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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Le soldat et le gramophone est le genre de roman comme seuls ou presque les territoires des Balkans savent en générer. Comme souvent, il y est question de la guerre fratricide qui a déchiré la Bosnie, de mort, de familles séparées et déracinées mais Saša Stanišic a enrubanné le tableau d'insouciance, de cynisme et d'absurde.
La guerre est même très peu évoquée dans le récit qui ressemble à une succession d'instantanés qui s'entrechoquent, la pensée surgit de manière pas toujours limpide et les associations d'idées sont parfois farfelues. L'empreinte du jeune âge du narrateur, qui avec sa voix enfantine inspecte les choses futiles, les petits détails et ne regarde pas les événements de la même manière que les adultes.
Puis le temps, le déracinement né de l'exil en Allemagne s'emparent de la mémoire chaotique, ils exigent une certaine cohérence, le besoin de donner sens aux impressions d'enfant. le roman abandonne sa part de fantaisie pour donner une seconde vie autant qu'une autre dimension aux souvenirs. L'écheveau des évocations se démêle et le récit devient plus sombre et intensément réaliste.

Dans ce roman à forte coloration autobiographique, tout le talent de l'auteur réside dans cette faculté à restituer la perception d'un événement tragique par un enfant. Il fouille sa mémoire et, débarrassé de sa perspective d'adulte, le regard s'attarde sur les copains de l'époque, les histoires du grand-père fervent partisan de Tito, les repas de famille, les parties de pêche dans la Drina. le texte constitue des assemblages extravagants par instants, on savoure l'humour poétique et la vérité pleine de candeur à d'autres.
Il nous ramène un peu en enfance, il faut donc faire preuve d'une certaine souplesse chaque fois que le jeune narrateur joue à saute-moutons avec les faits, accepter les zones d'ombre laissées à plus tard. La rupture narrative tout comme la variation des genres sont susceptibles d'en surprendre quelques-uns. Mais cela apporte tout au moins une certaine profondeur au texte.

Même si le soldat et le gramophone emprunte à l'écriture introspective allemande, il reprend pour l'essentiel les codes de la littérature des Balkans avec cette faculté de réenchanter un monde dévasté. Véritable marqueur génétique qui a toujours été une force d'attraction à laquelle il m'est difficile de résister.
Lecture distrayante.
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Ce premier roman est autobiographique, sans être pour autant centrée sur la seule personne Aleksander, le narrateur. Il vit au milieu d'une famille incroyable, certes, mais avec laquelle j'ai eu peu d'empathie. Ils sont tous présentés de manière hyperbolique. La tante Typhon, par exemple, qui va plus vite que tout le monde - et finalement, se moque un peu du ressenti de chacun. le grand-père maternel était tout entier dévoué à la Drina, "son" fleuve, au point de ne pas se préoccuper de ceux qu'il laisse derrière lui (et il ne s'en préoccupait pas non plus de son vivant). le grand-père paternel est une figure du Parti, un fidèle de Tito. , mort subitement. Son petit-fils n'a de cesse de perpétuer son souvenir, celui des histoires qu'il racontait, tout au long des 376 pages du roman.
Tout est raconté à hauteur d'enfant, sans recul, sans analyse, et c'est ce qui fait en partie le charme de ce roman. En lisant son enfance, de la cueillette des prunes à l'inauguration des nouvelles toilettes, j'ai peine à croire que nous sommes au tout début des années 90 - et je ne vous parle pas non plus des sujets de devoirs qu'il doit rédiger à l'école. le mot "homophobie" n'existe pas encore, et ce n'est pas vraiment de cela dont Francesco, l'italien venu travailler quelques temps au village, est victime, non, plutôt des commérages et de la bétise de ceux qui se retournent contre celui qui est vraiment étranger, donc différent. Rien ne semble préfigurer la guerre qui dévastera tout - guerre qui a eu lieu juste à côté de chez nous (mais c'est vrai que, contrairement au Koweit, il n'y avait pas de pétrole).
Certaines scènes m'ont rappelé J'ai quinze ans et je ne veux pas mourir de Christine Arnothy. "Guerre" n'est pas vraiment le nom qui convient, puisque les soldats s'en prennent presque exclusivement aux populations civiles, et dévastent tout sur leur passage. "Carnage" et "génocide" sont plus appropriés. Ils restent presque tout anonymes, ces soldats aussi bêtes que haineux, au contraire de leurs victimes. Les parents d'Aleks, eux, choisissent de partir, en Allemagne, chez le frère qui y travaille "au noir", puis, les années passant, de partir encore plus loin, aux Etats-Unis, pour enfin revivre. Aleks reste en Allemagne, dans ce qui fut "la meilleure partie de l'Allemagne" (la RDA) puis revient au pays, cherche à savoir qui a survécu, ce que sont devenus ceux qu'il a connus. Il retrouve Katrina, sa grand-mère paternelle, qui a voulu rester auprès de la tombe de son mari. Auprès de son fils Miki, aussi, dont on comprend à demi-mots qu'il a participé activement à la guerre. Il découvre et raconte l'horreur, en mots simples et crus.
Le livre se termine sur une lueur d'espoir. Qu'elle brille longtemps.
Lien : http://deslivresetsharon.wor..
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Sasa Stanisic est né en 1978 à Visegrad (ex-Yougoslavie). Il est issu d'une famille mixte "serbo-bosniaque", qui a dû s'exiler en Allemagne dans les années 90 afin de fuir le terrible nettoyage ethnique qui sévissait.

