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3,94

sur 248 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Gaétan Soucy, c'est une découverte, une très belle découverte. Gaétan Soucy, c'est cet auteur canadien qui écrivait : " les mots sont mes poupées de cendre" ou bien " la pluie tombait la tête en bas comme des clous".
- La petite fille qui aimait trop les allumettes - est un conte qui a été qualifié de métaphysique, et il est vrai qu'on peut le lire sous cet angle... ou (et) sous d'autres encore.
Avant de vous en exposer les contours, je voudrais dire deux choses.
La première, c'est que je suis rentré dans cette lecture comme je serais rentré dans un jardin extraordinaire où l'écriture est libre, merveilleusement déconcertante et où les mots sont des créatures magiques et merveilleuses qui ne finissent jamais de nous étonner, de nous surprendre, de nous émouvoir et de nous enchanter.
La seconde, c'est que je vais, exceptionnellement, déroger à ma règle qui veut que mes présentations ne soient faites que de ce qui s'écoule de ma plume et de l'encre de mon coeur dans lequel celle-ci a trempé après lecture.
Mais pour illustrer ce que je viens de dire à propos de Gaétan Soucy, il ne m'a pas paru faire offense aux règles de la critique en faisant appel à un renfort explicatif et lexical. Mais vous jugerez le moment venu.
Dans une propriété isolée, le corps nu et pendu d'un père est découvert au petit matin par ses deux enfants, deux adolescents, ses "deux fils", qu'il a élevés coupés du monde, de manière tyrannique, leur enseignant "les lois de Dieu".
N'ayant jamais eu de contacts avec le monde extérieur et leurs semblables, que vont-ils devenir et quels mystères entourent leurs étranges existences ?
L'histoire nous est racontée par "l'un des deux fils", le "secrétarien", dans un sabir autodidacte, poétique, drôle, touchant, qui m'a tenu sous son emprise le livre durant.
Je vais faire appel à présent à mon renfort afin de vous offrir les clés de l'univers de Gaétan Soucy, non sans avoir insisté sur le fait que ce bouquin est une parure de pierreries rares dont vous auriez tort de vous priver.
Un bouquin que j'ai adoré et que je vous recommande !

"En effet, c'est par la langue – hybride, composite, incohérente – de la narratrice que le lecteur est amené à déceler son mal-être, et celui du milieu dans lequel elle vit. Usant tantôt d'une syntaxe soutenue, toute modelée de verbes défectifs, d'inversions précieuses et de subjonctifs imparfaits (« il nous échoyait », « pour en bien conférer », « des dépendances dont point ne parlerai », « sans que j'osasse », « avant que nous nous endormissions », « de la façon susdite », etc.), voire de tours archaïsants (« j'étais bien marri », « m'en cuidez », etc.) ou même de médiévismes (« heaume », « chanfrein », « houppelande », « marotte », etc.), tantôt d'un lexique riche et recherché (« aiguillonner », « turlupiner », « tarabuster », « sourdre », « darder », « arguer », « appétence », « célérité », « horions », « circonspection », « inexorable », « cauteleux », « sardonique », « conjuratoires », etc.), voire spécialisé (« dosse », « larmier », « souquer », « myriapodes », etc.), sans parler, bien sûr, des termes chargés d'une connotation religieuse (« oindre », « obole », « pitance », « stigmates », etc.), la narratrice usera également de termes argotiques plus ou moins recherchés (« dingue », « bougne », « mariole », « bourrichon », etc.), d'expressions populaires (« ça parle au diable », « minute papillon », « misère et boule de gomme », « j'ai pour mon dire », « vrai comme je suis », etc.), voire d'expressions joualisantes (« quêteux », « bouette », « bedaine », « ou bedon », « retontir », « garrocher », « grafigné », « effoirer », « écrapouties », « au plus sacrant », etc.), souvent ponctuées de marques d'oralité se manifestant par diverses interjections (« ah la la », « oh la la », « prrrou pou-pou », « aaaaaaaaaah », « et hop », « bah », « peuh », « beurk », « ouille », « tss », « et zou », « fichtre », « et vlan », etc.), tombant même quelquefois dans un registre grossier ou vulgaire (« crotte », « couille », « bite », « pute », « ça ne va pas chier loin », « il s'en bat le trou », etc.).

