AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,31

sur 18 notes
5
6 avis
4
6 avis
3
0 avis
2
0 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 4 étoiles  

Dans nos bibliothèques et librairies les oeuvres d'auteur-e-s de la lointaine Moldavie sont rarissimes et devraient donc susciter notre curiosité. Ce livre répond à ce souci avec succès, puisqu'il a obtenu l'année dernière le prix de l'Union européenne de littérature. Ce prix a le considérable avantage de stimuler des traductions de livres qui autrement, à cause de la langue dans laquelle ils ont été écrits et publiés, resteraient probablement inconnus en dehors de leur pays d'origine, comme "Le jardin de verre" publié en Moldavie et rédigé en Roumain.

Pour cette dernière langue, nous avons sur Babelio le grand privilège de bénéficier parmi nous de la grande expertise de "Tandarica" ou de Gabrielle Danoux, de son vrai nom et qui très souvent nous offre des critiques, toujours intéressantes, de livres qui nous auraient autrement échappé.

Tatiana Tibuleac est née en 1978 à Chisinau, la capitale de la Moldavie, où à l'université d'État elle a été diplômée en journalisme et communications. Elle a démarré sa carrière littéraire en 2014 avec un recueil de nouvelles "Fabule moderne" qui n'a pas encore été traduit en Français (mais dont le titre ne nécessite pour nous guère de traduction). Trois ans plus tard a suivi "L'été où maman a eu les yeux verts" qui a été traduit dans de nombreuses langues et en 2019 donc ce roman-ci.

Un bref mot sur le pays : la Moldavie a une superficie comparable à la Belgique, mais nettement moins d'habitants 3,5 millions. Jusqu'en 1991 la Moldavie a été une république soviétique que de nombreux Moldaves ont fui pour chercher leur bonheur plus à l'ouest. C'est un des pays les plus pauvres d'Europe, ce qui explique peut-être l'influence importante actuellement des slavophiles. Au musée national à Chisinau, la louve romaine a été dérobée en tant que symbole latin. Les voisins ukrainiens y vont faire leurs courses à cause du niveau très bas des prix. le sinistre président Igor Dodon veut dénoncer l'accord avec l'UE pour le remplacer par une union douanière avec la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan ! Dodon est bien sûr une marionnette de Poutine, qui pratique son jeu habituel avec ses voisins !

Le début du roman surprend le lecteur non averti, à cause de l'environnement, Chisinau ne ressemble en rien à Paris, Marseille, Lyon ou Bruxelles et à cause de l'héroïne qui n'a que 7 ans et voit cet environnement avec des yeux de gosse de là-bas, ce qui pour le lecteur occidental ne simplifie nullement les données.

En plus, il y a plein de mots et d'expressions russes, qui bien que très soigneusement expliqués en notes de bas de pages ne contribue pas exactement à faciliter non plus la compréhension.

L'imagination, le style et le langage de Tatiana Tibuleac sont cependant tellement riches et poétiques que l'on prend volontiers ces petits inconvénients en patience,

La petite gamine de 7 ans, surnommée Lastotchka, Russe pour hirondelle, se trouve, tout au début du recit, adoptée dans un orphelinat par Tamara Pavlovna, qui gagne sa vie comme ramasseuse de bouteilles de verres. Cette occupation plutôt insolite ne l'empêche aucunement de prendre soin de notre Lastotchka.

Pavlovna veux que notre petite hirondelle apprenne pour son avenir le Russe, mais la môme préfère son Moldave. le Modave et le Roumain est en fait la même langue, mais était jusqu'en 1989 écrit en lettres cyrilliques. J'ignore si Tamara Pavlovna est slavophile comme son triste président ou si elle estime que ses possibilités professionnelles seront beaucoup plus larges si la gosse maîtrise la langue de Pouchkine et Dostoïevski.

D'où elles habitent, en haut de leur immeuble, elles ont à travers la fenêtre une vue panoramique de la grande cour où vivent les autres locataires. C'est cette réalité qui explique le titre du roman : "Le jardin de verre".
Et dans ce jardin habite une communauté colorée : il y a Zakhar Antonovitch avec sa seule main toujours appuyée sur sa médaille de guerre, mais c'est un amour de vieillard qui a toujours des bonbons dans ses poches. Il y a Chourotchka que tout le monde aime et qui aime tout le monde. Et l'auteure de conclure : "La cour de tout immeuble a besoin de quelqu'un pour aimer le cheptel qui l'habite."

