Par où commencer ? Ce livre, c'est d'abord une langue, drôle, colorée, sauvage, d'une inventivité folle. C'est ensuite un personnage, le narrateur, qui nous échappe dès qu'on croit le connaître. C'est un monde, vivant et foisonnant, qui brouille tous nos repères, notamment historiques. C'est enfin une histoire, un apprentissage du monde, plein d'aventures, de rebondissements et de tristesse.
Deux jeunes garçons découvrent un matin que leur père s'est suicidé. Ils habitaient seuls avec lui dans une grande maison abandonnée, c'est donc tout leur univers qui est bouleversé par cette disparition. Un univers de règles et de rites auxquels ils ont été soumis toute leur vie. le narrateur est l'un des deux enfants, il joue le rôle du "secrétarien", il note tout ce qui se passe pour en garder une trace. Nous voyons tout à travers ses yeux, dans une profonde subjectivité. Il est le plus intelligent des deux, bien sûr, même si son père ne semblait pas s'en rendre compte. C'est pour cela qu'il cite tout le temps
Saint-Simon,
Shakespeare ou la Bible. Il décide d'aller au village – pour la première fois de sa vie – chercher un cercueil pour enterrer son père. C'est ainsi que commence pour les deux garçons la découverte du monde. Une découverte qui leur réservera bien des surprises, mais moins peut-être qu'au lecteur lui-même. Car c'est la force de ce roman que de bousculer sans cesse les certitudes fragiles du lecteur.
On attend par exemple la "petite fille" du titre. Il est bien question d'une petite soeur qui aurait disparu, mais tout cela reste vague. Et puis, progressivement, entre les lignes, apparaît l'ombre d'un secret. Un secret de famille, lourd, horrible. Cette langue, sans inhibition, à la fois médiévale et savante, ne serait-elle pas née de la violence et de la folie ?
L'auteur explique avoir connu une expérience se rapprochant presque de l'écriture automatique pendant l'écriture de ce livre. Cette histoire s'est imposée à lui, il en a découvert les tenants et aboutissants en tant que lecteur, et non en tant qu'auteur. Je peux le comprendre : un texte aussi fort, ça ne s'invente pas, ça se vit. Et c'est aussi ainsi que je l'ai lu.
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