Prix Pulitzer en 1940 pour
Les raisins de la colère,
John Steinbeck reçut en 1962 le
Prix Nobel de littérature. Parmi ses seize romans, on peut citer notamment quelques titres illustres comme
Des souris et des hommes,
Rue de la sardine ou
À l'est d'Éden.
Une saison amère est un ouvrage moins connu de l'auteur, son dernier pourtant, paru un an avant son élection au Nobel et sept avant sa mort.
Le titre de l'ouvrage bénéficie d'une traduction libre, son titre original étant The Winter of our Discontent : «
L'hiver de notre mécontentement » (le titre anglais reprend les premières lignes de
Richard III de
William Shakespeare).
Le récit suit la vie d'Ethan Hawley, un père de famille issu d'une grande famille désargentée d'une ville portuaire des États-Unis. Ethan travaille comme commis dans une épicerie pour un émigré italien, qui lui a fait fortune, au contraire de la famille Hawley, WASP bien sous tous rapports. Ethan est un homme intègre au coeur pur, un bon père de famille, un bon mari, un travailleur honnête et droit, qui se contente de sa situation sociale détériorée et l'accepte sans amertume.
Pourtant, la position passée de sa famille fait de lui, au regard de tous, un déclassé social. Sa femme et ses enfants eux-mêmes semblent lui reprocher, ou tout du moins regretter les ors passés. Ethan, influencé par son entourage, décide donc de se mettre en quête des richesses perdues, quitte à bafouer son intégrité morale.
L'ouvrage est une réflexion sur le prix éthique à payer pour gagner de l'argent et devenir riche. Jusqu'où cet homme sympathique et honnête est prêt à se compromettre pour se faire une situation ? L'histoire est divertissante et l'auteur propose autour d'Ethan de nombreux personnages truculents qui vont, malgré eux, pousser le héros sur le chemin de la roublardise et de la cupidité. Avec humour et derrière une légèreté trompeuse, Steinbeck raconte l'altération d'une belle âme pour obtenir une belle situation. Les stratagèmes du héros sont ingénieux et l'arnaque est amusante à suivre, mais il ne faut pas se fier à cette joyeuse candeur affichée, car derrière, le propos est sombre.
L'aventure d'Ethan et de ses proches permet à Steinbeck de porter un regard acide sur son pays et son rapport à l'argent et au succès. La question sociale est évidemment au coeur de l'oeuvre de l'auteur. le plus souvent il la traite en se rangeant du côté des indigents pour nous faire partager leurs souffrances et leur humanité comme dans
Des Souris et des hommes ou
Les Raisins de la colère… Ici le procédé est différent. Pas de compassion, pas de drame social, mais une virulente critique de l'argent roi et de la quête de reconnaissance des hommes, qui même bons, même sincères, sont prêts à se pervertir pour briller dans les yeux des autres.
La construction narrative est assez étrange, alternant le point de vue subjectif d'Ethan avec celui omniscient d'un narrateur extérieur pour des raisons qui m'échappent. Mais le style satirique est enlevé et l'on retrouve un peu de la veine comique de l'auteur, à l'image de
Tortilla Flat.
Au final, cela donne un livre plutôt agréable à lire, qui derrière la farce et l'arnaque savamment ourlées, cache un réquisitoire sur l'ambition de la richesse. Il m'a pourtant laissé un sentiment mitigé. Peut-être m'a-t-il semblé trop évident dans sa démonstration ? Peut-être trop léger d'apparence pour son fond amer ? Trop amusé et amusant pour être véritablement prenant ? Je ne saurai le dire. Reste que l'auteur a du métier et que même si cet opus ne fait pas partie de ses meilleurs livres, il reste parfaitement recommandable !
Tom la patate
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