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EAN : 9782312042299
412 pages
Les Editions du Net (04/03/2016)
5/5   4 notes
Résumé :
Ce dernier volet de la trilogie "Le murmure du figuier bleu" coïncide avec le retour de l'auteur dans son pays natal en tant que professeur d'université à Constantine, puis à Laghouat. Ce sera pour lui l'occasion de découvrir les beautés du Sud algérien.

Tout en réapprenant à vivre aux côtés des siens et dans des lieux familiers, le narrateur découvre peu à peu le décalage entre l'Algérie de son enfance et l'Algérie contemporaine qui est en train de s... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Ce livre est un ensemble de chroniques qui racontent le cheminement d'un humaniste à l'écoute de la nature, des êtres vivants et de leurs rêves.

C'est que lui-même semble rêver, toujours, malgré les difficultés, malgré la guerre civile.

Et ses rêves vont pratiquement tous se réaliser tellement il y croit, tellement il a l'art d'avancer sur les chemins de la bonté, de la beauté et de l'amour.

Et pourtant tout n'est pas facile, tout n'est pas évident lorsqu'il revient chez lui après la fin de ses études en France.

"L'Utopie des cigognes" commence en l'an 1989 pour se terminer en 1994 ; le livre est parsemé de lettres à Lydia, 48 lettres adressées à cette femme aimée dont la présence, même à distance, peuple le coeur et l'âme de l'auteur.

Il y a également des chansons dans ce texte : des poésies chantées en langue kabyle et en langue française.

Le lecteur est convié à de fréquentes pérégrinations : le narrateur se déplace fréquemment d'un endroit à l'autre : la Kabylie, Constantine, le grand sud algérien, Laghouat, El Goléa, Ghardaia, Grenoble, Paris, Alger, Vgayet et tant de cités et lieux dits.

Youcef Zirem, le Matin d'Algérie, 26 mars 2016
Lien : https://www.lematindz.net/ne..
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Voyage de Lydia en Algérie (décembre 1992)

A l’hôtel Cirta
penchée à la fenêtre de ma chambre
je regardais se découper dans le drap blanc de la rue
le traversin jaune des taxis
insoucieux de braver les profondeurs de la nuit

L’escarpement des routes me fit oublier
toute la foule reconnaissable cette après-midi encore
sans la housse blêmissante de la neige
J’étais aux confins d’un monde mort prête à m’enfuir
La neige la nuit et la neige semblables à un drapé
s’immobilisant à la pointe sonore de ma mémoire
marchaient pacifiquement

Hier Tiddis et sa terre rouge
Aujourd’hui Constantine toute en hermine
J’ignorais que couvaient déjà
les germes rouges et blancs de la révolte

Anéantissement sous un nuage de dômes
Cloaque d’espoirs éventrés
Minuteries chevrotantes
La douleur est vide de mots
La fin du monde
poussière lucide percée de clairvoyance
Qui orchestre la symphonie des portes qui se ferment
Dans la fureur des herbes glacées au petit matin
le dos de la fourmi cassée
la gerçure sanguinolente de l’archer du violoniste
À pas de loups quelqu’un s’en va
Où tendre sa main
étranglement au goulot d’un pont se brisant
Le mensonge se retourne sur les ruines de Tiddis

Sevrée d’une rencontre tardive
j’atteignis à Ghardaïa
l’exil étrange du fond de tes yeux
Dans le plus grand secret j’inventais
des raccourcis pour l’enfance
puis j’écrasais sous mon talon ce fruit vert
porté à nos lèvres gémellaires
La lumière abondante fuyait déjà usée de mots

J’ouvre ma chambre au balcon
Il n’y a personne dans les rues
Seulement une ligne de maisons
trouant le châle sombre de la nuit
Au bord d’un trottoir frissonne
quelque chose d’imperceptible
qui n’est ni du vent ni du sable
tirant ses forces de la vieillesse des dunes
Je penche la tête par-dessus la balustrade
On me frappe dans le dos
On me spolie de mon sang
Cou coupé vite reposé
Je rêve sans doute
Il n’y a personne dans les rues
Seulement la ligne impavide des maisons
sous le châle sombre de la nuit
Pour la première fois apeurée
je regarde mieux l’angle vide
les colonnes qu’on dit déloyales
Ombres délogez-vous
mais nul coupable n’est en vue dans ce coupe-gorge

J’ai rêvé sans doute dans cette ville encaissée dans la nuit
Mon rêve est une impasse.
L’enseigne de l’hôtel brûle
de toutes ses lumières incombustibles
Aucune clameur de haro ne sera à ce jour poussée
Mes hypothèses étaient toutes hasardées
En hâte je me coule dans mon lit
rapprochant les dunes mauves de Biskra
des draps tout frais blanchis des rues de Cirta

Toutes les villes des nations des provinces
des bords de mer ou des déserts
ont des points communs
Au besoin je les invente
Biskra la douce
Constantine la vertigineuse
Courbes tendres et hauteurs secrètes
Depuis que votre profondeur
horizontale et verticale m’enchante
je ne dors plus