Usant donc d'archaïsmes (« dextre », « jouxter », etc.), la narratrice usera aussi de néologismes (« titilloter », « déguerpisser », « figette », « grelotte », « ramentevances », « remembrances », « emmarmelade », « incompréhensiblissime », etc.) relevant de l'impropriété ou du barbarisme (« journée désemparante », « étoiles inerrantes », « langue bifurque », « poignet taveleux », « sens cahoteux », « gelé mauvassônne », etc.) plutôt que d'une forme de bérénicien (« chaise en crottin » pour « chaise en rotin », « souille à cochon » pour « soue à cochon », « suintement de sa saucisse » pour « sperme », sans parler du mois « d'ovembre » et autres « trente-treize » ou « quarante-douze »,), pour preuve les nombreuses expressions erronées ou tronquées (« le coeur en chamaille », « il y a lurette », « comme une goutte d'eau », « clair comme la roche », etc.) et l'absence de noms propres (le frère s'appelle « frère », le cheval « cheval », le chien « chien », etc.). La narratrice se questionnera d'ailleurs sans cesse sur la justesse de sa prose (« je dis la chose comme elle est », « c'est comme ça qu'on dit il me semble », « ça s'appelle [ainsi] si ma mémoire est bonne », « comme ça se nomme », « je ne sais pas si je me fais bien comprendre », etc.) et ne perdra jamais de vue son lecteur (« il faut d'abord que je vous parle de… », « si vous voulez mon avis », « je demanderais qu'on soit bien attentif », « c'est à cela que je voulais en venir », etc.). Au reste, elle ne recourra jamais – comme l'impose la règle – aux majuscules pour les quelques noms propres qui l'exigeaient – « la maison de monsieur soissons », « le royaume du danemark », « le japon », « chopin », « pascal », « spinoza », « saint-thomas », « jésus », « dieu », etc. – sinon que pour nommer le « Juste Châtiment »."
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Un magnifique roman d'étrangetés et d'émotions fortes.

Le narrateur, c'est le« secrétarien » de la famille, qui utilise une langue archaïque et parfois inventée, mais aussi nourrie par une passion pour les livres, les dictionnaires et même Spinoza ou Saint-Simon. Ce narrateur est un « frère » qui a perdu ses couilles et dont la cicatrice saigne un peu chaque mois…

Le roman commence avec la mort du père, un être religieux, qui semble faire des « exercices » de piété, des pénitences, et qui garde ses enfants isolés dans un manoir délabré, loin de tout, où les deux « frères » n'ont même pas de noms…

Bien que l'histoire se passe vraisemblablement au 19e ou 20e siècle, le texte m'a fait penser à l'atmosphère étrange des romans moyenâgeux de Carole Martinez.

Une lecture très intéressante et qui sort des sentiers battus.
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WOW... la claque !!!!
Un livre à part... déroutant, déstabilisant, troublant, intriguant, captivant, envoutant...
Une langue, un style, des mots qui résonnent en soi et qui résonneront longtemps.
Même si le lecteur peut sembler se perdre au début, Soucy ne nous donne pas le choix que de poursuivre la lecture. Jusqu'à la dernière page, parce qu'on se retrouve happé par cette histoire qui est trop bien construite.
Un vrai coup de coeur. Un livre que je recommande vivement.
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- Tu es parti chercher un cercueil au village et où il est ton cercueil ?
- D'abord ce n'est pas mon cercueil mais le cercueil de papa et je n'ai pas pu en trouver un.
- Alors on va le couper en morceaux et le brûler. On va prendre ses cendres et vu la grosseur de notre fourneau, on va devoir y aller petit feu par petit feu.

Et déjà les dents de l'égoïne étaient posées sur la cuisse de papa.


Vous l'aurez compris par ce court extrait, il y a de quoi se poser des questions sur la santé mentale de ces deux enfants coupés du monde, vivants dans un immense domaine retiré, dirigé par leur richisime et tyran père. le jour où ce dernier met fin à ses jours, ils font tout et n'importe quoi pour tenter de l'enterrer. S'il était leur mortier, celui qui les tenait debout, ce père ne leur a rien appris de l'existence, ne sachant pas même s'ils sont garçon ou fille, s'appelant frère tout simplement et leur cheval, eh bien ma foi, s'appele tout bonnement cheval ! Ils vont de l'avant, sans réfléchir parce qu'ils en sont incapables. Leur ignorance est telle que lorsque l'un des deux protagonistes se rend au village pour acheter " un costume de sapin " à leur défunt père, cela crée forcément des situations plutôt cocasses, voire même jubilatoires. Mais pour ces deux orphelins naïfs au possible, les ennuis ne font que commencer. Très vite, attirés par l'appât du gain, ils vont devoir affronter une meute de loups, celle des hommes.

