Elle vit son visage blême, sa joue gauche qui tremblait, et soudain elle eut honte. Elle tressaillit, prit sa pelisse et s'en enveloppa.
- Oui, j'avais mal... Je me suis refroidie.. Je
Il leva sur elle ses yeux brillants d'une lueur de joie paisible et dit:
- Pourquuoi, ma soeur, as-tu cherché à perdre ton âme qui est immortelle?
Il faut qu'il y ait des tentations en ce monde, mais malheur à celui qui les fait naître.
Elle l'écoutait en le regardant.
Tout à coup, elle entendit un liquide couler goutte à goutte.
Et elle vit que la soutane de l'ermite se teintait de sang.
Cet événement paraissait extraordinaire, inexplicable, pour qui n'en connaissait pas les raisons intimes. Mais pour le prince Stepan Kassatzky tout cela était arrivé si naturellement qu'il ne pouvait même se représenter comment il aurait pu agir autrement.
Que mon sort est étrange, extraordinaire! Je ne crois pas qu'il existe, parmi les malheureux persécutés qui souffrent de la violence et du luxe des riches, quelqu'un capable d'éprouver la centième partie de ce que m'inspirent maintenant toute l'injustice, la cruauté, l'horreur de cette violence, de cette moquerie des riches envers les pauvres, toute cette humiliation, toute cette oppression, toute cette misère de l'énorme majorité des hommes appartenant à la classe ouvrière.
Il n'y a pas de coupable
Le prince Kassatsky était riche, jeune et beau, quant à célèbre, c'était en bon chemin, et fréquentait les milieux les plus en vue de la capitale ; on sait qu'il était ambitieux, son amour-propre était démesuré, mais il se rendit compte que dans le monde huppé des amours en particulier, nouveau pour lui, il ne maîtrisait pas tout, la concurrence était soudainement rude et même s'il bravait toute résistance sur sa route avec brio, l'épreuve était salée : il n'était plus le premier comme il était habitué à l'être, et était bien décidé à le rester. On ne pouvait douter qu'il ne réussît pas. Alors pour atteindre cette couche supérieure de la société et combler ce manque, il prit le pari d'engager une liaison avec une femme du monde ..
Son plan tenait sauf qu'un évènement survint, un de plus qu'il s'apprêtait à surmonter, mais dont il ne soupçonnait nullement l'importance que ça allait revêtir dans sa propre vie :
" Kassatzky fit sa demande en mariage à une jeune fille d'une rare beauté, admise à la cour, la comtesse Korotkova, suffisamment bien placée pour qu'il atteigne le milieu supérieur qu'il convoitait. Il fut agréé. Il était étonné de la facilité avec laquelle il avait obtenu ce bonheur, et aussi de quelque chose de particulier , de bizarre, dans les rapports de la mère et de la fille. Il était très amoureux et aveuglé, ce qui l'empêcha d'apprendre ce que toute la ville connaissait, qu'un an auparavant sa fiancée était la maîtresse de l'empereur Nicolas.."(*)
(*) L'empereur Nicolas était la personne à qui il venait de prêter le serment de le servir de toutes ses forces
Oui, Dieu n'existe pas pour celui qui, comme moi, a vécu pour la gloire humaine.
...Moi j'ai vécu pour les hommes sous prétexte de vivre pour Dieu;...
Une seule bonne action,...est plus précieuse que tous les bienfaits que j'ai répandu sur les hommes...
Je viens de suite, dit-il. Et prenant la hache de la main droite, il plaça sur le billot l'index de la main gauche et abattit la hache en frappant le doigt au dessous de la deuxième phalange. Le doigt tranché net, se détacha plus facilement que du bois, et, en tombant se retourna, frappa contre le billot et roula sur le sol.
"OUI MAIS TOUT CELA ETAIT SOUILLE, ETOUFFE PAR LA GLOIRE HUMAINE.OUI DIEU N'EXISTE PAS POUR CELUI QUI,COMME MOI,A VECU POUR LA GLOIRE HUMAINE. J'IRAI LE CHERCHER."
L'officier demanda la main de la jeune fille, demande qui fut acceptée.
La rapidité avec laquelle il avait conquis son bonheur le surprit, de même que l'attitude étrange à son égard de la mère et de la jeune fille.
Aveuglé par l'amour, il n'avait pas remarqué ce que toute la ville savait:
qu'un an auparavant, sa fiancée était la maîtresse de Nicolas Pavlovitch. (le tsar Nicolas 1er)
Moins l'opinion des hommes avait d'importance à ses yeux, plus fortement il sentait Dieu.