De nouveau j’ouvre ma chambre au balcon
Dehors la nuit est avancée
Au bord d’un trottoir frissonne
l’imperceptible écho d’une présence
De nouveau je retire ma tête de la balustrade
le souffle haletant
De quoi ai-je peur
La nuit suit son cours rivée aux dunes
que je devine au loin après la gare
et son chassé-croisé de rails et d’oueds asséchés
dans ce désert que je visiterai un jour
où je n’aurai plus de délai
un jour où je n’aurai plus peur

Une feuille passe dans la rue à toute allure
comme si elle avait un train à prendre
Elle ne passe pas elle disparaît s’écrasant les côtes
contre le crépi des façades couvertes d’épines
Le monde soudain se fait plus dur
Un papier transparent comme l’aile d’une phalène
vole cette fois au ras de mon balcon
puis se perd à l’encoignure d’une autre rue
À ce moment précis j’ignore pourquoi
j’apprends que les hommes ne s’aiment pas
Ils marchent côte à côte
mur à mur
colorés d’une rougeur amère
qu’on prend pour le feu de la vie
À ce moment précis j’apprends pourquoi j’ai peur
Quand les hommes errent trop longtemps
ils coupent les racines de leur cerveau
ils entrent dans un livre qu’un autre qu’eux écrit
chiens perdus dans une histoire cynique
chiens miteux se mirant
dans une flaque flanquée d’une eau boueuse
Pendant que la brume noire des jours de la nuit
envahit les jardins les maisons les rues
ils se scindent de leur jeunesse
et ne savent plus où enterrer leur pas
Ils rentrent dans l’histoire à reculons
tremblant de tous leurs membres
Décharnés compagnons d’une route abandonnée
je vous suis fidèle

Sous la coupe fraîche et ténébreuse
de la forêt d’Akfadou
j’oubliais jusqu’au jour de ma naissance
Dans un lit qui recevait mon corps pour la dernière fois
je dormis comme si j’avais toujours dormi là
veillé par le souffle réconciliant d’ancêtres
que je n’ai jamais connus
Ce fut la première fois que la nuit innocenta
si parfaitement ce que révèle le jour
Ma seule nuit véritable me confortant dans l’idée
que toutes les nuits du monde travaillent
à la réfection des jours
à l’apaisement de tous ces maux s’accumulant
séculairement aux pieds de l’Histoire
détritus d’espérance refroidie
cendres d’incapacité haineuse
Mon intimité avec ce lit cette maison
cette longue forêt
mit en réserve tous mes sombres pressentiments
Aussi au moment de rouvrir les yeux
je préférais feindre de dormir
et poursuivre mes visions candides au-delà de leurs limites
comme un enfant faussement alité
l’enfant de cette terre qui voulait bien de moi
et de mes brûlantes fièvres
Quand il me fallut partir
tous les arbres de toutes les forêts
de tous les versants s’ouvrirent à contrecœur
Et si je ne pleurais pas c’est que j’ai encore de l’orgueil
de la trempe de ces montagnes

A Béjaïa j’appris que le voyage est un songe
que l’on poursuit les yeux tendus sur les limites de l’horizon
Je sus dans le murmure du vent
qui lisse les paroles de Yemma Gouraya
qu’il faut creuser en soi des choses regardées
le reflet inaltérable qui abreuve la vertu des secrets
qu’on ne comprend pas
Je consacrais le corset bleu et vert de la mer
croisée à la force sylvestre
comme le lieu de la plus belle des inhumations

La mer attache ses boucles à la corniche de Jijel
Je me rapproche de ce jour où je m’en irai
Déjà j’entrecroise dans mon esprit
les rails de Biskra les oueds asséchés
les dunes que j’aurais voulu nouer
aux caresses de mon désir
Déjà à moitié scindé de cette terre
les boucles qui se referment m’ensanglantent
C’est l’heure du saut dans le vide rêvé et mérité
l’entrée dans un monde sourd
soupirant d’ignorance

Une dernière fois penchée sur ses remparts de pierres
Cirta m’accueille à bras ouverts
et dans la multiplication de ses lumières
d’autres villes d’autres hameaux
illuminent mon voyage d’un lourd savoir
Sans me fier à la dureté de ses traits
je m’abandonne à elle entièrement aimante
soumise à ses gorges
à ses vertiges ténébreux
à la profondeur de ses berceaux
où dort à poings fermés le Rhumel
Demain je m’en irai
Là-bas de l’autre côté de la mer
un autre bilan m’attend
peut-être plus amer
J’emporterai avec moi un peu de cette musique mouillée
et dans l’ombre gardienne de ma mémoire
j’écouterai ces morceaux volés à sa pluie cachottière
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AU MILIEU DE CETTE VIOLENCE

Tu vas me prendre pour un fou, mais figure-toi que certains personnages que nous aimons me gratifient parfois d’une visite : Monsieur Teste, Jacques le fataliste, Alexis Zorba.

