la neige sous laquelle il avait failli être enseveli.
Il n’avait jamais douté que les deux vieux accepteraient de le prendre avec eux. Cet homme et cette femme qu’il connaissait si peu n’étaient pas de ceux qui refusent un secours à qui que ce soit. Et en effet, ils avaient dit oui, tout de suite, sans discuter, sans demander d’explications, tandis que leur fille unique balbutiait des mots incompréhensibles en étouffent ses sanglots.