Citations sur Oncle Vania (56)
Depuis vingt-cinq ans, il professe et écrit ce que les gens intelligents savent, et ce qui n’intéresse pas les imbéciles ; c’est-à-dire que, depuis vingt-cinq ans, il transvase du vide.
Ca va de travers dans cette maison. Votre mère déteste tout, excepté ses brochures et le professeur ; le professeur est sur les nefs, il ne me fais pas confiance, il a peur de vous ; Sonia en veut à son père, m’en veut à moi, et ne me parle plus depuis déjà deux semaines ; vous détestez mon mari et méprisez ouvertement votre mère ; moi, je suis sur les nerfs, et, aujourd’hui, j’ai failli pleurer une bonne vingtaine de fois… Ca va de travers dans cette maison.
VOÏNITSKI : L'âge n'a rien à y voir. Faute de vraie vie, on vit de mirages. C'est toujours mieux que rien. ( page 44)
Astrov
-Baste ! me voilà dégrisé. Vous voyez, je suis sobre, et je le resterai jusqu’à la fin de mes jours. (il consulte sa montre) Donc,je continue. Comme je vous l’ai dit : mon temps est fini ; il est trop tard pour moi...J’ai vieilli, je me suis surmené, je deviens vulgaire ; mes sentiments se sont émoussés,
et je me crois incapable d’un attachement quelconque... Je n’aime personne...et je ne pourrai plus aimer.Seule la beauté m’émeut encore. Elle seule ne me laisse pas indifférent.Il me semble que si Elena Andréevna en avait envie, elle pourrait me faire perdre la tête en un seul jour. Mais ce
ne serait pas de l’amour, ce ne serait pas un attachement...
Il tressaille et se cache les yeux de la main.
Sonia,retenant sa main
-non, je vous en prie, je vous en supplie, ne buvez plus !
Astrov
-Pourquoi ?
Sonia
-Cela ne vous va pas du tout ! Vous avez de la distinction, une voix si douce... Et de tous ceux que je connais, vous êtes certainement le plus beau. Pourquoi voulez-vous ressembler à ces gens ordinaires qui ne ont que boire et jouer aux cartes ?Oh ! ne le faites pas, je vous en supplie !Vous dites vous-mêmes qu’au lieu de créer,les hommes ne savent que détruire ce que le ciel leur a donné.alors, pourquoi,pourquoi vous détruire vous-même ?il ne faut pas, je vous en prie, je vous en conjure !
Astrov,lui tendant la main
-Je ne boirai plus.
ASTROV : Avant je pensais que les types déséquilibrés étaient malades. Maintenant je pense que le déséquilibre est l'état normal de l'Homme. Tu es parfaitement normal.
ELÈNA ANDRÉÏEVNA. – Il y a un mauvais sort dans cette maison. Votre mère, hormis ses brochures et le professeur, déteste tout au monde. Le professeur est irrité, il ne se fie pas à moi, a peur de vous ; Sonia se fâche contre son père, contre moi, et ne me parle pas depuis deux semaines. Vous haïssez mon mari, et méprisez ouvertement votre mère. Je suis agacée, et j’ai été prête à pleurer aujourd’hui, vingt fois. Il y a un mauvais sort dans cette maison.
VOÏNITSKI. – Ne faisons pas de philosophie !
ELÈNA ANDRÉÏEVNA. – Ivan Pétrovitch, vous êtes instruit, intelligent ; vous devriez, il semble, comprendre que ce qui perd le monde, ce ne sont pas les criminels ou les incendies, mais la haine, l’inimitié, les menus désagréments de chaque jour. Votre rôle serait de concilier tout le monde et de ne pas grogner.
VOÏNITSKI. – Oh ! oui, j’étais une personnalité éclairée !… Mais ma lumière n’éclairait personne. (Une pause.) Personnalité éclairée ! On ne peut se moquer de moi d’une façon plus caustique ! Maintenant, j’ai quarante-sept ans. Tout comme vous, j’ai tâché, jusqu’à l’année passée, d’embuer mes yeux de votre scolastique pour ne pas voir la vraie vie… et je croyais bien faire. Mais à présent, si vous saviez !… Je ne dors pas les nuits, de la colère et du dépit que j’ai d’avoir si bêtement perdu mon temps, lorsque je pouvais avoir tout ce que me refuse aujourd’hui la vieillesse !
Ce ne sont ni les brigands ni les incendies qui détruisent le monde, mais la haine, l'hostilité, les petites intrigues...
En Russie, un homme de talent ne peut pas être irréprochable.