Ne ris pas. C’est vrai. Rien que tout à l’heure encore, j’ai pris un café avec Monsieur Teste. Et voici que je l’entends me redire ce qu’il a écrit dans son log-book :
‒ Soumets-toi tout entier à ton meilleur moment, à ton plus grand souvenir.
Puis il se tait longuement, si longuement que j’ai le temps de repenser à cet autrefois que je chéris comme le tendre oiseau bleu de ma vie. Les mésanges passent, les heures aussi. J’ignore l’heure qu’il est.

Teste m’effleure l’épaule. Sa voix basse de solitaire me récite douloureusement cette phrase :
‒ Ma solitude qui n’est que le manque, depuis beaucoup d’années, d’amis longuement, profondément vus…

Puis sa voix se brise, il disparaît, m’abandonnant à de bien sombres réflexions. Dehors, le jour baisse. Bientôt ce sera la nuit et je me coucherai. Demain, mes heures de cours m’accapareront. Je serai loin de tout cela et pourtant ce qui me paraît le plus vague et le plus inconsistant, ce sont précisément ces heures-là. étrange impression que le passé est plus réel que tout ce que je suis en train de vivre actuellement.

À peine commencé-je à enlever la tasse où Teste a posé ses lèvres que je découvre, exactement à la même place, un homme étrange, à l’œil pétillant de malice. Il n’y a pas de Santouri ce soir, dit-il en caressant le tissu qui recouvre l’objet volumineux sur ses genoux. Et voilà qu’il entame une longue conversation sur l’amour, la haine, le hasard, la poterie, Dieu… Puis un long silence s’écoule sans qu’il souffle mot.

‒ Ah ! mon pauvre vieux ! Ils sont tombés bien bas, les hommes, pouah ! Ils ont laissé leurs corps muets et ils ne parlent qu’avec la bouche. Mais qu’est-ce que tu veux qu’elle dise, la bouche ? Qu’est-ce qu’elle peut dire ?
À ce moment-là, j’ai cru qu’il allait se lever pour danser. Mais non. Il continua à caresser son instrument en répétant de temps à autre : On ne va pas se mettre à faire des phrases !

Le clou de mon vendredi a été ma rencontre avec Jacques le fataliste. En personne. Tout de suite il s’est mis à me parler du Grand Rouleau qui conduit le destin des hommes, mais dont nous ignorons tout.
‒ Pourquoi aller au petit pas… C’est que faute de savoir ce qui est écrit là-haut, on ne sait ni ce qu’on veut, ni ce qu’on fait, et qu’on suit sa fantaisie qu’on appelle raison, ou sa raison qui n’est souvent qu’une dangereuse fantaisie qui tourne tantôt bien tantôt mal.

J’ai voulu qu’il m’explique pourquoi on l’appelle Jacques le fataliste. Depuis longtemps j’entendais dire autour de moi que la fatalité va de pair avec une certaine passivité. À maintes reprises, Jacques avait prouvé son courage dans des situations bien périlleuses.

J’attendais une réponse. Il a commencé à me raconter ses amours, puis, en beau milieu de son histoire :
‒ Il est temps pour moi de partir. Mon maître doit déjà s’inquiéter. C’est qu’il est seul ; personne pour lui tenir compagnie…
Et il a disparu comme il était venu…
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Jijel, jeudi 06 janvier 1994

Beauté mature et profonde du littoral.

Eclat sombre et mystérieux de la houle.

Les vagues s’impriment sur le parchemin de la mer avec des teintes graves et tranchantes.


ça se voit que l’hiver est passé par là, s’attarde, ravaude ciel et terre.

Et dans cet immense miroir qui vibre et s’agite, c’est tout notre pays qui se reflète.

Impétueux défilé des véhicules militaires…

Démarche abîmée des passants qui se pressent d’une manière confuse…
Jours désordonnés…

Au milieu du fracas des vagues hurlent les sirènes, éclatent les détonations d’armes automatiques.

J’aimerais bien t’écrire d’autres mots, ma chérie, mais ici tout a tellement changé…

Plus rien n’est comme à l’époque de ton voyage.

Oui, hélas, nous traversons une situation aussi indescriptible qu’incompréhensible.

Les mots m’échappent comme le vent…

Le vent du large qui amène des relents de liberté. Des relents fallacieux.

Tu te souviens de Jijel, cette charmante ville que nous avons traversée ensemble il y a deux ans déjà ?

En la quittant, tu avais dit : "il ne semble pas qu’ici il faille se donner beaucoup de peine pour être heureux".

Mais ce vent qui file à toute allure le long de l’avenue…
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Vidéo de Idir Tas
Premier volet de mon tryptique autobiographique, "Le murmure du figuier bleu" couvre les deux périodes : 1. Akfadou [1962 – 1972] 2. Constantine [1972 – 1983]
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L'Etoile des neiges, Idir Tas

L'histoire de ce récit se déroule

À Alger
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