_Qu'attendez-vous de moi, alors? demanda-t-elle.
Matthew sourit une nouvelle fois, d'un air presque penaud.
_Je ne sais pas encore, dit-il. Je crois que j'aimerais que vous sachiez la vérité.
A la fin de la journée, une fois assis dans sa Fiat sur le parking de l'école, Matthew repensa à l'incident. Il imputa à Richard le regard qu'il avait porté sur Hilary et les pensées qui lui avaient traversé l'esprit. Il n'aurait jamais dû le recevoir la veille. Le fait qu'ils soient frères ne signifiait pas qu'ils devaient passer du temps ensemble. Ils n'avaient absolument rien commun.
C’était une vision insolite pour Hen, habituée aux concerts des artistes préférés de Lloyd, des groupes de rock garage pseudo-underground pour la plupart, rassemblant un un public masculin avec jeans, T-shirts noirs et bedaines de la quarantaine naissante, qui appréciait la musique debout, bras croisés.
Matthew, qui avait déjà envoyé un message à Mira pour l’informer qu’il avait pris un peu de retard, se carra sur sa chaise derrière son bureau et fit l’une des choses auxquelles il excellait. Il prêta l’oreille à une femme.
A l’époque où ils avaient commencé à sortir ensemble –quand c’était elle l’autre femme-, il lui avait dit un jour qu’il comptait avoir une relation avec une femme différente chaque année, afin de pouvoir aimer, ne plus aimer, puis aimer de nouveau, et ainsi de suite.
- C’est horrible, avait-elle commenté.
- Je sais, avait-il rétorqué. Je crois que je suis accro aux chagrins d’amour. J’ai besoin de ce genre de problèmes dans ma vie.
" C'est vrai, je suis d'une nature heureuse, je l'ai toujours été .
Mais il y a une différence entre ma personnalité et ce cerveau malade qui me répète régulièrement , au point de m'en convaincre parfois, que je suis une inutile qui ne mérite pas de vivre "
Elle avait eu le visage d’un témoin, et Matthew ne pouvait se départir de l’impression qu’à ce moment-là, elle avait vu clair en lui. Pas seulement les évènements présents, mais tout ce qui lui était arrivé depuis qu’il avait l’âge de se souvenir. Elle avait vu la monstruosité de son père, la grâce et la fragilité de sa mère. Elle avait vu son frère, Richard, transformé lui-même en monstre. Elle avait vu la porte qui s’était ouverte en Matthew la première fois qu’il avait regardé quelqu’un mourir ; elle avait assisté à son entrée dans un monde en couleur dont il n’avait pas soupçonné l’existence.
Hen n'est pas une salope, mais sa perspicacité va lui attirer des ennuis. J'ai l'impression de me trouver dans une barque en plein cœur d'une tempête. Il faut que j'accompagne le mouvement des vagues en attendant qu'elle passe.