Après ce long confinement, Tatiana Tibuleac vous invite à un dépaysement peut-être pas excessivement exotique, mais ... spécial et littéraire !
Commenter  J’apprécie          717
L'invasion de l'Ukraine a sorti de l'ombre sa voisine la Moldavie, ainsi que la Transnistrie sa région séparatiste pro-russe.
Qu'ont été ici les années Gorbatchev, la perestroïka et la glasnost, puis l'éclatement de l'URSS et l'heure de l'indépendance ?
Nous sommes à Chișinău pendant ces années-là.
Tamara Pavlovna, ramasseuse de bouteilles, "achète" pour l'aider une enfant à l'orphelinat : Lastotchka, l'hirondelle. Tamara est avare d'affection, mais veut du bien à cette enfant, elle a de l'ambition pour elle.
C'est la voix de Lastotchka qui raconte.
C'est l'écriture délicate d'une petite fille qui observe, qui s'interroge ("Pourquoi tu m'as choisie moi ?")
C'est le petit monde de cette cour de Chișinău, les voisins et voisines qui ont leur propre histoire, illustrant toutes les facettes des violences sexistes, des horreurs de la guerre, des espoirs d'avenir.
C'est l'affirmation d'une culture nationale, avec la langue moldave que parle Lastotchka, et son apprentissage difficile du russe qu'elle aime, mais qui devient le symbole de l'oppression.
C'est également un tour de force du traducteur Philippe Loubière, qui a fait des choix judicieux et a réduit au minimum les notes en bas de page, indispensables toutefois pour bien saisir le conflit entre les langues.

Challenge ABC 2023-2024
Challenge Globe-trotter (Moldavie)
Commenter  J’apprécie          344
J'ai eu envie de faire connaissance avec Tatiana Tibuleac, attirée par la magnifique peinture de Lulia Schiopu mais aussi pour découvrir un peu la littérature moldave. Je ne le regrette pas car c'est un très beau livre mais dont je suis certaine de n'avoir pas été capable de tout percevoir. le style d'écriture m'a parfois déroutée car il n'y a pas de linéarité, la narratrice parle parfois en tant qu'enfant,puis adulte. S'adresse à ses parents inconnus ou est dans l'introspection. Mais j'ai aussi parfois été émerveillée par sa poésie. L'histoire nous raconte la quête identitaire de cette petite fille abandonnée par ses parents et recueillie par Pavlona,une femme dure qui va l'entraîner avec elle au ramassage de bouteilles de verre afin d'amasser " des sous" pour plus tard. Ce besoin d'accumuler en vivant chichement est une obsession. le bonheur n'est pas permis au présent,il doit d'amasser pour un jour être vu, étalé et englouti avec ostentation. La folie finit par habiter entièrement cette femme. le parcours de Lastotchka est constitué de souffrance. le récit n'en délivre que des indices,des morceaux dans le désordre, comme des éclats de verre. La quête identitaire de cette enfant est en miroir de celle du pays et je n'ai pas tout saisi du contexte géo politique de cette époque qui imprègne profondément l'histoire. J'ai porté la lourdeur,la honte,la culpabilité de Lastotchka tout au long de ma lecture comme un poid mort,car il n'y a pas de tendresse,pas d'amour,pas de lumière,juste de la solitude et de la souffrance. Tous les conflits intérieurs de Lastotchka se traduisent par sa lutte perpétuelle avec la langue qui lui est permise d'utiliser au gré des mutations sociales et politiques,sa langue maternelle,le russe, le roumain....un livre qui marque par sa profondeur . Je pense que la traduction a dû être un exercice très complexe !
Commenter  J’apprécie          272
Roman recommandé par une de mes bibliothécaires, j'ai de suite été séduite par la première de couverture.

Cette image reflète assez bien ce qu'est Lastotchka, la partie supérieure du corps qui "fonctionne", et la partie inférieure qu'elle tente d'oublier, salie à plus d'une reprise.

Il m'a été parfois difficile de suivre le cheminement de l'auteure, qui passe d'un présent à un passé, mais souvent ceci explique cela.

Lastotchka, partagée entre deux langues, si pas trois, qui cherche son identité, qui oscille entre toutes.
Ce roman inclut beaucoup de phrases en russe, et étant russe à l'origine, je me suis plue à retrouver certaines expressions !
La recherche d'identité est pour ma part la trame de ce livre. Comment intégrer une culture différente de la nôtre, comment survivre ou vivre ?

Bref, un livre empreint de beaucoup de poésie, d'âme slave et qui m'a laissé "scotchée" du début à la fin.
Commenter  J’apprécie          70
Lastotchka a sept ans lorsque Tamara, une femme russe ambitieuse, décide d'adopter la fillette moldave. D'un orphelinat où elle connait la violence et la misère, l'enfant devient alors ramasseuse de bouteilles vides pour quelques sous. Davantage exploitée qu'aimée, les épaules lacérées par le poids de sa tâche, Lastotchka tente de se construire entre deux langues, deux cultures et sans parents.

Une enfance rude, sans une once de tendresse,  mais entourée par les habitants de son quartier que l'on découvre tour à tour au gré de ces bribes éparses que nous conte Lastotchka.

