Maigret ne joue pas souvent aux cartes mais il aime parfois regarder les joueurs de manille ou de belote (l ne comprend rien au bridge, comme il le reconnait dans Les vacances de Maigret) en buvant en verre au café du coin, surtout en province. Ceux du grand café va portant le conduire à la table des habitués du principal établissement de Meung-sur-Loire (« le lieu de réunion sélect de notre ville », un peu contraint par son épouse qui le trouve désoeuvré. L'occasion pour Simenon, dans le premier chapitre, de brosser un tableau réaliste des notables locaux - le maire également vétérinaire, le maréchal-ferrant, le boucher - et leurs habitudes. Une évocation des mois qui passent également, que rythment les boissons consommées par les joueurs.
C'est la mort violente du boucher qui va être le point de départ de ce que l'ex-commissaire appellera un drame. Un événement dont Maigret va immédiatement percevoir la sinistre réalité et dont il refusera de parler à quiconque, ce qui lui vaudra quelques inimitiés et même des tensions avec Mme Maigret. Ce n'est que dans les toutes dernières pages qu'il livrera son analyse à Mme Maigret, démontrant qu'il n'a rien perdu de ses qualités.
Ceux du grand café ne propose pas une grande enquête mais, en moins de cent pages, reste un texte fort sur l'ennui que l'on ressent dans les petites villes, celui de la routine quotidienne pour les habitués de la partie de manille ou celui du manque de responsabilités pour le commissaire à la retraite. Un ennui qui amène les individus à rêver un peu trop fort et à prendre des décisions d'autant plus tragiques qu'elles sont dérisoires.
La très élégante collection « Carnets Omnibus » illustrée par Loustal est un régal.
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