Ce tome fait suite à Amazing
Spider-Man by
Nick Spencer Vol. 8: Threats & Menaces (épisodes 37 à 43) qu'il vaut mieux avoir lu avant. Il regroupe les épisodes 44 à 47, ainsi que le numéro spécial Amazing
Spider-Man: Sins rising prelude, initialement parus en 2020, tous écrits par
Nick Spencer. le recueil comprend également les couvertures originales de
Ryan Ottley (prélude),
Carlos Gómez (é44),
David Curiel (é45, é46, é47), ainsi que les couvertures variantes de Tony Daniel,
Mark Bagley (*3).
Sins rising prelude : dessins de
Guillermo Sanna Bauza, couleurs de
Jordie Bellaire. Les parents de Stan Carter s'aimaient d'amour, avec un usage immodéré des drogues récréatives à la fin des années 1960. Son père est mort avant sa naissance. Les parents de sa mère ont accueilli leur fille avec plaisir, mais ont envoyé son rejeton chez ses grands-parents paternels dans les monts Ozark. le grand-père était un prédicateur de l'église pentecôtiste délivrant des sermons enflammés, pleins de souffre. Ne pouvant plus punir son fils pour sa vie dissolue, il a reporté sa colère sur son petit-fils. Il est mort d'une morsure de serpent pendant une séance revival. Ses fidèles ont exposé son corps dans une clairière pendant une nuit, avec des offrandes, et c'est ainsi que Stan encore enfant a vu pour la première fois le mangeur de péchés.
Cet épisode sert effectivement de prologue aux suivants, en (ré)introduisant le personnage de mangeur de péchés, apparu pour la première fois dans le numéro 107 de Peter Parker, the spectacular
Spider-Man, en 1985, créé par
Peter David et
Rich Buckler. le lecteur se rend compte que cet épisode se justifie par l'importance du personnage dans les épisodes suivants bien sûr, mais surtout pour la réaction de
Spider-Man la première fois qu'il y a été confronté. le scénariste ne fait pas semblant pour donner de la consistance et de la crédibilité au personnage. Il évite de s'appesantir sur les croyances ayant donné naissance à ce type de fonction, qu'elles soient d'origine galloise ou méso-américaine, et il en reste à la fonction. Les dessins évoquent l'approche graphique de
Michael Lark et de
Michael Gaydos, avec une narration visuelle moins ben construite. La mise en couleurs de
Jordie Bellaire fait des merveilles pour apporter un cachet impressionnant à chaque page, élevant les dessins à un palier supérieur. le tout se marie bien ensemble pour montrer un individu aux émotions intenses, en particulier son dégout pour les injustices, et le besoin de purifier les criminels pour pouvoir les absoudre. Pourtant, le lecteur éprouve des difficultés à croire en la réalité ou la plausibilité de cet individu, voyant bien que Spencer s'attache à bien faire attention de relier les points dans les événements déjà connus de sa vie, sans parvenir à lui donner l'autonomie suffisante pour qu'il existe par lui-même.
Épisodes 44 à 47 : dessins et encrage de
Kim Jacinto avec l'aide de Bruno Oliveira (é44), dessins de
Mark Bagley avec un encrage de
John Dell aidé par
Andy Owens (é45), dessins de Marcelo Ferreira avec un encrage de Roberto Poggi (é46 & é47). Ces quatre épisodes ont été mis en couleurs par David Curriel. Peter Parker est en train de se retourner dans tous les sens dans son lit en plein sommeil, alors que Kindred pense à lui. Peter rêve qu'il se trouve dans une voiture de sport, aux côtés d'Overdrive (James Beverley) qui est en train de conduire dans les rues de Manhattan, sans pouvoir s'arrêter. Peu de temps auparavant, Overdrive se trouvait avec trois malfrats masqués se faisant appeler Inner Demons : l'un d'eux est blessé, et ils ont tué des policiers pour pouvoir s'échapper, Overdrive devenant ainsi leur complice dans ces crimes. Sin Eater apparaît dans la pièce où ils comptent leur butin et se transforme en véritable démon, se mettant à pourchasser Overdrive qui s'enfuit à bord d'une voiture ne devant s'arrêter sous aucun prétexte s'il ne veut pas être rattrapé par Sin Eater. Peter finit par se réveiller et il laisse un très long message sur la boîte vocale de
Mary Jane.
