Citations sur Le rêve de Ryôsuke (61)
Alors que le monde évolue sans cesse, pour moi, c'est au contraire comme s'il avait de moins en moins de réalité, comme si mes fondations étaient sapées. Je comprends ce que ressentait mon père. Parfois, l'envie me prend de disparaître comme lui. (p. 171)
Mais alors, comme arraché à la splendeur de la vue, il sentit une violente appréhension parcourir sa peau, s'immiscer sous son épiderme. Il se mit à haleter. Il réalisa qu'il était à flanc de falaise. Une chaîne était fixée dans la paroi. Rouillée, elle mesurait à peine cinq ou six mètres de long, et il s'y cramponna, paralysé. Un caillou se détacha de la muraille et tomba avec un petit claquement sec.
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Vous travaillez pour l'île, l'île vous accorde son soutien. Pendant la journée ce sera du travail de force, parfois dur. Et les gens d'ici ont du caractère, vous risquez de ne pas vous entendre avec tout le monde. Avant de péter un câble, venez me voir. Chez moi, le shôchû coule à flots. On boira ensemble le soir, à la bonne franquette.
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C'était une forêt de banians, la première que Ryôsuke voyait de sa vie. Une existence ininterrompue depuis un millier d'années, en symbiose avec les éléments. C'était l'éternité incarnée. (p. 129)
"Échouer, c'est important", reprit Hashi comme pour briser le silence.
Ryosuke restait coi.
"Ne pas reconnaître sa défaite, c'est s'exposer à vivre en gardant des racines pourries."
Mais Ryôsuke, à sa propre surprise, ne détestait pas ce travail basique : retourner la terre. Au contraire, une pelle entre les mains, il parvenait à s'oublier. Être épuisé au point de ne plus pouvoir mettre un pied devant l'autre, c'était toujours mieux que d'être le jouet de son instabilité intérieure. Il se disait même qu'il pourrait continuer à pelleter indéfiniment.
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« Qui étais-tu avant de te réincarner en chèvre ? »
Quelle idée idiote, songea-t-il.
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–«Echouer, c‘est important », reprit Hashi comme pour briser le silence.
Ryôsuke resta coi.
« ne pas reconnaître sa défaite, c’est s’exposer à vivre en gardant des racines pourries »
… Quand on est à un tournant de sa vie, qu’il s’agisse d’une défaite ou d’une victoire ne change pas grand-chose. Au contraire, la victoire est peut-être pire parce qu’elle ne nous ouvre pas les yeux. »
Une forme se dessina à la périphérie de son champ de vision. Il tourna la tête. Sur la paroi rocheuse, de l'autre côté de la chaîne, se tenait un animal au pelage blanc taché de noir.
La bête le regardait en silence. Et elle ne se contentait pas de le regarder. Perchée sur des rochers qui la jetteraient tout droit à la mer si elle dérapait, le corps penché pour garder son équilibre, elle s'approchait lentement de lui.
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Les nuages s'étaient déchirés après l'averse et le crépuscule ruisselait de lumière. Les goélands qui tournoyaient au-dessus de la digue, les hommes affairés sur les docks, tout était nimbé d'une auréole resplendissante.