Il est difficile d'émettre un avis qui va à l'encontre de ce que pense la majorité, mais je vais m'y atteler pour plusieurs raisons. D'abord parce que je suis toujours honnête dans mes critiques, mais aussi pour me déculpabiliser de ne pas avoir apprécié ce que l'on nomme un chef d'oeuvre littéraire. J'ai pour habitude de lire des classiques, rares sont ceux qui me déçoivent. J'étais donc impatiente de découvrir
des souris et des hommes, de Steinbeck, d'autant plus que bon nombre de lecteurs ne tarissent pas d'éloges à son sujet. Dans mon esprit, c'était déjà gagné d'avance, je ne pouvais qu'aimer cette histoire. Pourtant… je suis passée complètement à côté de ce livre.
Pour commencer, je pense que l'écriture m'a quelque peu rebutée, notamment les nombreuses répétitions comme lorsque Lennie évoque la ferme qu'il convoite avec George, où il pourrait nourrir ses fameux lapins. Cette rêverie revient inlassablement, au point que l'on pourrait à notre tour raconter cette histoire à Lennie. Je suppose que Steinbeck insistait volontairement sur certains aspects afin de donner voix à ces sujets qui le révoltaient, tout en profitant de l'intensité particulière que cela permettrait d'apporter quant au drame final qui découle de son histoire. Ça n'a pas eu cet effet chez moi, au contraire, j'ai trouvé ces répétitions redondantes, ça creusait presque un fossé entre ses personnages et moi.
La roman est relativement court, j'imagine que ça ne m'a pas aidée à m'attacher aux personnages. Les chapitres ne sont pas sans rappeler des actes, comme dans les pièces de théâtre. C'est un genre que je n'apprécie pas lorsqu'il s'agit de les lire, il me parait donc évident que ça ait eu un lien avec ma déception.
Par ailleurs, je pense que mon avis a également été influé du fait que je me doutais de la fin du roman. Je crois que je l'ai compris dès le début quand Lennie se trimballe avec une souris morte dans sa poche en ne cessant de la caresser. Mon intuition a été confirmée quand George explique sévèrement les règles à Lennie afin qu'il ne leur créait pas d'ennuis. En définitive, je n'ai pas véritablement eu de surprise, j'attendais que l'évènement fatidique arrive et conduise à cette fin que nous connaissons désormais tous.
Évidemment, ce roman met en exergue l'injustice des minorités. J'ai eu beaucoup de compassion pour Crooks, qui subissait ce racisme écoeurant. Tout comme j'en ai eu pour ce vieux Candy, infirme, qui craignait d'être jeté à la porte du jour au lendemain, car lorsque l'on n'est plus productif, on est bon à être jeté, remplacé (ceci dit, les choses n'ont guère changé aujourd'hui, c'est juste fait différemment). Et il serait malhonnête de dire que Lennie ne me faisait éprouver de peine, il n'existait ni soin ni établissement adapté pour ces personnes-là, son issue tragique bien que prévisible reste une infamie.
Je n'arrive d'ailleurs pas à savoir si l'on peut considérer que George et Lennie ont été amis. de toute évidence, pour Lennie il s'agissait d'une véritable amitié, George était son pilier. Par contre, j'émets quelques réserves quant à George, dont le comportement ne peut susciter que des doutes. On peut y voir un geste de loyauté tout comme de lâcheté et d'abandon. Lui qui souhaitait ne plus avoir ce fardeau sur le dos, peut-on interpréter cela tel quel ou doit-on se dire que George était tout simplement épuisé de veiller sur Lennie, à une époque comme la sienne, il est humain de ressentir cette charge mentale. Donc à mes yeux, le personnage de George reste nuancé et mystérieux.
En dépit de tout cela, je n'ai pas réussi à apprécier l'oeuvre, je n'ai pas ressenti ni aperçu ce « quelque chose » qui a réussi à faire de ce roman un chef d'oeuvre littéraire aux yeux d'un grand nombre d'entre vous. Il n'a pas su éveiller mes émotions, pourtant je suis de nature très sensible. Je ressens simplement une profonde déception. Mais c'est ainsi, en littérature, les goûts diffèrent d'un lecteur à un autre. Néanmoins, je ne regrette pas d'avoir lu ce livre, cela reste un classique que j'étais à la fois curieuse et ravie de découvrir.