Aleksandar est le narrateur de ce roman autobiographique. Dans un premier temps, il nous raconte, au travers d'anecdotes savoureuses, une enfance dorée faite de petits bonheurs. Nous découvrons les personnages pittoresques qu'il cotoyait, comme le grand-père communiste qui faisait de lui "le magicien du possible et de l'impossible". Certaines scènes sont absolument hilarantes, je pense à l'inauguration des premiers cabinets dans la maison de l'oncle. Une sacré journée !

Hélas, le bonheur s'arrête brutalement avec la guerre ethnique qui déchire le pays. Cette période est racontée à demi-mots (ce que j'ai plutôt apprécié, j'avais eu beaucoup de mal à supporter les descriptions très crues de Vélibor Colic dans "Archanges"). Pour fuir les persécutions dont elle est victime, la famille s'exile. Mais loin de son pays, la nostalgie ronge Aleksandar. Il repense à ceux qu'il a laissés là-bas, notamment à son amour de jeunesse, Asija, qu'il espère retrouver un jour… Il est très marqué par ce qu'il a vu pendant la période atroce qui a précédé son départ vers l'Allemagne. A la fin du roman, devenu un homme, il retrouve avec beaucoup d'émotion le Visegrad d'après-guerre.

C'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai retrouvé les habitants de Visegrad, dont j'ai lu il y a peu de temps, dans "le "Pont sur la Drina" d'Ivo Andric, quatre siècles d'histoire. J'ai beaucoup aimé la fantaisie de ce premier roman, son ton à la fois grave et humoristique mais je dois dire que j'ai déploré quelques longueurs vers le milieu du livre. Aleksandar, en Allemagne, se remémore de nouveau son enfance (trop d'anecdotes tuent l'anecdote ?). C'est dommage. Quatre-vingt pages en moins et c'était un coup de coeur.

Lien : http://sylire.over-blog.com/..
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Une histoire comme un devoir de mémoire. Une autobiographie, sensible et drôle. On sent un besoin important d'écrire pour faire revivre et partager pour ne pas oublier. Ne pas oublier son enfance et ces moments radieux pleins d'insouciance et surtout ne pas oublier ce conflit sordide dans les Balkans. Il y a comme un écho au prix Nobel d'Ivo Andric et son livre «Le pont sur la Drina». Magnifique.
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Lorsque le jeune Aleksandar perd subitement son grand-père, Slavko, il ne sait pas encore que cet événement n'est que le premier signe des grands changements qui vont bouleverser son pays et sa vie. Slavko, ce grand-père raconteur d'histoires en tout genre, communiste convaincu tout entier dévoué à Tito a tiré sa révérence, devant la télé, pendant que Carl Lewis battait le record du monde de vitesse. Sa mort laisse un immense vide dans le coeur et la vie d'Aleksandar qui va apprendre au fil des années à se séparer de ce qui faisait jusqu'ici sa vie. Car en Yougoslavie, on démonte les statues de Tito. En Yougoslavie, Serbes et Croates s'affrontent dans une guerre qui laissera à jamais des traces dans ce peuple autrefois uni. Aleksandar voit peu à peu les voisins s'en aller, vers un ailleurs incertain mais loin de la guerre. Et dans les années 90, lui aussi quitte son pays qui perd son nom et son âme pour se réfugier en Allemagne. Une nouvelle vie à se construire, difficilement, avec toujours au coeur des manques et des souvenirs d'enfance.

