Pour les habitants de Crosby, petit ville côtière du Maine où tous se connaissent, Olive est la femme de Harry, le pharmacien si gentil, la mère de Christopher, qui après une jeunesse dépressive, s'est marié avec une harpie, s'est installé en Californie, puis est revenu à New York après son divorce (mais chuuuut, Olive n'en a pas parlé, de ce divorce) et la professeur de mathématiques crainte par ses élèves, qui retiennent parfois une phrase d'elle qui influence un tournant de leur vie.
Une héroïne pas franchement sympathique : "nul ne se souvenait avoir jamais vu Olive Ketteridge affable ou même polie" "toutes ces années, je crois que je ne t'ai jamais entendue demander pardon. Pour rien." Pourtant elle est capable d'écouter, d'aider, de se trouver là au bon moment.
Après tout, connaît-on ce que les autres pensent ou ressentent réellement? Connaît-on leur passé, leurs influences, leurs motivations?
(Par exemple elle quitte la maison de son fils, se fâchant avec lui, car elle ne peut avouer la raison pour laquelle elle désire s'en aller.)
Ce roman pourrait presque passer pour un recueil de nouvelles, le fil conducteur étant Olive Ketteridge, que l'on apprend à connaître dans la quarantaine, et surtout jusqu'à ce qu'elle devienne septuagénaire. Parfois elle ne passe qu'en ombre d'arrière plan. Comme dans un tableau impressionniste, les petites détails dessinent une vue d'ensemble de la vie à Crosby.
Elisabeth Strout suggère, n'impose pas, donne les informations au détour d'un paragraphe, au lecteur de découvrir. Elle ouvre des fenêtres sur des vies toutes simples qui frôlent le tragique ou y sont confrontées.
Je voulais tellement lire ce roman qu'après l'avoir raté chez ulike, je l'ai demandé deux fois en une semaine (d'où deux envois qui se sont télescopés) mais je savais que ce livre allait me plaire, et je ne me suis pas trompée.
Elisabeth Strout sait raconter des histoires avec subtilité et finesse, parfois drôlerie, sachant nous faire aimer ses personnages et émaillant les pages de jolies réflexions.
"Parce qu'on voit la vie différemment quand on a plus d'années derrière soi que devant."
"Ces jours-là - elle s'en souvenait- Henry la tenait par la main quand ils rentraient chez eux. Deux adultes dans la force de l'âge. Avaient-ils été conscients du bonheur paisible que ces moments recelaient? Sans doute que non. En général, les gens n'ont jamais assez conscience de vivre leur vie."
"Pourquoi être en colère contre un événement qui s'inscrit dans l'ordre naturel de la vie?(...) 'Les drames, ça arrive', avait-elle eu envie de lui dire. 'De quelle planète vous débarquez?' "
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