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sur 136 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Quelle claque ce roman ! Quelle claque ! Je n'en reviens pas.
Après la lecture d'un livre, j'aime bien aller voir sur Internet à quoi ressemble l'auteur. Je le découvre - bel homme - interviewé sur TV5 Monde par une journaliste dont je n'ai pas trouvé le nom. C'est lui. Je mets un visage sur ces mots qui m'ont touchée au coeur, qui m'ont complètement bouleversée. C'est lui le journaliste à l'Humanité et au Monde Diplomatique né d'une famille de paysans du Serre-de-Barre en Ardèche et qui a épousé une jeune fille de la grande bourgeoisie germanopratine, la belle-famille et les vacances sur l'île de Ré qui vont avec, oui c'est bien lui, le bipolaire qui s'est retrouvé quatre mois après son prestigieux mariage à moitié à poil et mâchouillant une branche de buis, grimpé sur les épaules d'une statue de Jean Jaurès à Montpellier. C'est lui.
L'émotion me gagne en l'écoutant répondre à la douce voix de la journaliste : oui, si je suis là devant vous, c'est parce que je prends des cachetons, sinon je pète tout - et ça, il faut un peu de temps pour le comprendre et l'accepter -, oui ma femme s'est barrée, oui on ne ressort pas indemne d'internements à répétition, oui mon livre est politique, oui il y a des dominés qui s'en prennent plein la gueule et des dominants qui écrasent les petits de ce monde sans même s'en apercevoir comme quand on marche sur des fourmis en se baladant, oui il y a des conflits de classes et quand on se retrouve le cul entre deux chaises, comme moi, on se casse la gueule.
C'est du lourd et il est là à dire que la vie est belle et que, s'il est encore vivant, c'est pour en profiter. J'en ai le souffle coupé. Quelle force, quel courage, quelle volonté, quelle intelligence ! Je vous admire, monsieur Souchon, parce que vous vous battez. Contre votre maladie d'abord, et contre les inégalités ensuite. Je me demande d'ailleurs parfois ce qui vous a rendu le plus malade. Je suis soufflée par la force, la puissance de votre récit. Vous écrivez avec vos tripes dans une langue magnifique, forte, violente, avec des mots qui claquent, des phrases qui cinglent et qui se bousculent au portillon parce qu'on sent que ce que vous avez à dire, ça vous tient aux tripes. Il n'y a pas de pipeau là-dedans, vous n'écrivez pas pour faire du style ou raconter des histoires mais parce qu'il y a une urgence à exprimer vos émotions, c'est vital, viscéral et je vous jure, monsieur Souchon, que j'ai très vite compris qu'on n'était pas là pour s'amuser, non, vraiment pas !
Alors la scène inaugurale met vite le lecteur dans le bain : une crise, une belle : vous pétez les plombs. Les policiers que vous prenez pour les envoyés du diable vous font descendre bien gentiment des épaules de Jaurès et on vous embarque, direction l'HP. Ce n'est pas la première fois que vous y mettez les pieds : à vingt ans déjà, après de brillantes études, vous en aviez fait la terrible expérience : « J'avais vingt ans et j'avais senti dans ma bouche le goût de la vie qui s'en allait. » Là vous découvrez en vrac « les viols, l'anorexie...les suicides, les lacérations, flagellations, avalages de parfums, d'essence, scarifications, coups de tête contre les murs, overdose de cachetons. » le programme est varié en HP.
Cada, votre père, garde-forestier, est là. Toujours. Ça va Chichi ? Oui Cada.
Vous aviez vingt ans et vous étiez bien persuadé que vous n'y mettriez plus les pieds. Et rebelote en 2003, puis ce 7 janvier 2009, vous retombez dans la maniaco-dépression. Là, pour ce énième séjour en HP, ils vous ont donné la dose de neuroleptiques, votre maladie est identifiée et pour vous c'est un soulagement, n'empêche que pour le moment, vous tenez à peine debout, c'est votre père qui vous soutient dans les allées du parc.
Vous l'interrogez beaucoup sur votre famille de petits paysans ardéchois : la guerre, la misère, le difficile travail de la terre et le déclin de cette paysannerie, vos racines. Il vous en raconte, votre père, sur lui, sur eux : vos grands-parents dont vous n'avez jamais fait le deuil, vos arrière-grands-parents.
D'une certaine façon et sans vraiment le vouloir, il vous aide à bâtir la légende, aussi lourde pour vos frêles épaules qu'une statue de Jaurès. Ce passé vous obsède et vous bouffe. Les vôtres sont des petits, des humbles, ils se la ferment. Ça vous a permis de bâtir votre mythe perso au sujet de vos origines sociales et familiales. Quand vous apprendrez la vérité, ça vous fera comme un poing dans la figure mais peut-être vous faudra-t-il passer par là pour dénouer les noeuds et y voir plus clair .
Quel récit terrible et lucide dans lequel vous vous mettez à nu et permettez-moi de vous dire, monsieur Souchon, que vous êtes magnifique, une belle personne comme on dit, bourrée d'humanité, sincère, sensible, avec de l'humour à revendre. J'ai beaucoup ri en vous lisant. Oh que oui vous êtes vivant ! Bien plus que d'autres qui sont certainement persuadés de l'être plus que vous mais qui ont enterré depuis bien longtemps leur altruisme, leur générosité et leur empathie, si toutefois ils en ont eu un jour… En plus, vous qui rêviez de devenir écrivain : c'est fait, vous l'êtes, votre plume est magnifique de fureur et d'amour.
Bravo, monsieur Souchon et SVP, restez vivant le plus longtemps possible !
Sempervirens, comme votre séquoia...
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Un récit autobiographique passionnant.

