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Avrom Sutzkever (Autre)Rachel Ertel (Traducteur)
EAN : 9782841625093
530 pages
Editions de l'Eclat (08/04/2021)
4.25/5   2 notes
Résumé :
L'œuvre ― comme la vie ― d'Avrom Sutzkever est exemplaire à plus d'un titre. Elle traverse le siècle et porte l'espoir paradoxal de la poésie qui, en plusieurs occasions, lui a littéralement sauvé la vie, quand, ayant dû traverser un champ de mines sous la neige dans la forêt de Narotch, il a accordé ses pas au rythme d'un poème récité à voix basse. C'est également avec la poésie qu'il affrontera la ville secrète des égouts de Wilno et la mort d'un enfan... >Voir plus
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critiques presse (1)
LeMonde
29 novembre 2021
Faire revivre les mots, ranimer les textes, est au cœur même de la démarche de Rachel Ertel. Celle d’enseigner, de faire connaître, de défendre, coûte que coûte, le yiddish et sa culture.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
ode à la colombe, III

feuille de papier – monument – en toi la colombe tresse son nid
feuille de papier, non pas le marbre, toi seule tu accueilles le rêveur.
ici parmi les échos primitifs, les formes enfouies dans l'argile,
j'assemble rimes et rythmes pour assouvir la faim de ma colombe.

soleil couchant en-chante la lampe, sous son éclairage magique
je bâtis avec les sons des os ensanglantés, un temple.
la parole restée inassouvie à jamais inaccomplie,
rougeoie le volcan de poésie scellé dans la profondeur du bronze.

avec ma plume je suis le chef de mon orchestre silencieux :
avec les gouttes de pluie descendent par le plafond des âmes.
mes paroles déplacent les cerises emmurées dans les arbres
elles affluent sur leurs queues pourpres pour vivre dans les mots.

un ver entre dans le temple. cette magie lui est étrangère.
les véritables cerises devenues paroles le réduisent en sable.
colombe, ma sœur, roucoule : ordonne la venue des cerises,
tu es la mesure et le mesureur, héritier de visions disparues.


ode à la colombe (1955)

Traduit du yiddish par Rachel Ertel | p. 195
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poème du journal 1981

yehi*...

que soit poème l'extrémité mourante d'un arc-en-ciel
une unique fourmi, perdue dans le désert,
la corne lunaire de l'éléphant né dans la jungle,
un crâne humain riant de lui-même – dans le miroir.

que soit poème une étoile morte pour laquelle
personne ne met une stèle de bois à l'endroit de sa chute,
une forme d'herbe dans l'immense aquarium vert
la bague dorée d'une fiancée aveugle.

yehi, que soit poème un poème jamais advenu
pour les vivants et pour ceux que les hommes nomment morts.
yehi, que soit la joie – la joie et l'allégresse seraient
yehi et pour un instant la douleur se ferait indolore.


Traduit du yiddish par Rachel Ertel | extrait, p. 372

yehi : « Que soit ». C'est la formule qui figure dans les premiers chapitres de la genèse, yehi-or : « que soit la lumière ».
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yiddish



dois-je commencer par le commencement ?
dois-je comme abraham,
en frère, briser les idoles ?
dois-je me faire traduire de mon vivant ?
dois-je planter ma langue
et attendre qu’elle se mue
en raisins secs et en amandes
de mes aïeuls ?
quelle pitrerie
et plaisanterie
prêche mon frère en poésie, il dit
que ma langue maternelle va bientôt disparaître.
dans cent ans nous serons encore là
à mener la discussion au bord du jourdain.
car une question va nous torturer, nous tarauder.
sait-il exactement où
la prière du rabbi de berditchev
le poème de yehoash
et de kulbak
volent vers le lieu de leur disparition –
qu’il m’indique au juste
vers où se dirige cette perdition ?
peut-être vers le mur des lamentations ?
si c’est le cas, j’irai, j’irai
j’ouvrirai ma bouche
comme la gueule d’un lion
embrasé de braises flamboyantes
pour avaler la langue qui disparaît,
l’avaler pour éveiller toute génération à mon hurlement.

                                                                                    (1948)


/traduits du yiddish par Rachel Ertel
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à jaffa
  
  
  
  
en bord de la mer gémissante de jaffa
où Jonas de lui-même s’est enfui comme un serpent,
je veux en une heure de détresse me fuir aussi
moi-même – mon ennemi charnel le plus proche –
à tarsis, non en ce lieu, mais vers des mots, des strophes.

je surmonte ma fuite en imagination
au bord de la mer gémissante — alors une vague
étranglée par les larmes qui scintillent une à une
m’avale en une lutte violente, impétueuse.

où suis-je ? quelqu’un entendra-t-il mon cri ?
la vague fend la mer et l’ouvre grande.
je m’engouffre dans son tombeau.
au lieu de fuir loin de moi j’ai fui vers moi.
et ceux dont je suis la bouche, – dernière
incandescence du charbon ardent qui les frappa –
me nourrissent de paroles, de strophes.


/Traduction du yiddish par Rachel Ertel
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III



j’écris mes lettres sans adresse à ceux
qui habitent maintenant sous des nuées,
sous des floraisons, cachés sous les cyprès.
j’écris mes lettres sans adresse.


ponctuelles, toutes les lettres arrivent
distribuées par un facteur cosmique,
il connaît les adresses, les numéros précis
où ceux d’antan gîtent hiver et été

ils me répondent, je reconnais l’écriture,
les lignes éclairs forent les tempes
qui battent de chaleur, je lis
ceux d’antan m’apportent la joie.

les nuits deviennent de plus en plus fines, fines,
comme les lettres qui m’attirent
vers ceux à qui j’écris sans adresse :
pour les remercier de me garder en mémoire

                    Extrait du cycle ‘Paroles labourées
                    par les lèvres’, 28 novembre 1994


/traduits du yiddish par Rachel Ertel
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