Nick Spencer continue de faire progresser son intrigue principale au rythme qui lui sied. Cela veut dire que Peter Parker n'est pas près de se retrouver face à Kindred, ni que l'identité de celui-ci soit révélée prochainement. Sin Eater est un autre ennemi qu'il met en travers du chemin de
Spider-Man, une épreuve de plus pour Peter. Donc c'est parti sur des rails : Sin Eater tire sur des supercriminels, les abat froidement, charge à
Spider-Man de mettre fin au massacre. Bien sûr, le scénariste introduit quelques nouveautés. Pour commencer, Sin Eater absorbe les superpouvoirs de ses victimes, le rendant donc plus fort à chaque fois et devenant un ennemi de plus en plus redoutable pour
Spider-Man. Ensuite l'effet de ses projectiles s'avère un peu plus complexe que celui d'une balle entre les deux yeux, ce que Peter découvre en cours de route. Enfin, Peter n'avait pas prévu la réaction du public aux actions de Stan Carter. Il découvre qu'une foule est bien plus impitoyable que l'ensemble de chaque individu pris séparément, et que l'état d'esprit ambiant n'est pas à la clémence, comme un écho du comportement du quarante-cinquième président des États-Unis. Cela le déstabilise autant que les meurtres de sang froid de Sin Eater.
Le lecteur sait bien que le rythme de parution bimensuel de la série induit des délais de production très courts ce qui fait que le responsable éditorial alterne les équipes de dessinateurs pour qu'ils tiennent le coup. Malgré tout, ça fait quand même rois artistes différents pour seulement 4 épisodes, sans compter les encreurs, et les assistants. Tous les 3 quittent le registre plus dur du prélude, en ajoutant plus d'entrain, de vitesse, d'actions bondissantes, le coloriste ne lésinant alors pas sur les effets spéciaux de couleurs : la narration visuelle revient dans un registre franchement superhéros. Jacinto réalise des planches pleines d'énergie, aérées, variant la taille des cases en employant par exemple des cases de la largeur de la page pour la course effrénée de la voiture conduite par Overdrive. Il y a une touche d'exagération et de simplification de type dessin animé qui apporte une énergie appropriée lors des scènes d'action. En revanche, ce dessinateur ne parvient pas à faire croire aux émotions des personnages pendant les scènes en civil, en particulier les affres de Peter téléphonant à MJ semblent particulièrement mal jouées, et ne parviennent pas à déclencher l'empathie chez le lecteur.
C'est ensuite au tour du vétéran
Mark Bagley de prendre le relais pour un épisode. le lecteur fait le constat d'une narration visuelle plus solide, plus consistante, plus posée, moins dans l'esbrouffe. Les pages contiennent plus d'informations visuelles que ce soit pour les décors, les accessoires, les plans de prise de vue, l'enchaînement des cases. La mise en couleurs vient compléter les dessins, en termes d'ambiance et d'effets spéciaux, maquillant les endroits présentant des éléments un peu naïfs. S'il n'y prête pas attention, le lecteur se laisse séduire par cette narration visuelle colorée et facile à lire, sans remarquer les expressions de visage parfois sans nuance, les cases parfois un peu vides, les plans un peu recyclés. La complémentarité entre dessinateur et coloriste fonctionne bien et l'épisode se lit tout seul. Marcelo Ferreira réalise les deux derniers épisodes. le lecteur constate qu'il insère plus de détails que Bagley, en conservant une bonne partie du dynamisme de ses planches. Les civils gagnent en nuances et en expressivité, les environnements gagnent en consistance, et les prises de vue gagnent en originalité, tout en conservant une petite touche simplifiée qui rend les planches plus agréables à l'oeil.
Avec ces 3 derniers épisodes, fini les préludes, finis les rêves, retour à la réalité pure et dure.
Nick Spencer fait également un peu de place pour les personnages secondaires le temps d'une séquence ou simplement d'une case : Carly Cooper, Gog, James Beverley, Mary Jane Watson, Norah Winters, J. Jonah Jameson. Toutefois, le récit reste focalisé sur l'intrigue : les actions de Sin Eater, l'évolution de l'état émotionnel de Peter Parker. le scénariste s'amuse à mettre en scène quelques supercriminels de derrière les fagots (Lethal Legion) sans leur laisser le temps de voler la vedette à
Spider-Man. Plus que dans les tomes précédents, celui-ci est ébranlé dans ses convictions, ses valeurs morales se trouvant remises en question quand les actions de Sin Eater sont portées aux nues par l'homme de la rue. le lecteur peut clairement percevoir l'intention de Kindred en faisant appel à ce criminel contre lequel Peter avait perdu toute contenance la première fois, au point de devoir être physiquement maîtrisé par Daredevil.
Ce tome ne donne a priori pas très confiance au lecteur. Certes
Nick Spencer en écrit tous les épisodes, mais il ressemble à une étape de plus sur la longue route menant à la confrontation avec Kindred, et en plus affligé de 4 dessinateurs différents pour 5 épisodes. le prélude se retrouve un peu à part : l'histoire de Stan Carter, avec une narration visuelle plus polar que superhéros. Les 4 épisodes de la série régulière reviennent au coeur du sujet, avec une intrigue plus facilement lisible au regard du plan de Kindred, des dessins allant de fonctionnels (épisode 44) à un bon niveau (épisodes 46 & 47).