« Il y eut la grippe qui explosa à la surface de la terre, telle une bombe à neutrons, et le stupéfiant cataclysme qui en résulta, les premières années indescriptibles où les gens partirent sur les routes pour finalement se rendre compte qu'il n'existait aucun endroit, accessible à pied, où la vie continuait telle qu'ils l'avaient connue auparavant ; il s'installèrent alors où ils pouvaient – dans des relais routiers, d'anciens restaurants, des motels délabrés -, en restant groupés par mesure de sécurité. »
C'est dans ce monde post-apocalypse que nous suivons un groupe de survivants, comédiens et musiciens itinérants qui font halte dans les colonies du nouveau monde. A partir de ce point de départ très classique, la construction de ce roman est très habile, choisissant comme point de pivot celui qui a peut-être été le patient zéro, le célèbre comédien Arthur Leander. Parmi les survivants, une jeune femme qui a joué le Roi Lear avec lui le jour de sa mort sur scène, son ex-femme, son fils, un journaliste, son meilleur ami, et un Station eleven, comics créé par sa première épouse, devenu une sorte de relique. Les aller-retours dans le temps, avant l'apocalypse et jusqu'à 20 ans après, sont brillamment orchestrés et se rejoignent de façon cohérente, mais pendant les deux tiers du livre, je me suis un peu ennuyée.
Il m'a manqué une atmosphère forte et intense alors que de très belles idées étaient là, pas assez exploitées ni explorées à mon goût, comme l'idée que c'est par l'art, la culture, Shakespeare ou Beethoven, que l'on peut se raccrocher au monde qui a été, et surtout faire revivre des instants de civilisation pour ceux qui ne l'ont jamais connu. « Parce que survivre ne suffit pas », telle est la devise de la troupe la Symphonie itinérante. Autre idée forte pas assez approfondie , la mainmise de gourous prophétisant sur la fin du monde et profitant de l'aubaine pour se créer des harems d'esclaves sexuels autour de communauté tenue par la force.
Reste que j'adore les romans d'anticipation post-apocalyptique, la réflexion qu'ils suscitent, l'éclairage critique sur notre société actuelle inconsciente et inconséquente dans ses actes. Et les deux derniers chapitres m'ont accroché, surtout celui qui décrit la colonie de l'aéroport : des rescapés qui attendent là comme on attend un avion qui tarde et qui y sont toujours 20 ans après, à y donner la vie, à mourir, à se souvenir de la dernière fois qu'ils ont mangé un cornet de glace ou vu un bus circuler, tout en essayant de ne point devenir fou.
Je conseille à tous les amateurs du genre le magistral Dans la forêt de Jean Hegland, à mon sens plus abouti.
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Kirsten, une très jeune figurante, assiste, lors d'une représentation du roi Lear, à la mort de l'acteur Arthur Leander sur la scène d'un théâtre de Toronto. Peu après, une pandémie extermine une grande partie de l'humanité. On retrouve la jeune femme, vingt ans plus tard, avec des comédiens et des musiciens qui circulent autour du lac Michigan. Les plus âgés se souviennent du monde perdu qu'ils tentent d'expliquer aux plus jeunes. Mais le nouveau monde est hostile, la troupe privée de tout confort doit aussi se protéger des agressions et « parce que survivre ne suffit pas » : elle joue des œuvres de Shakespeare et Beethoven.
Dans ce récit post-apocalyptique, où l'on fait de nombreux allers retours entre le passé et le présent, Emily St. John Mandel a choisi l'acteur disparu comme fil conducteur qui relie tous ses personnages. Avec eux, elle nous entraîne dans un monde dévasté et violent, mais qui n'est pas sans espoir, car il en existe encore quelques-uns pour croire en l'immortelle beauté de l'art.
Merci à Babelio et aux Editions Rivages pour ce roman ingénieux et pénétrant.
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« Parce que survivre ne suffit pas. » Telle est la devise de la Symphonie Itinérante, une troupe d'acteurs et de musiciens qui parcourt les territoires dévastés de la région du Lac Michigan pour offrir des concerts et des représentations de pièces de Shakespeare. Vingt ans plus tôt, une pandémie dénommée la « grippe de Géorgie » a exterminé la majeure partie de l'humanité. L'année qui a suivi fût apocalyptique. Les rares survivants ont dû surmonter les pires épreuves. Ils ont dû apprendre à se nourrir et à se défendre dans un environnement hostile. Les rescapés se sont agrégés en petites colonies, certaines étant sous la coupe d'un gourou. Les spectacles de la Symphonie sont donc un ersatz de civilisation dans cette époque ravagée.