Ce témoignage est un formidable texte éclairant sur la bipolarité et la maladie mentale en général, mais aussi d'une acuité certaine sur le sujet des différences de classes sociales et des conditionnements qui en découlent, et également une base de réflexion très intéressante sur l'avenir du monde paysan et des zones rurales.

L'auteur a écrit avec ses tripes, il ne mâche pas ses mots et c'est ce qui fait le charme de ce texte qui se parcourt très rapidement.

Il nous raconte son parcours : premier enfant de sa famille à faire des études dans un milieu rural, relation forte avec son père, idéalisation de ses grands-parents... puis la chute à l'âge adulte, premières difficultés alors qu'il débutait tout juste sa classe prépa, phases maniaques, plusieurs hospitalisations, mais aussi la rencontre avec sa femme, son mariage, ses infidélités, sa fureur de vivre alternant avec des phases de souffrance absolue, ses révoltes contre toutes formes d'injustice...

Le tout est passionnant et les sujets s'imbriquent parfaitement, l'auteur se trouvant pris entre sa propre histoire et celle de sa famille, entre le monde de la paysannerie, celui de la grande bourgeoisie et celui des hôpitaux psychiatriques...

Pierre Souchon m'a semblé faire preuve de pas mal de lucidité et de recul pour écrire ce livre qui ne le montre pas toujours sous son meilleur jour, mais c'est ce qui fait son honnêteté et sa force.

C'est en plus un texte vivant avec une bonne dose d'humour, plaisant à lire.

On ne peut qu'espérer que l'auteur ait vaincu une partie de ses démons depuis la parution de son livre...
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La bipolarité est un trouble de l'humeur connu depuis l'antiquité (Cappadoce), qui de nos jours, est reconnu comme handicap au même titre qu'un handicap physique.

Encore vivant est un livre coup de poing qui intéressera tous ceux qui se sentent concernés par la bipolarité. Les bipolaires que je connais sont des êtres particulièrement attachants, dotés d'une grande intelligence, qui passent sans transition d'une euphorie excessive à une mélancolie noire et qui ont des manies. Quand ils ne sont pas en phase dépressive, on pourrait penser qu'ils sont mythomanes, ce qui ne fait qu'accroître leur mal être - car la bipolarité est une maladie au même titre que les maladies physiques qui se soigne avec des médicaments -. Comme thérapie, on leur demande d'évacuer, de s'exprimer par l'écriture, par les arts plastiques, par le théâtre... Je connais une jeune femme qui a fait de brillantes études et qui s'est révélée comme une talentueuse humoriste de stand up.

