Citations sur Un jour par la forêt (52)
Ce long trajet à pied du lycée à la maison, d'habitude, Sabine l'aime bien. Elle aime ce moment de solitude, de retrait, où elle a le sentiment, loin du collège et pas encore dans l'appartement, d'être libre, de n'avoir à rendre de comptes à personne. Et puis, c'est un peu, chaque fois, comme un voyage: dans la rue, on regarde, on voit ce qu'on ne voit ni à la maison, ni à l'école. On voit la vraie vie. On devine déjà un peu du monde. (...)
Et alors on pense, on se demande un tas de choses, on a l'impression qu'on est intelligente, tandis qu'en classe on est l'imbécile...(p. 42)
Elle sent surtout qu'elle a en elle cette petite flamme qui permet de penser, d'espérer, d'aimer. C'est peut- être ça qu'on appelle une âme ?
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne...
(...) elle aime l'usage de la première personne le je, ça parle à tout le monde, c'est chacun. Ce qui lui plaît aussi, c'est l'emploi du futur. Le futur, ça fait espérer. On peut toujours rêver qu'un jour on ira par la forêt... J'irai par la forêt... J'irai par la forêt j'irai par la montagne, pense-t-elle, ça rend heureux. C'est peut-être ça, la poésie ?
ça doit bien exister, des poèmes comme ça, qui disent ce qui la rend doucement triste à l'intérieur et en même temps heureuse ? Des poèmes avec des mots comme des images? Ce sont les mot qui font les images. Les simples mots. Les mots tout nus. Plus ils sont seuls, plus les mots sont magiques, pense la petite.
Et si elle allait voir son père ? Celui que la mère ne nomme jamais que "ce salaud" , "l'autre imbécile" ou "le con qui a détruit ma vie". Cet homme là. Son père.
-Il fait la manche, mais c'est un monsieur. Ce sera toujours un monsieur, aussi fauché qu'il soit. Tu vois bien qu'il n'est pas comme les autres clochards.
-Pourquoi ? ose Sabine;
-La poésie, ma chérie. La culture. Tu comprendras un jour, j'espère.
Elle sourit. N'en dit pas plus. La petite remue dans sa tête le mot détesté, qui, décidément, la poursuit. Mais, la poésie, il lui semble que c'est tout autre chose que la culture. (p. 196-197)
Tu sais, la poésie c'est aussi ça : nous parler de ce qui nous blesse en secret. Mais c'est un mal qui fait du bien, tout simplement parce que c'est beau...
" Ca va, ma chérie ? s'inquiète Kate. Tu sais, la poésie, c'est aussi ça : nous parler de ce qui nous blesse en secret. Mais c'est un mal qui fait du bien, tout simplement parce que c'est beau..." (p. 216)
« La culture, c’est attraper tout ce qui permet d’être soi- même.
Elle pleure du trop de choses vécues aujourd'hui ; du trop de chagrin, du trop de tendresse, du trop de beauté. Elle pleure de l'excès de pensées en elle, du non-dit accumulé, nié, refusé, et qui maintenant s'impose, déborde. Elle pleure sa petite vie informe, en miettes. Elle pleure sa colère et ses espoirs, son silence et l'impuissance de ses mots.