Précisément parce qu’il avait envie de disparaître, il faisait mine d’être insaisissable. C’était la technique qu’il avait fini par adopter pour parvenir à vivre.
“ – J’ai échoué?
Oui. Autant reconnaître ta défaite de bonne grâce.”
Il choqua son verre contre celui de Ryôsuke, qui y avait à peine trempé ses lèvres.
“Tu as échoué après t’être bravement battu. C’est un tournant. Trinquons!” (…)
“Echouer, c’est important”, reprit Hashi comme pour briser le silence.
Ryôsuke restait coi.
“Ne pas reconnaître sa défaite, c’est s’exposer à vivre en gardant des racines pourries. (…)
Tu sais, Ryôsuke, je crois que… Quand on est à un tournant de sa vie, qu’il s’agisse d’une défaite ou d’une victoire ne change pas grand-chose. Au contraire, la victoire est peut-être pire parce qu’elle ne nous ouvre pas les yeux. C’est une bonne chose que tu aies échoué.”
Il commençait à avoir la bouche pâteuse.
p. 258
- il ne faut pas craindre les compromis
- pourquoi ?
- parce que, comment dire, les perfectionnistes, les gens qui ne supportent pas les compromis, un beau jour, ils fichent tout en l’air, ils font table rase de tout. Ils finissent par se dire que s’ils ne peuvent vivre qu’à moitié, autant disparaître. Mais ce résultat est le plus bancal. Ryôsuke, j’essaie de me mettre à ta place. Quoi qu’on fasse, on finit tous dans notre vie ayant fait les choses à moitié. Ce n’est ni mal ni bien. Il faut apprendre à s’y faire. C’est mille fois mieux que de mettre fin à ses jours.
Ne pas reconnaître sa défaite, c'est s'exposer à vivre en gardant des racines pourries.
Si les habitants se liguaient contre lui, il ne tiendrait pas une journée. C'était ça, la vie sur une île.
Vivre sur une île... c'est devoir faire soi-même tout ce qu'on n'a pas besoin de savoir faire en ville, parce que quelqu'un d'autre s'en charge pour vous ; c'est dur. Le fondement de l'existence humaine est assez cruel.
Vivre sur une île... c'est devoir faire soi-même tout ce qu'on n'a pas besoin de savoir faire en ville, parce que quelqu'un d'autre s'en charge pour vous ; c'est dur. Le fondement de l'existence humaine est assez cruel.
Sans doute les chèvres ne pensaient-elles pas de la même façon que les humains, mais elles concevaient des petits, leur donnaient naissance et les élevaient, elles ne pouvaient être dépourvues de sentiments et d'entendement. (p. 270)
On est tous pareils. Quand on parle de nos rêves...on finit par se sentir obligés de les réaliser. On croit avoir échoué, sinon. Mais moi, je connais quelqu'un qui, à force de s'accrocher à son rêve, a fichu sa vie en l'air. Un rêve peut tout simplement en rester un, non ? (p. 182)
Tendances suicidaires.
Ces pulsions, il les avait déjà à l'adolescence. Il évitait donc tout ce qui pouvait le déstabiliser. Il simulait l'indifférence à la douleur et à la morosité, survivait en dressant des barrières invisibles entre les autres et lui. Précisément parce qu'il avait envie de disparaître, il faisait mine d'être insaisissable. c'était la technique qu'il avait fini par adopter pour parvenir à vivre. (p. 24-25)