Récit de
Tokarczuk bien ancré dans le réel avec une dimension religieuse certaine mais, modérée par une spiritualité philosophique et surtout onirique: un mélange de science, psychologie, d'alchimie, d'ésotérisme
Comme d'habitude avec
Tokarczuk on ne sait pas de quoi elle va nous parler et comme
Houellebecq qui est capable de broder sur des horaires de trains elle par contre va le faire sur des coordonnées de GPS….sur les champignons comme dans « ossements…. », sur les perruques et comme Ava Ólafsdóttir, sur des recettes (mais pas autant )
Elle parle par fragments d'histoires voire de couches d'histoires qui se superposent et/ou se suivent, des histoires des uns et des autres qui n'ont pas de liens entre eux mais cela n'altère pas la compréhension de la narration : tout se tient, tout est lié .
Pour nous perdre et pour commencer donc,
Tokarczuk s'empare de Sainte-Barbe, Kümmernis martyre médiévale, belle femme à barbe féministe mariée au Christ, une Conchita Wurtz à l'envers avec son double quelque peu transgenre Paschalis le moinillon qui rêvait d'être femme là se serait plutôt Billal Hassani donc
Tokarczuk introduit de la pansexualité : c'est dans l'air du temps Oui c'est compliqué à expliquer mais c'est du
Tokarczuk. Lisez-le ça passe très bien à la lecture et en fait c'est évident.
On retrouve les thèmes favoris de
Tokarczuk (On ne sais jamais où il faut mettre les «k» et les «c») la petite vieille engoncée dans un monde, le microcosme campagnard perdu, le temps arrêté vers la frontière tchèque, les chiennes de préférence aux chiens, les poivrots et poivrotes et toujours les champignons dont le néoboletus erythropus autrement dit le Bolet à pied rouge celui qui ressemble à une allumette
On retrouve les rêves chers à
Tokarczuk ici ceux de Khristyna dont l'amoureux rêvé est un «chuchoteur» dans son oreille … gauche
Les cauchemars de Franck Frost
Les crises d'éthylisme de Marek Marek déchiré par son monstrueux oiseau
Et même un loup garou
On retrouve les histoires naturelles: champignons, rhubarbe, dahlias, poularde et chapon de Marta
Les femmes fortes Kümmernis autrement dit Wilgeforte la « vierge forte », Marta, qui en araméen veut dire "maîtresse".
les positions planétaires et thèmes astrologiques, les étoiles au firmament.
Véritable festival d'images (paupières fardées à la poussière de charbon) et de phrases psychédéliques, d' idées originales comme le « fenouil cosmique » ou foeniculum vulgare assez différent du concombre masqué mais tout autant jubilatoire à fumer
Tokarczuk l'alchimiste «une auteure agréable à tous égard» comme aurait dit
Gogol un voisin ukrainien, a encore frappé et transmuté de simples mots en or.
Ses autres ouvrages sont excellents mais celui-ci, nous semble-t-il, est parfait