Pierre Souchon, originaire d'une famille de paysans ardéchois, journaliste au Monde Diplomatique, a écrit Encore vivant à trente-cinq ans, en 2017. Il se livre à nous sans fard. A vingt ans, il n'a pas pu passer le concours de l'école de journalisme de Lille parce qu'il a été interné, il le retentera ultérieurement avec succès. Sept ans plus tard, tout semble lui réussir, il se marie avec, « Garance », une descendante de Paul Claudel, de la haute bourgeoisie, et pourtant il va re sombrer à nouveau – retour à la case HP. Il est retrouvé nu en embrassant la statue de Jean Jaurès à Montpellier !

Ce témoignage servi par une belle écriture très personnelle, à la fois pathétique, poétique, drôle, et qui avance selon un ordre analogique, est bouleversante. C'est à la fois un questionnement sur la bipolarité, avec une approche médicale, et une mise en scène de l'univers intérieur de l'auteur.

Le Docteur Ducis a beau martelé :« Toutes les recherches le montrent, on sait aujourd'hui que c'est une fragilité génétique », Pierre Souchon n'a cesse de se barricader dans sa forteresse de fantasmes paranoïaques, de mythes obsessifs enfantins, de pseudo réalités qu'il s'invente.

L'épigraphe, en tête de son ouvrage - citation d'Eric Hobsbawn -, montre du doigt que «le changement social le plus spectaculaire et le plus lourd de conséquences [pour l'humanité] «c'est la mort de la paysannerie». C'est l'amorce d'un discours misérabiliste sur le démantèlement de la ferme familiale. L'auteur va nous attendrir en nous confiant sa honte, devant ses camarades, d'avoir un père garde-forestier, or il fabule car ses parents ont une maison avec piscine et sont abonnés au Monde ! Et, il va nous faire naviguer entre supposées durs labeurs des champs et noble littérature.

Pierre Souchon va nous présenter son arbre généalogique, son arrière-grand-père, Léon, pétainiste et alcoolique, son grand-père, Odilon, communiste, son père, un dur à cuire qui a donné tellement de fil à retordre à Odilon, avec en toile de fond, les deux guerres mondiales, la guerre d'Algérie, les difficultés à joindre les deux bouts, les antagonismes père - fils...

Il va devenir lyrique en évoquant sa femme « mon seul soleil », « ma Garance » mais le son est faux, car c'est un chaud lapin, il ne se gênera pas pour la tromper, raison pour laquelle elle va le quitter.

L'écrivain est un hypersensible, il pleure beaucoup.

Il aime les gens. Il va s'attacher aux autres internés, Lucas, Mounarelle, Jim…

Il reste un enfant « Chichi » pour son papa chéri, « Cada ». L'épiphyte, petit arbre, qui pousse dans le séquoia, qui « végète toute sa vie, parce qu'il n'a pas de quoi grandir », et qui est le refrain qui transcende Encore Vivant est une métaphore de Pierre Souchon.