Avec les mots et les yeux d'Aleksandar, on traverse le conflit de l'ex-Yougoslavie et la brutalité d'un exil forcé, on touche avec lui la fin d'un monde, celui de l'enfance et on l'accompagne dans la construction d'un autre, celui d'un adulte qui tente de combler les manques. Un récit que l'on imagine, que l'on sait habité par la propre expérience de son auteur. Un récit qui fourmille d'histoires, celle avec un grand H et toutes les autres nées des souvenirs et de l'imagination d'un enfant. Un fourmillement qui amène parfois des confusions et quelques longueurs, notamment dans la dernière partie (que je trouve répétitive en regard du début du livre). Mais le tout reste un joli roman où j'ai pris plaisir à plonger malgré tout.
Lien : http://lencreuse.over-blog.com
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J'ai adoré Aleksandar, le héros de ce roman, que je suppose en partie autobiographique. Aleksandar, serbe par son père, bosniaque par sa mère, grandit à Visegrad, quand éclate la guerre. Ce roman, c'est son regard d'enfant sur les événements qui touchent ses proches, tous si hauts en couleurs, regard débordant de tendresse. Ce n'est pas un roman triste, non : c'est drôle, sensible, nostalgique, on rit, on pleure aussi, c'est spontané comme un regard d'enfant puis de jeune homme, c'est vivant, ça sonne si juste.
Pas de haine. Non. Juste un regard... Mais la violence comme arrière plan, qui brise hommes et rivière. Et tout ce que l'on devine...
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Le récit s'ouvre sous le patronage tutélaire du grand père Slavko, grand lecteur du « Capital », admirateur de Tito, mort en 9 secondes 86 centièmes, devant sa télévision, dans le temps et à l'instant où Karl Lewis devenait, à Tokyo, champion olympique. Mais qui, avant de partir, avait taillé une baguette magique pour son petit fils Alexandar, devenu, de ce fait « magicien du possible et de l'impossible dans l'ensemble des États non-alignés ». Ce pouvoir, à défaut de changer le monde, donne le ton du récit. « le soldat et le gramophone » est un roman étonnant. Non pas à cause de la guerre en Yougoslavie, vue à travers les yeux d'un enfant. D'autres auteurs, d'autres romans ont utilisé le procédé avant lui, avec talent. Mais aucun avec le même ton, entre la poésie, le récit, la fable, le rire et les pleurs, dans un halo de perception floue ou lacunaire, celle de l'enfance, qui fait jeu de tout, même du pire. le récit navigue dans des couleurs chatoyantes, des odeurs de poisson, de mirabelles fermentées et de slivovitz au gré des fêtes cocasses - l'inauguration des nouveaux cabinets de la maison- ou des rassemblements forcés dans l'abri des caves, alors que la guerre fait rage dans la ville qu'il faudra fuir. Dans ce patchwork de souvenirs mêlés, de lettres d'amour sans réponse, on retiendra cette partie de football jouée entre les serbes et leurs ennemis bosniaques, à la faveur d'un cessez-le-feu, au milieu de champs de mines, où la balle risque à chaque instant de devenir mortelle. On n'oubliera pas cette ville de Visegrad, multicommunautaire depuis le fond des temps, dont un immense écrivain, Ivo Andric, a fait l'histoire éternelle. du pont sur la Drina, le fantôme du prix Nobel, qui apparait à éclipses, est impuissant contre le retour de la barbarie et de l'intolérance. On se souviendra de l'auteur, Sasa Stanisic, jeune homme malicieux au sourire d'adolescent, désormais loin de sa ville mythique, qui ajoute, dans sa langue germanique d'adoption, un codicille au chef d'oeuvre d'Ivo Andric, et s'impose, dans un joyeux fracas, sur la scène littéraire.

http://diacritiques.blogspot.fr/2010/07/le-soldat-et-le-gramophone-de-sasa.html
Lien : http://diacritiques.blogspot..
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Aleksandar habite une petite ville de Yougoslavie. Il voue un culte à son grand-père, membre du Parti Communiste et grand magicien. Amateur d'histoires, il a donné cette passion à son petit fils.
La narration commence quand le grand-père décède, puis, peu de temps après, la guerre éclate. de père serbe et de mère bosniaque, la famille est obligée de fuir le pays et se retrouve en Allemagne. Puis les parents d'Aleksandar émigrent aux Etats-Unis.
10 ans plus tard, Aleksandar retourne dans son village voir sa grand-mère et ne reconnaît rien ni personne.

La narration n'est pas linéaire, mais se fait par petites touches de souvenirs. On perçoit la mémoire au travail.
Un livre sur la guerre tout en retenu.
L'auteur adore raconter des histoires, et je me suis désollée que les siennes se finissent.
Un très beau livre.
Lien : http://lescouassous.over-blo..
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Ce roman entre dans la catégorie des romans "difficiles". Il n'est pas simple d'entrer dedans mais ensuite je me suis laissé happer par le rythme et l'univers de l'auteur.
Ecrit à auteur d'enfant, ce roman semble largement autobiographique et décrit naïvement (façon conte) une famille et son Destin marqué par la Guerre et une violence omniprésente, pour lui qui est né de parents serbe et bosniaque dans une ex-Yougoslavie en plein tourment.
Un petit côté tragi-comique à la Kusturica qui est très plaisant.

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