Le récit s'ouvre sous le patronage tutélaire du grand père Slavko, grand lecteur du « Capital », admirateur de Tito, mort en 9 secondes 86 centièmes, devant sa télévision, dans le temps et à l'instant où Karl Lewis devenait, à Tokyo, champion olympique. Mais qui, avant de partir, avait taillé une baguette magique pour son petit fils Alexandar, devenu, de ce fait « magicien du possible et de l'impossible dans l'ensemble des États non-alignés ». Ce pouvoir, à défaut de changer le monde, donne le ton du récit. «
le soldat et le gramophone » est un roman étonnant. Non pas à cause de la guerre en Yougoslavie, vue à travers les yeux d'un enfant. D'autres auteurs, d'autres romans ont utilisé le procédé avant lui, avec talent. Mais aucun avec le même ton, entre la poésie, le récit, la fable, le rire et les pleurs, dans un halo de perception floue ou lacunaire, celle de l'enfance, qui fait jeu de tout, même du pire. le récit navigue dans des couleurs chatoyantes, des odeurs de poisson, de mirabelles fermentées et de slivovitz au gré des fêtes cocasses - l'inauguration des nouveaux cabinets de la maison- ou des rassemblements forcés dans l'abri des caves, alors que la guerre fait rage dans la ville qu'il faudra fuir. Dans ce patchwork de souvenirs mêlés, de lettres d'amour sans réponse, on retiendra cette partie de football jouée entre les serbes et leurs ennemis bosniaques, à la faveur d'un cessez-le-feu, au milieu de champs de mines, où la balle risque à chaque instant de devenir mortelle. On n'oubliera pas cette ville de Visegrad, multicommunautaire depuis le fond des temps, dont un immense écrivain,
Ivo Andric, a fait l'histoire éternelle. du pont sur la Drina, le fantôme du prix Nobel, qui apparait à éclipses, est impuissant contre le retour de la barbarie et de l'intolérance. On se souviendra de l'auteur,
Sasa Stanisic, jeune homme malicieux au sourire d'adolescent, désormais loin de sa ville mythique, qui ajoute, dans sa langue germanique d'adoption, un codicille au chef d'oeuvre d'
Ivo Andric, et s'impose, dans un joyeux fracas, sur la scène littéraire.
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