Ce roman de Gaétan Soucy est aussi glauque que complexe. Certains passages sont franchement tordus, notamment pour tout ce qui se rapporte aux bijoux de famille ( si voyez ce que je veux dire ) ainsi que les assauts sexuels du frère envers sa soeur. Leur langage cru dérange à tel point que l'on se dit que l'auteur a tout de même exagéré l'attitude de ces deux bougres ignares et sauvages. Bien des zones d'ombres entourent le décès de leur mère et d'un autre enfant. Cependant, malgré toutes ces absences, ce récit est une merveille dans son genre. L'auteur possède une grande maitrise d'écriture, de jeux de mots et un sens de l'humour décapant. le récit se termine par une touche poétique, lors d'un moment de lucidité de la narratrice, en songeant à une vie nouvelle, sous de meilleurs auspices, qu'elle imagine avec la petite fille qu'elle vient de mettre au monde.

Un roman drôle et sombre, qui déroute et séduit le lecteur par une puissance de mots hors pairs. Un vrai régal ! Mais attention de ne pas être pris d'une " figette " en cours de lecture...
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Ce qui frappe avant tout dans ce roman, c'est la langue, l'utilisation inventive qui en est faite par le narrateur, « le secrétarien », qui ponctue, avec une certaine candeur, ses propos d'archaïsmes et de néologismes (mes préférés : emmarmelades et méprisement), révélant un niveau de culture de l'ordre du particulier et de l'intriguant, que nous saisissons mieux au fur et à mesure que se révèlent ses conditions de vie, tragiques et sordides. Heureusement qu'il y a les livres (qu'il appelle des dictionnaires), et un certain duc de Saint-Simon… Ce roman, récipiendaire du Prix Ringuet de l'Académie des lettres du Québec 1999, a fait beaucoup parler de lui au moment de sa sortie, tant au Québec qu'en France, non sans raisons. Quand je pense que Gaétan Soucy, décédé en 2013, l'a écrit entre le 27 janvier et le 24 février 1998, c'est impressionnant ! Il a reçu le Prix Nessim Habif de l'Académie royale de la langue et de la littérature françaises de Belgique pour l'ensemble de son oeuvre en 2003. Je sors ravie de ma lecture.
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Roman étrange et fascinant, roman à tiroirs, conte violemment grotesque, empreint de multiples références sous lesquelles coule une essence psychanalytique, fable emblématique du désir d'indépendance du Québec, comme l'explique la présentation de Pierre Lepape, c'est sans doute tout cela qu'est La petite fille qui aimait trop les allumettes, et bien plus encore.

On pénètre d'abord dans une maison qui se délite et on affronte la mort du père avec deux enfants, deux adolescents plutôt, complètement perdus maintenant que le père n'est plus là pour dicter sa loi. L'un d'eux, « le secrétarien » écrit l'histoire nouvelle qui commence alors. Petit à petit, on découvre ébahi les conditions dans lesquelles ils vivent, l'abandon affectif, la solitude, la violence, l'absence de parole… mais aussi la réalité de la mort du père, le goût des mots que le narrateur a découvert grâce à ce qu'il appelle ses « dictionnaires », des romans de chevalerie, l'Ethique de Spinoza, des contes de fées, les Mémoires de Saint-Simon. Autant de sources qui lui donnent quelques clés, bien étranges et incomplètes, pour découvrir le monde « de l'autre côté de la pinède » (car il faut bien trouver une « boîte à trou » pour enterrer le père) et aller à la rencontre des « semblables » qui y vivent.