Kirsten est une comédienne de la troupe de la Symphonie. Elle a peu de souvenirs du monde d'avant la pandémie. Elle conserve une bande-dessinée futuriste intitulée « Station Eleven » et recueille tous les articles concernant l'acteur hollywoodien Arthur Leander dans de vieux magazines people trouvés lors des fouilles de maisons abandonnées. Elle était présente le soir où le vieil acteur s'est écroulé sur scène lors d'une représentation du Roi Lear, victime d'un infarctus, au moment même où la pandémie a commencé à toucher l'Amérique. Le souvenir de cette soirée tragique et la bande dessinée constituent un lien avec d'autres personnages du roman : Miranda, une ex-épouse d'Arthur, auteure de la bd ; Jeevan, le jeune-homme qui s'est précipité vers le comédien pour tenter de le réanimer ; et Tyler, le fils d'Arthur. Kirsten doit lutter quotidiennement pour survivre, faire vivre un art seul capable de sublimer son existence et reconstituer un passé par petites bribes. Il existe un mince espoir de renouveau. Des survivants créent des musées d'objets du monde d'avant, un magazine publie des témoignages de rescapés, l'art continue de vivoter grâce à l'activité de la symphonie.
J'avais le nom d'Emily St John Mandel en tête depuis la lecture d'une entrevue de François Guérif au cours de laquelle l'éditeur évoquait le choc reçu à la lecture du premier manuscrit de cette jeune auteure. Il annonçait ensuite la sortie de son prochain roman chez Rivages, non pas dans la collection Rivages/Thriller, mais en littérature étrangère. J'étais donc curieux de découvrir son nouvel opus et heureux d'être sélectionné dans la cadre d'une Masse Critique. J'avoue être déçu de ma lecture. Certes, le roman est remarquablement construit. Emily St John Mandel dépose ses petites pierres tout au long du récit qui auront plus tard des correspondances pour former un ensemble pertinent. Elle sait habilement passer d'un personnage à l'autre et alterner entre les époques. L'idée de départ, une troupe d'acteur interprétant du Shakespeare et de la musique classique dans un monde dévasté était séduisante. Mais je me suis ennuyé au cours de ma lecture. J'ai trouvé les scènes apocalyptiques peu convaincantes, les atermoiements sur les vies sentimentales d'Arthur et de Miranda inintéressants et je n'ai pas réussi à m'approprier des personnages trop superficiels à mon goût. Je n'ai peut-être pas su appréhender ce qui a permis à ce roman inclassable de recevoir un tel accueil critique en Amérique du Nord.
Merci à Babelio et aux éditions Rivages pour l'envoi de ce livre dans le cadre d'une Masse Critique.
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Quarante-neuf personnes se sont donné la peine de résumer l'intrigue de ce roman, ce qui me dispense de le raconter à mon tour. Par curiosité, et un peu contaminé par la publicité, je l'avoue, j'ai lu cette histoire artistement construite, faite d'anticipations, de retours en arrière, d'interruptions provisoires, de rappels, de relations subtiles entre chapitres, de rimes narratives et autres finesses délectables : la composition est belle comme un épisode de série américaine bien fait, à la fois cohérent et varié. L'amateur de littérature "post-apoc" mesurera la distance que met l'auteur entre les codes du genre et l'interprétation très personnelle qu'elle en fait. Sans jamais tomber dans la mièvrerie, ni cacher l'horreur du cataclysme, elle sait éviter les grosses ficelles et camper des personnages convaincants, attachants et humains, à la psychologie moins sommaire que d'habitude dans ce style d'ouvrage. C'est donc, si l'on veut, un roman "mainstream" écrit sur un sujet populaire. Le résultat est agréable à lire, même si on se demande, à la fin, à quoi a servi tout ça. En tous cas, c'est un bel objet romanesque très bien composé et totalement inutile..
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Enfin, j'ai terminé ce roman qui me fait de l'oeil depuis sa parution, qui commence à dater. M'attendant à un roman post-apocalyptique, je ne sais pas trop quoi penser de cette lecture au final.
En effet, s'il y a bien une vaste épidémie de grippe qui anéantit presque totalement l'humanité, avec quelques récits de survivants épars, en réalité le récit est centré autour d'un événement qui a précédé la fin du monde : la mort d'un acteur sur scène. Sa vie, ses ex-femmes, ses amis, constituent en fait le lien entre tous les chapitres.
L'histoire est donc déroutante, même si je reconnais que c'est assez habile ; mais du coup cela manque un peu de piquant, ce n'est donc pas un coup de coeur passionnant comme je l'espérais !
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