M. Stotz est un homme au crépuscule de sa vie qui vit dans sa grande maison bourgeoise, accompagné de Mariella, sa gouvernante et Roberto, son majordome. Ancien politique, entrepreneur, diplomate, influent, personnalité en vue, il a défrayé la chronique et le paysage médiatique durant toute sa vie professionnelle. Il engage comme secrétaire personnel Tom Elmer, un jeune homme fraîchement sorti des bancs de l'école de droit. Objectif : que Tom classe, range, ordonne les affaires personnels de son employeur avant son décès, et surtout, qu'il fasse perdurer la légende Stotz après celle-ci.
Très vite, un dialogue privilégié s'installe entre le vieil et le jeune homme. Ce dernier l'écoute raconter l'histoire de l'amour de sa vie, une certaine
Melody. Tom sent que tout un pan de la vérité lui échappe.
Petit-à-petit, il se met à enquêter sur le destin de cette femme.
Martin Suter propose ici un roman dont le suspense est savamment dosé. Somme toute, l'histoire est banale -un amour perdu-, cependant la façon de traiter ce sujet en est tout le contraire. le début est un peu poussif, mais l'auteur assume un roman lent, qui prend son temps, à l'image du vieil homme qui raconte la sienne à un rythme qui lui est propre et qu'il impose à Tom. Ce roman est un flâneur, comme le couple Tom/Laura qui se promène « au fil des lueurs du petit village portuaire ».
Ponctué de digressions, de chapitres consacrés à Tom, de scènes de libations délicates, le récit du véritable noeud de l'intrigue se laisse désirer. D'ailleurs, L'auteur n'hésite pas écorcher un peu lui-même son personnage, le définissant parfois comme « inintéressant ».
L'homme ne semble pas intéressant mais son histoire, si. Réalité ou fiction ? Mythomanie assumée ou édulcoration due à l'âge ? le lecteur, comme Tom, navigue quelque part entre les deux. Les témoignages des uns et des autres distillent ça et là suffisamment d'indices pour que Tom parvienne à cette question : son rôle ne serait-il pas de retrouver cette
Melody ?
Dès lors, le récit passe la seconde et s'emballe pour de bon. D'un bout à l'autre du monde, Tom part sur les traces de cette muse, charmée malgré lui à travers les paroles de M. Stotz. le lecteur n'a plus qu'une envie, avoir enfin le fin mot de l'histoire.
L'écriture est un hymne à la beauté, mots, vins, mets, tout y est finesse et délicatesse. Sarde in saor, gelato, dolce basyma, supia... L'auteur invite aussi à un voyage gustatif et sensoriel apaisant.
Petit bémol : de profondes thématiques parsèment le texte, comme le mariage mixte, la violence faite aux femmes, mais qui m'ont semblé survolées avec un peu trop de légèreté.
Bilan :
Excellente lecture ! Un roman où la lenteur et les joies de la vie sont appréciés à leur juste valeur.