La porte

En arrivant chez nous, Emerence me remit la laisse et attendit que je sois rentrée dans le jardin ; puis lentement, posément, comme si elle prêtait serment, murmura dans cette nuit virgilienne où se mêlaient réel et irréel que jamais elle n'oublierait ce que je venais de faire.

Aujourd'hui, je sais ce que j'ignorais alors, l'affection ne peut s'exprimer de manière apprise , canalisée, articulée, et je n'ai pas le droit d'en déterminer la forme à la place de quelqu'un d'autre.


Je la suivis des yeux, cherchant pourquoi elle tenait à moi alors que j'étais si différente d'elle.(....° je n'avais pas analysé à fond à quel point l'affection est un sentiment illogique, mortel, imprévisible...

L'homme de Néandertal a certainement appris à pleurer le jour où pour la première fois il a dû triompher tout seul à côté de l'aurochs rapporté de la chasse, sans personne avec qui partager les péripéties du combat, personne à qui montrer son butin ou ses blessures.

Aujourd'hui je sais ce que j'ignorais alors, l'affection ne peut s'exprimer de manière apprise, canalisée, articulée,et je n'ai pas le droit d'en déterminer la forme à la place de quelqu'un d'autre.

Dieu merci,c'est elle qui en avait parlé, alors je lui donnai les photos.Elle les regarda longtemps ,le visage dénué d'expression,je m'étais imaginé qu'elle serait émue ou rougirait, mais je ne sais pourquoi je croyais cela ,elle devait avoir chez elle un album plein de photos de l'enfant,est-ce que je savais ce que révélait la Cité interdite d'Emerence ?Ce n'était pas une mère qui regardait la photo encore moins une mère bouleversée qui voit brusquement ressurgir son passé, on aurait dit un soldat habitué à remporter toutes les batailles.( Page 173).

Je rêve rarement.Quand cela se produit,je me réveille en sursaut baignée de sueur.Alors je me rallonge,j'attends que mon coeur cesse de battre la chamade,puis je médite sur le pouvoir magique ,irrésistible de la nuit.( Page 7).

Apporter une nouvelle à Emerence? Elle savait tout.

On sait parfois par intuition quelle fleur pourrait être quelqu'un, s'il était né fleur. Elle ne serait certainement pas une rose : la rose, étalage presque impudique de carmin, n'est pas une fleur innocente. J'ai tout de suite senti que ce n'était pas la fleur d'Emerence, et pourtant je ne savais encore rien d'elle, encore moins quelle fleur elle eût été.

Elle était un exemple pour tout le monde, elle aidait chacun, la poche de son tablier amidonné livrait des bonbons enveloppés dans du papier, des mouchoirs de toile immaculée qui s’envolaient en bruissant comme des colombes, elle était la reine de la neige, la sécurité, la première cerise de l’été, la première châtaigne sortant de sa bogue à l’automne, les citrouilles resplendissantes de l’hiver, au printemps, le premier bourgeon de la haie : Emerence était pure, invulnérable. Elle était le meilleur de nous-mêmes, celle que nous aurions aimé être.

Derrière toute réussite se cache une personne invisible sans qui il n’est pas d’oeuvre possible.