Je ne quitterai pas cette vie avant d'avoir vécu une expérience qui, à elle seule, comme si elle était un arbre, concentre tous les fruits de la vie vagabonde : la liberté, la solitude, la lenteur, l'émerveillement, la méfiance envers l'humanisme béat...
Pour bien vagabonder, il faut peu de choses : un terrain propice et un état d'esprit juste, mélange d'humeur joyeuse et de détestation envers l'ordre établi.
Le voyageur décide de tout : de ses actes comme de ses objectifs. Il est maître à bord de son voyage. Il pilote une troïka composée de son corps, de son âme et de son esprit. Sa volonté est le fouet de son attelage.
Pour le marcheur au long cours, l'écriture est le plus intense moment d'apaisement. Le point d'orgue posé sur la portée du jour. Les muscles se reposent sur le cahier. L'esprit se réfugie dans l'agréable fouille de la mémoire.
Antique pratique que cette double lecture du monde consistant à féconder du regard les choses qui reposent sous nos yeux.
Il n'a pas besoin de converser : il possède ses poèmes et le chant du monde. Il a d'autres rendez-vous : avec la beauté des forêts, avec le soupir du marais, avec le vol des insectes et le ressac des mers. Et ces rendez-vous-là sont offerts à la solitude, fidèle amante du voyageur
"L'homme se distingue des autres animaux surtout en ceci : il est le seul qui maltraite sa femelle, m"fait dont ni les loups ni les lâches coyotes ne se rendent coupables, ni même le chien dégénéré par la domestication"
Voyager, ce n'est pas choisir les ordres, c'est faire entrer l'ordre en soi.