Des sources qui façonnent aussi la langue de ce narrateur, la langue de Gaëtan Soucy donc, qui m'a un peu fait penser au début à Si tu passes la rivière de Geneviève Damas. Mais la comparaison s'arrête là, parce que ce roman n'évolue pas vers quelque chose de lumineux, au contraire. Mais de découverte en découverte, de surprise en surprise, on goûte à l'inventivité, à la richesse de réflexion, à l'intelligence de l'auteur qui glisse dans ce roman mille et un symboles que chacun pourra lire et interpréter selon ses propres références. Il y a du Barbe bleue et sa chambre secrète, du Blanche-Neige et son cercueil de verre, du Shakespeare, pour ne citer que quelques exemples. Je l'avoue, je n'ai pas toujours tout compris, mais j'ai apprécié le fond psychanalytique de ce conte de fées à l'envers, qui tisse les questions de l'identité, de la relation à l'autorité, la relation aux autres, l'invention de la liberté entre autres. Il est aussi question d'une religion très prégnante, prescriptrice et dont il est bien difficile de se libérer. Quant à la lecture de Pierre Lepape à propos de l'indépendance du Québec, je n'ai pas assez de clés historiques pour la saisir entièrement, les copines du Québec qui veulent bien m'expliquer ou m'indiquer une source d'explications sont les bienvenues !

Je sens que ce roman mérite une relecture, qu'il ne se donne pas à connaître en une seule fois. Il est vraiment très original et ses inventions langagières, au coeur d'un drame terrible et poétique à la fois, ne sont pas le moindre de ses charmes !
Lien : http://desmotsetdesnotes.wor..
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Dans un grand domaine au sein d'une forêt, un père et ses deux enfants vivent dans un complet isolement. le narrateur, le plus jeune des deux, se nomme le secrétarien. Il débute son récit par le décès de leur père qu'il découvre avec son frère, un matin.
"Nous avons dû prendre l'univers en main mon frère et moi car un matin peu avant l'aube papa rendit l'âme sans crier gare".

Ses écrits vont révéler une histoire surprenante, extravagante, terrifiante aussi, qui commence dès les premières pages. Ils sont des mots issus d'un parler ancien, moyenâgeux, un patois, parfois grossier, primitif et si raffiné, poétique. le dosage est complexe et savant ! C'est un dictionnaire d'images et de doctrines où la sagesse et l'absurde se partagent. On ne sait plus l'époque, les lieux, les personnages. Nous sommes spectateurs d'un huis clos et de la confrontation entre deux mondes, le nôtre et le leur.

Ils veulent enterrer le corps mais se retrouvent désemparés face à cette épreuve. Il n'y a plus de directives paternelles, celles qui ordonnent et font loi, celles qui rossent et qui accablent.
La demeure devient un lieu d'exploration et la chambre du père, un sanctuaire, est visitée dans ses secrets… armoire, tiroirs, recoins… On ne le saura que plus tard, la demeure est riche et imposante avec sa salle de bal ; un château.
Cette liberté semble factice, l'autorité et le rigorisme planant encore dans la maison.
Dans cette maison, les sentiments sont inexistants, les joies et les chagrins toujours en sourdine, les plaisirs, les loisirs, sont à dérober et à cacher.
Avec cheval, le secrétarien décide d'aller voir au village "les semblables" pour demander de l'aide. Il y rencontre l'homme à la soutane, une veille "pute" (les femmes sont appelées putes), le maire et un homme en costume, l'inspecteur, beau, si beau, que ses émois lui labourent le ventre.
Il ne comprend pas ce qui se passe, ni cette histoire de mine qui paraît les animer jusqu'à la déraison.
Et on le dit "elle" aussi, "sauvage" et belle. le secrétarien le sait, il s'en doute, mais le père les nommait fils.

"Je ne sais combien de temps j'ai pu écrire à toute vitesse et le coeur en chamaille, car il n'y a pas de lune, le ciel était couvert de limbes, mais je dus remplir une douzaine de feuilles d'un coup sans m'arrêter, traversant les phrases et les mots comme une balle de fusil les pages d'une bible. Quand le secrétarien s'est mis en tête de pédaler dans le verbe, ôtez-vous du chemin, ça déménage, peuchère, tombeau ouvert…"

De retour sans cercueil, en tête à tête avec un frère rageur, un mort encombrant, un palais au bord de la décomposition, le "Juste châtiment", et des ombres à foison, le secrétarien confie les délires et les évènements qui s'enchaînent. L'histoire, un ruban plein de noeuds, se dénoue et dévoile toute sa tragédie.

