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EAN : 9782130482512
320 pages
Presses Universitaires de France (01/03/1999)
3.5/5   1 notes
Résumé :
La Liberté des Modernes rassemble une sélection des articles les plus importants de Charles Taylor, publiés de 1971 à 1985, enrichie d'un chapitre inédit, "la conduite d'une vie et le moment du bien". Le lecteur francophone dispose ainsi, pour la première fois, d'une vue d'ensemble sur la pensée de Taylor, précédée d'une présentation générale de son oeuvre par Philippe de Lara.
Taylor est sans doute le plus européen des philosophes nord-américains.
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La liberté des modernes compte neuf essais de Charles Taylor, dont huit ont été écrits entre 1971 et 1985 ; le neuvième a été composé pour enrichir cet ouvrage. Le titre peut induire en erreur car Taylor est loin d'être l'apologiste de la lecture libérale de la modernité. Sa réflexion est plutôt une critique nuancée des lectures étroites de "la liberté des modernes".
Le projet de C. Taylor, qualifié d'« anthropologie philosophique », est d'assumer l'individualité moderne tout en exposant les limites d'une telle conception, notamment sa faiblesse à rendre compte de la nature du sujet et de son action dans le monde. C. Taylor veut dépasser les réfutations d'un individualisme béatement abstrait (universalisme) ou d'un individualisme extrêmement particularisé (atomisme), afin d'offrir une vision sociale plus étoffée de la subjectivité. Cet ouvrage, qui comprend un avant-propos de l'auteur et une brève bibliographie de son oeuvre, est divisé en trois sections.

La première section, « Le langage de l'humanité », pose les fondements de la lecture que fait C. Taylor de la modernité. Son propos passe par les théories du langage, l'histoire intellectuelle et les travaux phénoménologiques dans le but d'exposer la nature expressive de l'action humaine et du sujet moderne. Cette conception de la modernité aspire à compléter les vues partielles des théories strictement objectivistes du langage, de l'action ou de la raison instrumentale. L'expressivité n'est pas le substitut, mais plutôt le complément longtemps réprimé de la rationalité moderne. C. Taylor souligne d'abord toute l'importance de l'expression à partir d'un examen de l'histoire de la théorie du langage et de sa prédilection objectiviste. Il discute des problèmes reliés aux théories désignatives du langage, soit leur tendance objectiviste. Il veut mettre en valeur les théories expressivistes qui furent cachées par les développements scientifiques de la modernité.
Le deuxième chapitre, nettement plus analytique, s'attarde à définir la notion d'expression. Selon Taylor, nous devons chercher l'expression véritable qui est plus authentique et plus profonde, puisqu'elle est liée aux désirs du sujet agissant. Il montre plus loin, en ayant recours à Hegel, que la philosophie de l'action comporte à la fois une dimension effective et une dimension expressive bien que l'on privilégie actuellement la première. Les récentes théories objectives de l'action ou celles, plus anciennes, de la raison instrumentale méconnaissent l'importance et la nature du sujet.
Au chapitre 4, C. Taylor traite la question de l'agir incarné et montre les insuffisances d'une argumentation, dite transcendantale, partagée par Kant et les phénoménologues. L'auteur veut indiquer les bienfaits de sa théorie de l'expressivité, selon laquelle l'agent est incarné, c'est-à-dire « engagé dans le monde ». Les arguments transcendantaux peuvent être validés à la condition qu'ils explicitent leur raisonnement. Il faut passer des descriptions sommaires à des descriptions plus riches au moyen « du langage de l'explicitation fondamentale du comportement humain ». C. Taylor considère l'expression comme une caractéristique fondamentale de la nature humaine, puisqu'elle exprime justement notre subjectivité, notre capacité à formuler des distinctions qualitatives entre des fins vitales et des actions triviales.

La deuxième section, « Les sciences humaines comme pratique », est une discussion sur l'épistémologie des sciences sociales. C. Taylor critique les erreurs de la vision dominante, naturaliste, tout en proposant sa conception interprétative des sciences humaines. Il est moins concerné par l'expression, antérieurement développée, que par le problème de la signification ou du sens. L'objectif est d'éviter la « déformation épistémologique » d'une connaissance purement empirique de la réalité sociale, c'est-à-dire calquée sur le modèle des sciences naturelles. La conception empirique est devenue l'orthodoxie en sciences humaines, notamment en science politique. L'obligation de vérifier, ou même de prédire, conduit à n'admettre que les données brutes, « objectives » ou « neutres » et évacue la possibilité d'interpréter la réalité sociale en tant que pratique. Il existe, pour C. Taylor, une symbiose entre le langage et la réalité sociale. L'auteur croit à la fécondité des sciences humaines herméneutiques pour comprendre la crise profonde du sens et la diversité des pratiques humaines, sans pour autant sombrer dans l'ethnocentrisme. Les sciences sociales « prédictives », en empruntant l'ontologie naturaliste, minent la possibilité d'une compréhension adéquate de l'agent, c'est-à-dire du sujet « autodéfinissant » engagé dans des pratiques. La conception herméneutique des sciences humaines préconisée par C. Taylor se distingue du modèle des sciences de la nature et des thèses de « l'incorrigibilité ». Elle évite deux erreurs fatidiques : la première, celle de réprimer la subjectivité en se cantonnant dans le langage scientifique « neutre » ; la seconde, l'erreur ethnocentriste, qui consiste à comprendre les autres cultures à partir de ses propres références ou catégories. L'herméneutique est sauve de cet ethnocentrisme déformant, mais doit se prémunir contre un « relativisme débilitant » qui rend la critique impossible. La compréhension mutuelle, dit C. Taylor, est rendue possible par « un langage de clarification des contrastes » ni neutre ni déformant.

