Allmen avait appris à investir le peu d'argent dont il disposait pour entretenir sa réputation de solvabilité plutôt que son train de vie.
Allmen était un toxicomane de la lecture.
Il avait rapidement constaté que lire était la manière la plus simple, la plus efficace et la plus belle d'échapper à son environnement.
Le père d'Allmen manquait d'entregent, Allmen en avait trop.
L'homme était l'un des derniers clients du Viennois à commander "une écharpe", comme on appelait jadis le café au lait.
Mais dès sa jeunesse, pris d'un élan républicain, von Allmen avait renoncé au "von", lui conférant ainsi une signification qu'il n'avait jamais eue.
Il avait rapidement constaté que lire était la manière la plus simple, la plus efficace et la plus belle d'échapper à son environnement.
Avant l'opéra , Allmen buvait toujours deux margaritas . Elles le mettaient dans une humeur faite d'espoir , de bonheur et de circonspection . Il s'assit sur un tabouret et fit au barman un geste approbateur . Celui-ci lui rendit la pareille , enroula une serviette autour du shaker pour protéger ses mains du froid et se mit à secouer .Avec le rythme insaisissable qui constituait la moitié du secret
de ses cocktails légendaires .
Vous devez donc la vie à vos bretelles. Comment se sent-on dans ce cas-là, si je puis me permettre ? Vous les avez fait encadrer ?
Le plus souvent, Allmen parvenait à fermer les yeux sur les faits désagréables jusqu'à ce qu'ils disparaissent de sa conscience. Pas pour toujours, mais assez longtemps pour lui permettre de la meubler avec des faits agréables. Cette fois, il n'y parvint pas. Il devait utiliser la deuxième méthode dans l'ordre hiérarchique : garder l’œil ouvert et rester actif.
Il croyait que chaque livre avait son secret, ne fût-ce que la réponse à la question de savoir pourquoi il avait été écrit. Et c'est ce secret qu'il devait éventer. Pour être précis, Allmen n'avait donc pas d'addiction à la lecture - c'était un toxicomane du secret.