Je vous conseille cette lecture fantasque, son originalité la rend unique. Elle prête à sourire, elle émeut et fait grincer les dents. L'auteur joue avec les mots, les pare de métaphores, les poétise. L'histoire a plusieurs facettes qui captivent le lecteur de leurs bizarreries. L'innocence se mêle à la violence et à la cruauté, c'est insidieux et malsain. Les mystères la rendent gothique. le secrétarien comme un moine copiste, un conteur, dit avec ingénuité et son intelligence les faits qu'on ne peut deviner tellement ils sont surprenants. Ainsi, au fil des pages, nous comprenons son histoire, bestiale et lyrique.
Un livre qui fera sa place dans mes bons souvenirs…
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Au début de l'histoire, le Père vient de se suicider et ses deux enfants d'environ 15 ans se retrouvent seuls, égarés sans leur créateur et maître. Car le Père a régné tel un Dieu fou sur ces deux enfants sans nom, il les a pétris dans sa loi aberrante et ses châtiments brutaux, dans la terreur, dans la faim, dans le confinement aux limites de son domaine.
La nécessité de trouver un cercueil pour le défunt va obliger un des enfants à enfreindre l'interdit parental et à se rendre dans le village voisin où la rencontre avec d'autres humains fait transparaître, dans toute sa force l'imprégnation catastrophique du Père car les gens perçoivent un enfant aux comportements aberrants et lui se sent confronté à d'étranges êtres menaçants.
Un inspecteur se rendra alors dans la demeure isolée, et y découvrira l'horreur absolue, innommable.

Gaëtan Soucy  laisse la parole, et la plume, à l'enfant. Et c'est là qu'éclate pleinement l'immense génie d'un auteur capable de doter cet enfant d'un langage qui mélange subtilement formules littéraires toutes faites et expressions novatrices, un langage traversé d'innombrables néologismes et de mots-objets, 
Parallèlement 'auteur utilise l'entre-ligne pour révéler ce que la parole de l'enfant ignore, pour exprimer ce qu'elle ne peut formuler, pour traduire ce qui lui est incompréhensible. Répons où Soucy, en ce premier livre où je le découvre, se dévoile dans son immense sensibilité et sa connaissance profonde des tourments de l'âme humaine.
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Etrange histoire que celle-ci. Est-ce un conte ? Une fable ? Un roman ? Deux enfants (des jumeaux) ayant grandi loin de la civilisation, élevés par un père pasteur stricte et austère, le découvrent pendu un beau matin. Leur monde s'écroule, leurs repères n'existent plus. Ils doivent prendre des décisions alors qu'ils n'ont jamais été amenés à le faire. La moindre chose devient une montagne à surmonter.

Un des enfants (une fille d'après le titre mais rien ne l'affirme) semble plus débrouillard. Il sait lire, écrire et prend les choses en main peu à peu. Mais comment gérer la liberté quand on ne sait pas ce que c'est ? Comment vivre sans une autorité paternelle qui régentait tout dans les moindres détails ?

Unis dans l'adversité mais différents dans les réactions, les jumeaux vont devoir faire face avec ce qu'ils sont (un actif, fonceur, désorganisé ; l'autre rêveur, à l'imagination fertile mais réfléchi) et ce qu'ils ont, c'est-à-dire peu de choses puisqu'ils ignorent même jusqu'à la valeur de l'argent.

Roman troublant, poétique et rude. On passe de l'émotion à la noirceur, de l'émerveillement à la douleur. C'est angoissant et inventif. Tout comme la langue de l'auteur d'ailleurs. le narrateur a appris à lire dans les livres austères de la bibliothèque paternelle comme Saint Simon ou les récits chevaleresques et sa syntaxe est approximative tout comme son vocabulaire. (Le « secrétarien », « la dernière fois remonte à lurette » …) Il faut une fameuse maîtrise de la langue pour écrire de cette façon et Gaétan Soucy la possède.

Un roman déroutant et séduisant à la fois.
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Il s'agit pour moi d'un livre absolument formidable. Il ne faut pas le lire au premier degré, mais prendre le temps entre chaque phrase pour bien saisir d'où l'auteur veut en venir. J'ai adoré la lecture et c'est exactement le genre de livre que j'aime lire. Un livre qui nous portes a réfléchir et unique en son genre. Je vais certainement lire les autres livres de cet auteur.
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