"Avril est arrivé dans une multitude de fleurs jaunes
Le ruisseau était jaune, le sentier était jaune,
et la colline, et les tombes des enfants
et le verger où, jadis, vivait l'amour.
Le soleil imprégnait le monde du jaune
de ses rayons. Il y avait des lys dorés
et des eaux cuivrées, chaudes et miroitantes.
Des papillons jaunes perchés sur des roses jaunes,
Des guirlandes jaunes grimpant le long d'arbres jaunes."
La lumière du jour était un don de parfum ambré
dans une renaissance chatoyante.
Ode au jaune de Juan Ramon Jiménez
Merveilleux courriel du cher Yves Gross, dont le sujet La rose et l'éboueur sonne comme le titre d'un conte qu'il me plaît de livrer tel quel:
" Le camion chargé du ramassage des poubelles est de passage dans la rue principale. Au moment de pendre celle du no 22, l'éboueur avise les roses qui cascadent par-dessus la clôture du voisin jusque sur la voie et porte l'une d'elles à son nez pour en saisir les fragrances. Une fois le bac vidé, il la prélève avec sa main gantée, saute sur le marche pied et tient le trophée près de ses deux narines jusqu'à la halte suivante... Pour lui, un "petit rien somptueux"..."
Quant à Cécile Coulon, non seulement je me suis fait à son noir volcan, mais je me l'approprie toujours davantage, au point qu'en citer çà et là des vers me ravit autant que certains autres passages. Nouvel exemple:
" Ecrire un poème, c'est découper en soi un morceau de silence
Trempé de honte et d'inquiétude, puis on le fait sécher
Sur une branche longue et sur un fil tendu
Entre deux maisons hautes,
Le vent souffle dessus, le soleil l'entortille
Et quand il est bien sec on l'offre à ceux un vieillard qui savent
Que le poète est à la fois un vieillard et une jeune fille."
Ascension. Vive envie de décoller. De déployer en moi les ailes du papillon repliées. De gonfler la toile de la montgolfière qui git dans l'herbe mouillée.
La lumière inouïe qui embrase doucement le paysage invite à l'arrachement.
M'emmitoufler ce qu'il faut et m'installer dans la chaise longue, qui a passé la nuit dehors sous la pluie parce que je n'avais tout simplement pas la force de la ranger, pour assister à la lente illumination - son enluminure- du monde.
Moi qui ai beaucoup lu le biographe, le romancier et le nouvelliste, comment ai-je pu passer à côté de la place, la première, que Zweig accorde à la poésie?
La preuve: ce passage de ladite préface:
" Seuls ceux qui écrivent des vers peuvent comprendre le bonheur que l'on éprouve quand, privé de poèmes depuis des mois, on les entend à nouveau frapper à la porte de notre coeur.On n'aime rien tant que ses poèmes: ce sont les seuls textes dont on se prend parfois à rêver qu'ils soient achevés, qu'ils aient leur vie propre et qu'ils ne puissent plus mourir."