J'arrête de trahir cette belle prose si singulière et poétique, ce message vibrant, rien ne remplace la lecture.
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Agrippé à la statue de Jean Jaurès, le narrateur contemple la ville qui s'éveille en grignotant une branche de buis. Cette prouesse le reconduit tout droit à l'hôpital psychiatrique où il s'était pourtant juré de ne plus jamais retourner après y avoir séjourné à 20 ans. Dépression, bipolarité, schizophrénie, Pierre effeuille les pathologies mentales comme la marguerite des amours toujours. le regard qu'il pose sur ses compagnons d'infortune, sur le quotidien du micro-univers que représente l'H.P., oscille entre compassion, connivence, impatience et colère et, en cela, garde une clairvoyance que personne d'autre ne peut posséder. Soutenu par les visites de son père, Pierre prend peu à peu conscience de l'écart entre ses souvenirs et la réalité que les récits paternels lui dévoilent. Lui qui n'a eu de cesse de revendiquer orgueilleusement son appartenance à un milieu paysan, s'aperçoit qu'il s'est peut-être indûment attribué cette place. Certes sa famille cévenole était humble et s'est brisée à travailler la terre, mais Pierre a reconstruit cette réalité pour en faire une sorte d'emblème suffisant à le définir et à expliquer son déracinement. A l'image de l'arbre épiphyte, Pierre a puisé "sa matière organique" dans une histoire familiale qu'il a pour beaucoup réinventée, s'empêchant ainsi de "grandir".
L'écriture de Pierre Souchon a provoqué chez moi un tsunami d'émotions, de réflexions, de sentiments. Il faut dire qu'elle joue de tous les registres avec la même sensibilité, la même puissance d'évocation. Situations cocasses, moments dramatiques, réflexion sociale et politique, récit, descriptions, expression d'une intériorité chamboulée s'entremêlent, s'épousent, se contredisent sans que jamais le lecteur s'égare dans ce maelström qui figure une existence qui perd le Nord de ses Cévennes natales. La tendresse lucide avec laquelle le narrateur considère les autres internés contraste avec l'ironie mordante de sa description de la haute bourgeoisie. Il malmène son être autant qu'il tente de lui trouver un ancrage durable. Avec une grande sincérité, le récit se construit, se déconstruit, se remodèle autrement, bousculant les trajectoires temporelles, percutant les lieux et les histoires, dans un flot salutaire dont la poésie n'est jamais absente. Il m'a semblé que cette voix portait le réel de la maladie mentale jusqu'à son incandescence, jusqu'à son insoutenable vérité dans tout ce qu'elle cache et révèle. Pour moi, c'est un roman magnifique dont la force ne peut se résumer à ce simple billet.
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Il est tout jeune Pierre Souchon mais sa souffrance est grande. Elle part de loin, de celle de ces ancêtres Ardéchois, de la mort d'un monde fantasmé, mort avant même qu'il l'est vécu, d'une intelligence trop grande pour sa sensibilité et d'une maladie qu'il refuse a accepté.
Les couloirs de l'hôpital psychiatrique, une vie bien partie qu'il fait voler en éclat et cette colère destructrice qui gronde.
Vient enfin la lucidité, l'honnêteté et l'acceptation et dans tout ça la littérature est toujours là, puissante dans le verbe, combattive dans un style poétique et engagé et tellement juste que ça en est bouleversant.
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Pierre Souchon se livre avec lucidité et simplicité et avec une aisance dans l'écriture. Il parle ouvertement de sa maladie psychiatrique "la bipolarité" sans complexe et avec intelligence.
Il raconte les épisodes de sa vie, quand il est en haut, excité, ne dormant pas et quand il est en bas, avachi et déprimé. On le découvre sans s'apitoyer, le style est léger et drôle tout en étant profond. Il nous dit comment il a été soulagé de vivre avec "une étiquette", avec un nom sur sa maladie et donc un traitement possible. J'ai été touchée par le personnage (réel) du père qui ne le juge pas et qui le défend sans banaliser sa maladie.Pierre Souchon nous dépeint également un tableau politique de la haute bourgeoisie française et de la paysannerie. D'un côté les dominants et de l'autre les opprimés et les "écrasés" . C'est un livre d'une grande Humanité.
Et comme j'ai été scotchée par ce récit je suis allée lire ce qu'il écrit en tant que journaliste et j'ai épluché le net pour entendre ses interviews. Pierre Souchon est vrai et bouleversant.
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Pierre, originaire de L'Ardèche, où son père est garde forestier, est un brillant élève qui va suivre un cursus qui le mènera en prépa... Il y rencontrera sa femme et nombre de connaissances de milieu aisé et il se sentira très vite "le vilain petit canard" et ce malgré la sympathie affichée de son beau père, qui le perçoit brillant...
Brillant certes mais c'est sans compter les angoisses et les troubles bipolaires qui l'assaillent, le faisant plonger dans des crises maniaco dépressives d'une grande violence pour lui et son entourage...

Pierre Souchon livre dans ce roman autobiographique une part de son intime le plus profond et le plus pathétique, sa plongée en enfer, qui le mène inéluctablement en hôpital psychiatrique.
Le rythme oscille en fonction de l'humeur, rendant le récit vivant. On ressent sa révolte, sa lutte contre les moulins à vent, ses engagements, sa vivacité, son esprit combattif, sa dépression, ses peurs, sa fragilité...
Dans ces moments de phase maniaque, tout lui appartient, la parole, le pouvoir, les femmes... Il dit merde à la terre entière tant il est fort, tant il est fou... sans scrupule, sans filtre... Seul.
Suivent ensuite la fatigue, l'angoisse, la dépression envahissante, inéluctable, qui le bâillonne et l'enferme, d'autant qu'il l'est enfermé, en hôpital psychiatrique... Toujours aussi seul.
Plongé dans ce milieu où rien ne lui correspond, il y rencontre une autre population ni bourgeoise, ni du terroir... Celle de la santé mentale, de la pauvreté, du handicap, de la déficience, de la folie... Celle de la toute puissance soignante... Mais aussi l'ambivalence des traitements, qui apaisent mais empêchent de penser, qui protègent mais détruisent...

