La table du petit déjeuner fut une reussite. Le café noir comme de l'encre, avait le gout d'un matin de septembre en haute montagne. Les œufs étaient cuits a point, les jaunes en étaient comme des matins d’été oubliés. Les tartines, fraichement grillées, croustillaient, le beurre était moelleux et doré - et les saucisses de mouton si fraiches qu'on aurait juré que la veille au soir encore les brebis gambadaient dans la lande. La confiture de fraises, d'un rouge brillant, était sucrée a souhait et la marmelade d'oranges aiguisait l’appétit exactement comme il le fallait : elle vous incitait a prendre une tartine en plus.
La table du petit déjeuner était une reussite, mais le petit déjeuner n'en fut pas une. Hilde Varde n’était pas une adepte des bons petits déjeuners. Pour Hilde un bon matin était un mauvais matin. Pour Hilde Varde, une bonne journée ne pouvait commencer avant que l'horloge ne s’approchât de midi. Elle contemplait une tartine de pain sec, avec sur le visage des regrets comme un cold-cream gras. Elle n'aimait pas la marmelade d'oranges et la confiture de fraises lui donnait des boutons. Quant aux saucisses de moutons, elle en avait eu plus que sa dose dans son enfance, et les œufs lui causaient des nausées. Elle mangeait le moins de beurre possible, et le café lui provoquait des remontées acides et pour le lait, elle n'en buvait que dans les occasions tristes. Donc elle but du lait.
[...]
Je pris mon petit déjeuner tout seul et ce fut vraiment un merveilleux petit déjeuner.
Quand elle revint, elle avait déjà sa fourrure sur le dos et était prête a partir.
"Ne crois pas, dit-elle, que je sois venue ici pour tes beaux yeux, Vaarg Veum. Ne vas pas t'imaginer que je suis venue parce que tu as une technique pour accrocher les filles. Je suis venue ici parce que j'avais besoin de faire l'amour. Et je l'ai fait. Ça ne cassait pas des briques, mais je ne m'attendais pas a autre chose. Alors, salut, Varg Veum, a un de ces jours... peut-etre !"
La-dessus, elle partit.
"See you later, alligator", dis-je a la porte close.
C'est ça que j'aime chez les filles d’aujourd’hui : elles ne te laissent jamais conserver la plus petite de tes vieilles illusions idiotes. D'accord, d'accord, je n’étais pas le plus grand tombeur du monde, mais je savais faire un bon petit déjeuner, et pour le moment c’était bien suffisant, en tout cas pour moi.
Il y avait comme un voile brillant sur ses yeux, telle la brume du matin, dans la montagne, au-dessus d’un glacier.
Au commencement était le bureau et au bureau, il y avait moi,les pieds sur la table. Le bureau était rangé … A gauche il y avait une pile de facture, à droite il y avait ce que je possédait en argent liquide, dix couronnes et trente ore...
Novembre, 9 heures passées, et le matin était blême. Le temps était assez couvert avec, dans l’air, un pâle reflet de pluie et un gobelin gris sur Askog. Il ne faudrait pas faire sécher son linge aujourd’hui.
Son nez était un nez: ni grand ni petit, ni laid, ni beau.
je m’affaissai le long du mur à la manière d’une allumette dont le soufre est mouillé et qu’on frotte sans arriver à l’allumer.
les morts me dépriment toujours, comme lorsqu’on ouvre une boîte d’allumettes et qu’on constate qu’elle est vide.
Vous comprenez : je ne peux pas ressentir la moindre compassion pour mon père. Quand vous lisez l’annonce de la mort de gens qui vous sont totalement étrangers, ça ne vous rend pas triste non plus, n’est-ce pas ? »
Son cigare pointait comme un canon de DCA dans le coin de sa bouche.
Au milieu du mur de droite il y avait une porte. Et je n'étais plus seul. Devant la porte, un homme était là, qui me regardait. Dans la main droite, il tenait quelque chose qu'il braquait sur moi.
Il n'était pas laid, habillé simplement, pour la circonstance (…) Il me fallut quelques secondes pour réaliser que je contemplais mon propre reflet.