«Je me serais collée à une lame de rasoir, si elle m'avait fait des caresses et jeté du pain. Derrière cette porte étroite et sale, un monde s'est ouvert devant moi. Je l'ai franchie sans y penser, avec la peur d'un enfant qui n'a vécu, jusqu'à présent, que de restes.»

J'ai été décontenancée au départ par les premières pages de ce récit, par ces multiples fragments aux temporalités difficiles à démêler. Mais, très vite, le flot des mots de la romancière moldave m'a transportée dans les rues de Chisinau et je me suis retrouvée happée par l'histoire douloureuse de cette enfant qui grandit seule, sans amour, par cette existence jonchée de questions, d'épreuves et de souffrances.

La plume se démarque par son authenticité, sa poésie, sa richesse.  Un roman noir, âpre, difficile à lâcher, avec une toile de fond politique et historique passionnante alors que la Moldavie est encore sous le joug soviétique.

C'est terriblement sombre, triste mais incroyablement beau. Une lecture forte, envoûtante, cruelle et troublante.
Lien : https://mesechappeeslivresqu..
Commenter  J’apprécie          60
Le jardin de verre, c'est le titre du roman de Tatiana Tibuleac, écrivaine moldave.
Ce sont les rayons du soleil jouant avec les verres des bouteilles qu'elle a ramassées et lavées qui transportent la fillette, par la magie de la lumière et du verre, dans un monde coloré, loin de son univers habituel. C'est ce qu'elle appelle son jardin de verre et celui-ci apporte dans la grisaille de sa vie un peu de couleurs. Pas étonnant que, la jeune fille, plus âgée, risque un jour sa vie pour ramasser un kaléidoscope tombé dans la rue, au milieu de la circulation.
Le roman se situe à Chisinau, capitale de la Moldavie soviétique, et court sur une dizaine d'années. On y voit le bouleversement (qui divise les habitants) apporté par Gorbachev à partir de 1985, la déclaration de l'indépendance moldave en 1991 et la narration se poursuit environ jusqu'en 1995.

Le récit est celui d'une enfant mais la voix de l'adulte qu'elle est devenue intervient aussi. Se mêlent alors le présent et le passé, sans aucun ordre chronologique, qui nous font entrer peu à peu dans la vie du personnage.
 
 Lastochka, surnom que lui a donné sa mère adoptive (hirondelle en russe) n'est pas née sous une bonne étoile. Elle a été adoptée ou plutôt « achetée » à l'orphelinat de Chisinau, capitale de la Moldavie, par Tamara Pavlovna, une vieille dame russe qui exerce le métier de « ramasseuse de bouteilles ». Cette adoption n'est pas une marque d'amour. Tamara veut une aide pour collecter les bouteilles afin de gagner plus d'argent. Son bonheur, c'est compter ses sous, non pour les dépenser, mais pour être riche. La fillette de sept ans travaille comme une adulte, de longues journées. Elle apprend le russe qui est la langue de Tamara et reçoit des coups si elle commet des erreurs. Plus tard quand elle est scolarisée, elle préfère suivre les cours à l'école moldave plutôt que russe. Elle apprend à se méfier des hommes, prédateurs sexuels, et peu à peu, par bribes, tout ce qu'elle a eu à subir depuis son enfance nous est révélé.
Nous partageons avec elle le quotidien des classes populaires, moldaves, russes, roumains, qui vivent dans des logements organisés autour d'une cour, lieu de rencontres, de jeux, de disputes ou vivent la fillette et sa mère adoptive.

J'ai beaucoup appris dans ce roman sur la Moldavie et j'ai eu même des surprises tant mon ignorance est grande. Je ne savais pas que la langue moldave était la même que la langue roumaine. Mais dans la période russe, la Moldavie soviétique a été contrainte d'employer l'alphabet cyrillique russe, puis après l'indépendance, les moldaves ont choisi de revenir à l'alphabet latin. D'où les difficultés de Lastochka pour apprendre sa langue maternelle.


La grande Histoire n'est pourtant pas le sujet du roman. Ce qui intéresse l'écrivaine c'est la petite histoire, au niveau des gens. Et en cela, le roman est réussi. Les portraits qu'elle brosse sont complexes : Tamara, par exemple n'est pas entièrement mauvaise d'où les sentiments ambivalents de rejet, d'amour et de pitié que peut éprouver Lastochka pour elle. Mais cette dernière est aussi très dure, cruelle, pleine de haine, façonnée par une enfance sans amour. Parfois, pourtant, le regard et les relations qu'elle noue avec les habitants de la cour qui sont des personnages riches, parfois émouvants, avec leurs faiblesses mais aussi leur générosité,  lui redonnent son humanité.
 Un roman bien écrit, dense et intéressant.

Lien : https://claudialucia-malibra..
Commenter  J’apprécie          20


Lecteurs (86) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3179 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}