Ce livre est aussi une introspection dans l'histoire de sa famille, à travers L Histoire, la grande, celle du XXème siècle, bouleversée par plusieurs périodes de guerre, donc de perte, de survivance, d'abandon, de deuil...
Malgré l'autodestruction provoqué par son psychisme, Pierre Souchon recherche l'origine, le pourquoi, le comment...
Cette maladie le questionne, et ainsi il converse avec son père de la vie cévenole, de ses ancêtres, notamment ses grands parents, dont il était très proche et dont il n'a probablement pas fait le deuil... Mais les connaissait il vraiment ?... Son mal trouverait il son origine dans sa généalogie ?...

Un premier roman courageux et audacieux, qui décortique de façon lucide et authentique, cette pathologie méconnue, mal comprise et insupportable. C'est un peu un pavé dans la marre, joliment décrit et écrit, où il est question de métamorphose, d'humanité, de souffrance, d'espoir et d'amour...
Coup de coeur dans cette rentrée littéraire 2017.


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Le livre est puissant, direct, sans concession et non dénué d'une forme très particulière d'humour rageur et déstabilisant. Sans pudeur aucune, l'auteur fait sa thérapie par les mots et se dévoile dans ses pages. On pourrait même dire qu'il se révèle.
L'article complet sur mon blog.
Lien : https://touchezmonblog.blogs..
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Pierre Souchon est journaliste et signe avec « Encore vivant » un premier roman d'une rare densité. Plutôt que d'emprunter la voie de la fiction, il pratique celle de l'autobiographie et se replonge dans les années de calvaire durant lesquelles il a été diagnostiqué bipolaire et s'est vu colloquer dans un institut psychiatrique. On pense forcément un peu à « La tête contre les murs » (premier film scénarisé par Jean-Pierre Mocky et mis en scène par Georges Franju), même si le récit n'est pas le même. La comparaison doit surtout au ton d'une grande dureté et au plongeon d'un jeune homme de bonne famille dans l'univers de celles et de ceux qui souffrent de troubles mentaux. Comment un jeune marié, issu de la bourgeoisie parisienne et doté d'un bon emploi, peut-il du jour au lendemain perdre ses repères et se retrouver acculé à fréquenter les malades du XXe siècle, entre une poignée d'alcooliques invétérés et des suicidaires ? Même si son père vient le voir régulièrement, il se sent totalement largué. Autant qu'il nous plonge au sein de l'humanité de chacun, l'auteur dresse un portrait terrifiant de ceux qu'il a été contraint de fréquenter et raconte le quotidien de l'asile, en usant parfois d'une touche d'humour, question de montrer qu'il a su prendre de la distance et rire de ce qui l'a profondément marqué. Un livre dense qui dévoile la face cachée des institutions hospitalières et qui refuse de banaliser les petits gestes qui s'y pratiquent couramment.
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Comment un homme de 35 ans gâté par la vie peut-il se retrouver une nuit à délirer auprès de la statue lyonnaise de Jean Jaurès ? Car peu de temps après son mariage Pierre, journaliste à l'Humanité, perd les pédales et se retrouve interné. Bipolaire il avait vécu un premier épisode de crise à la vingtaine et s'était pourtant juré de ne jamais remettre les pieds à l'asile. L'arrivée en classe prépa lui avait donné le sentiment d'être décalé, lui le fils d'un garde-chasse. le rire de ses camarades à l'énoncé de la profession parentale résonnera longtemps dans son esprit et le renverra aux travaux agricoles. Des années plus tard une phase maniaque plus longue que d'ordinaire fait croire à une rémission, le médecin l'autorise à arrêter son traitement et provoque cette spectaculaire rechute. le récit de cette vie en dent de scie est époustouflant, le style de l'auteur semblant s'imbriquer dans les symptômes. Pierre parviendra-t-il à reprendre le dessus et à sortir de ce suicide social que lui impose son cerveau malade. Sa propre "violence" est-elle moins acceptable que celle des riches, qui oeuvrent en souriant à la chute des acquis sociaux ?
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