Après HHHH, Limonov, ou même L'Ordre du jour, je craignais un énième roman historique, tendance biographie romancée. Telle ne fut pas ma surprise devant ce « petit roman parfait » (pour reprendre l'expression de
Jean-Christophe Buisson, dont l'article dans
Le Figaro m'a convaincu de le commander à mon libraire), qui joue la carte de l'émotion, de l'intime, bien plus que les autres livres précités. On peut être admiratif devant le souffle d'un HHHH ou la reconstitution documentaire d'un Vuillard, mais le drame qui se joue dans les pages de cette Vie brève de Jan Palach nous touche bien plus intimement, comme avait su le faire Foenkinos dans son bouleversant Charlotte.
A travers une enquête rigoureuse, on plonge dans ce monde en noir et blanc, aux côtés de la mère, du frère, de la petite amie de ce jeune homme qui donna sa vie pour une cause, et on en ressort remué par la façon dont l'auteur mélange les deux histoires, la Grande, celle de cette Tchécoslovaquie envahie, brisée dans l'élan libertaire du Printemps de Prague, et la petite, celle d'un jeune étudiant qui ne se résout pas à accepter la léthargie, le consensus mou, qui gagnent progressivement son peuple.
Deux histoires en parallèle, qu'il décrit dans une langue simple, précise, privilégiant le présent à une grammaire ampoulée. On peut noter quelques maladresses, sans doute deux ou trois tournures hasardeuses, mais qui renforcent le charme de ce roman juste et sensible. Paru au début de l'été, ce livre est passé un peu inaperçu et c'est fort dommage. Espérons que les cinquante ans de la mort de Jan Palach, en janvier prochain, lui apportent de nombreux lecteurs supplémentaires.