Maigret et la jeune morte

Alors que le seul Maigret que j'ai jamais lu (les scrupules de Maigret) m'avait stupéfait par sa faiblesse, je m'étais dit que j'avais dû tirer une mauvaise pioche.

Effectivement !

Sans être un sommet du polar, cette enquête reste bien sympathique avec quelques rebondissement bienvenus et une galerie de personnages joliment croqués
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Autant qu'un polar, c'est un documentaire sur les moeurs et sur la police des années 50, moeurs modérément dévoyées, police modérément efficace, avec une note de compassion peu courante dans le polar contemporain. C'est aussi un ensemble de portraits de femmes, la victime — qui a passé tant de jours cachés sous un lit —, son amie, sa mère, sa logeuse, et même Madame Maigret qui fait silencieusement la vaisselle pour ne pas déranger son mari. Une bonne intrigue dans une civilisation oubliée.

Où Maigret se met dans la peau de Pauline, la jeune fille morte, pour refaire son parcours, deviner ce qui lui est arrivé et qui l'a assassiné.
Maigret est plus doué que Lognon, un policier concurrent qui enquête lui aussi sur la jeune morte.
Et pourquoi donc ? Maigret devine tout quand un barman lui déclare que Pauline a bu, juste avant de mourir, un Martini (ce qui est en fait un mensonge). Maigret maitrise non seulement la psychologie du buveur (préalablement de résoudre l'affaire, Maigret a bu 3 Pernods... ça aide !), mais aussi celle du non buveur.

Psychologie et technique vont se faufiler dans les rues des neuvième et dix-huitième arrondissements de Paris à la recherche d'un inconnu et de ses preuves.
Dans un style fluide et sans tâches, l'auteur emmène son lecteur de quais en rues et places aux hôtels borgnes et à ces pensions de solitudes et d'espoirs déchus.
Enquête à suivre dans ses tours et détours .........

Il est rare que je reste un an sans lire au moins un Simenon. Je viens de vérifier, 22 lus ou relus en 15 ans, mais seulement 4 Maigret. Il faut dire que les Maigret ont tellement la faveur du petit comme du grand écran, qu'on les connaît sans les avoir lus. Là, si j'ai choisi « Maigret et la jeune morte » c'est justement parce que ce roman va être sur les affiches en cet hiver 2022, avec un nouveau Maigret : Gérard Depardieu. Ça m'a donné envie de lire l'original avant de voir comment sera joué ce « Maigret 2022 ».
Tout au long de ma lecture, je me suis dit que l'écriture de Simenon est faite pour le cinéma. Tout est décrit avec précision, que ce soit les personnages où les lieux, et il y a énormément de dialogues.
Tout cela crée une atmosphère unique, l'atmosphère Simenon. Nous sommes dans le Paris des années cinquante et la jeune morte est retrouvée Place Vintimille en robe de soirée usagée. On ne sait rien d'elle, et Maigret va remonter le fil de sa vie petit à petit, d'abord à partir de ses vêtements. Ce qu'il souhaite avant tout, c'est reconstituer son histoire et son vécu, jusqu'à appréhender sa personnalité, afin d'avoir une idée de ce qui a amené cette jeune femme à mourir dans ces circonstances-là. On ressent l'empathie de Maigret pour la jeune morte sans avoir besoin de détails littéraires. Curieusement, c'est en décrivant les regards et les gestes de Maigret que Simenon nous imprègne de son ressenti. Maigret est bien à la recherche d'un meurtrier, mais c'est presqu'accessoire, donné en prime de tout le reste. Un bon Maigret avec un inspecteur Lognon en faire valoir.

J'ai eu le plaisir de recevoir le livre accompagné des places de cinéma. le mercredi étant le jour des sorties je vous fais un petit combo poche/ciné en retour.

Le film
J'ai vu le film avant de lire le livre, ce que je n'ai pas pour habitude de faire, mais comme j'étais plongée dans la lecture de Matrice de Céline Denjean (thriller à l'atmosphère bien différente vous en conviendrez), j'ai attendu d'avoir terminé ce dernier pour "attaquer" Maigret.

On retrouve ici l'atmosphère pesante des Maigret que l'on connaît, concernant le jeu des acteurs, je n'ai presque rien à dire (réalisme parfois disparate chez les seconds rôles), mais pour ce qui est de l'énergie générale du film… C'est "Glassy" pour utiliser une expression de surfeur : mer d'huile, lisse, pas de vent.
Un peu trop lent à mon goût donc ! 
Pas d'effusion, du Simenon en toute simplicité me direz-vous !

Est-ce que le film respecte le livre de Simenon ?
Alors bien sûr la trame générale est là mais il s'agit d'une adaptation et Patrice Leconte y apporte sa touche singulière (je ne vous spoile rien !) donc il y a pas mal de personnages secondaires qui passent à la trappe… L'enquête ne se déroule donc pas de la même manière et le dénouement diffère quant à lui complètement.
On entre aussi plus intimement dans la vie de l'inspecteur dans le film, ce qui n'est pas le cas dans le livre.
Au final c'est un hommage qui se tient, même si personnellement je n'ai pas été tout à fait séduite.
Il est à noter que le livre a déjà été adapté plusieurs fois en téléfilm…

Le livre
Dans le livre de Simenon, le personnage de Lognon, le bien nommé "Inspecteur Malgracieux" a une place à part (que l'on ne retrouve pas dans le film, ne cherchez pas…).
Ainsi Maigret et Lognon confrontent à leur façon méthodes d'investigations, personnalités et visions de la vie…
Le jeune morte est un personnage éthéré, une image qui semble s'incruster dans le subconscient de l'inspecteur, mais qui n'est en rien reliée à la vie personnelle de ce dernier.

Elle est retrouvée morte dans la rue, vêtue d'une robe de soirée : à partir de là toute l'intrigue va s'étirer pour élucider l'affaire tout en décortiquant la personnalité de la jeune femme afin de comprendre son itinéraire.
C'est de la "psychologie à la Simenon".

Enfin, je ne vais pas vous analyser le texte, cela a déjà été fait de maintes fois, par des critiques bien meilleurs que moi.
Parfois il vaut mieux en savoir moins pour se laisser surprendre !
D'aucuns pensent qu'il s'agit du meilleur livre de Simenon, bon…
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