La dernière section prend la forme d'une discussion générale sur les rapports qu'entretiennent droit et morale dans les théories philosophiques récentes. C. Taylor veut réhabiliter une conception du bien qui rende compte de la nature sociale de l'être humain et de la diversité des biens qui s'offrent à celui-ci dans ses choix éthiques. Selon lui, les théories les plus soutenues actuellement ne sont pas forcément les plus appropriées. Il leur reproche leur refus de reconnaître que la liberté individuelle dépend d'une civilisation, d'une société ou d'une culture qui valorise cet idéal de liberté. L'être humain est en devenir et ne peut développer ses capacités humaines en dehors d'une cité qui reconnaît de telles obligations comme un bien. C. Taylor mène une attaque en force contre les utilitaristes et les anarchistes, mais aussi contre les thèses libérales et procédurales. Il apporte ainsi un éclairage sur les conditions sociales de la liberté, ce qui remet en cause la conception atomiste qui accorde une primauté absolue aux droits individuels. La polémique entre les tenants de la liberté négative (absence d'entraves externes pour l'individu) et la liberté positive (autogouvernement collectif) aboutit aussi à des impasses. Les négativistes tendent à se couper eux-mêmes des bienfaits de la liberté positive, notamment de sa vision sociale. Récusant les formes totalitaires de liberté positive, C. Taylor montre dans quelle mesure et à quelle condition il est possible de dépasser la liberté négative, tout en conservant ce qu'elle a de plus précieux. le texte inédit pose le problème de l'incommensurabilité, tel qu'il se présente à l'individu qui doit choisir entre des biens concurrents. La philosophie morale a pris un tournant juridique et procédural qui court-circuite ou récuse une réflexion sur le bien. Il ne faut pourtant pas ignorer les ressources philosophiques à notre disposition, notamment celle qui consiste à affiner, expliciter et même parfois à renverser nos intuitions morales. L'auteur veut montrer que « l'intuition de la diversité des biens doit être équilibrée par celle de l'unité d'une vie » éthique.
L'intérêt de cet ouvrage tient à ce qu'il permet au lecteur francophone de parcourir l'oeuvre de C. Taylor, dont la plupart des textes n'ont pas été traduits en français. le néophyte en philosophie trouvera la lecture de ce livre un peu ardue. le lecteur plus averti peut à nouveau prendre connaissance de toute la gamme des thématiques constituantes de sa réflexion philosophique : théorie du langage, philosophie morale, épistémologie des sciences sociales, pensée politique, théorie de la connaissance et de l'action, etc.
Cet ouvrage nous invite à interroger la tradition du présent, à découvrir ce qui était en filigrane et à puiser aux sources pour comprendre le sens de nos théorisations actuelles. La critique de l'individualisme ne donne pas raison à un collectivisme totalitaire, mais cherche à nuancer la lecture trop unidimensionnelle que nous faisons de la modernité, celle-ci étant bâtie sur les idéaux d'une construction individuelle du monde.
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Vidéo de Charles Taylor
Sous le déluge d'acier qui ravage Kiev, du fond de la cave qui lui sert d'abri, Constantin Sigov, l'un des plus grands philosophes ukrainiens d'aujourd'hui, connu pour avoir enseigné à La Sorbonne, écrit une lettre à ses amis français. Il dit la réalité au jour au jour de l'effroyable guerre que Vladimir Poutine inflige au peuple d'Ukraine. Il raconte le courage des résistants qui prennent les armes pour défendre la liberté. Il explique les non-dits de ce conflit fratricide au coeur du Vieux-Continent. Il éclaire sa signification pour l'avenir de l'Europe. Sa lettre représente le plus puissant des appels à la mobilisation de toutes les femmes et de tous les hommes qui ne peuvent se résoudre à la victoire du Mal radical.
Le philosophe ukrainien Constantin Sigov, qui dirige le Centre européen à l'Université Mohyla de Kiev, a été directeur d'études associé à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) à Paris de 1992 à 1995. Il a contribué à l'établissement du Vocabuaire européen des philosophies (Paris, Seuil/Le Robert, 2004) et a fondé à Kiev la maison d'édition Duh i litera (L'Esprit et la lettre), qui a publié des traductions ukrainiennes faisant autorité de grands penseurs comme Montaigne, Descartes, Pascal, Paul Ricoeur, Emmanuel Levinas et François Furet. Ami de Paul Ricoeur et de Charles Taylor, il les a accueillis à l'Université de Kiev. Pour son inlassable activité de bâtisseur de ponts entre les cultures, Constantin Sigov a été décoré par la France au grade d'officier de l'Ordre des Palmes académiques. En 2014, il a soutenu la Révolution du Maïdan, dont il a été une grande voix. Son oeuvre personnelle de penseur, qui occupe une place majeure dans le monde slave, rencontre un vif écho international.
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