Il faut encore et encore des livres comme celui-ci non seulement pour comprendre le parcours des migrants mais aussi pour développer l'empathie envers eux.
Hakim est un réfugié parmi tant d'autres, avec une histoire toute personnelle, unique, même si elle s'inscrit dans une histoire d'émigration universelle. Il a accepté de témoigner pour l'auteur
Fabien Toulmé des raisons de son départ de la Syrie et de son arrivée en France.
Tout commence par une prise de conscience de Toulmé, comme on peut tous en avoir face à un événement donné, sauf que Toulmé en a fait quelque chose, et ce quelque chose est tout simplement grandiose. Tout commence, donc, lorsque comme tous les Européens, l'auteur est bouleversé par ce crash d'avion en 2015 dans les Alpes, entraînant la mort de 150 personnes, qui auraient pu être un frère, une tante, des amis. C'est le déséquilibre tragique de la médiatisation de ce drame unique face aux naufrages quasi-quotidiens de migrants dans la Méditerranée, tout aussi tragiques et mille fois répétés, qui le choque, évidemment, car on s'y habitue, car ce ne sont pas des personnes que l'on risque de connaître. Il a donc décidé de rencontrer l'un d'eux, de donner un visage à ces tragédies, un visage et une histoire.
Ce visage, c'est celui d'Hakim, un Syrien d'une trentaine d'années, marié, deux enfants, ayant acquis le statut de réfugié et se battant maintenant avec la langue française, car son parcours n'est pas terminé et il espère, un jour, retourner dans son pays avec sa famille, retrouver sa pépinière et une vie normale.
Car Hakim n'a jamais vraiment voulu venir en France. Car Hakim avait une vie agréable avant les émeutes, leurs répressions et le début de la guerre civile. Il avait créé sa pépinière, ça marchait bien, il avait pu s'acheter un appartement qu'il venait de meubler, prêt à accueillir une future mariée. Mais voilà, il avait soigné un manifestant blessé dans la rue, ce qui lui avait valu une semaine d'emprisonnement et de tortures. L'un de ses frères avait disparu lors d'une émeute. La ville avait été bombardée et son appartement avait disparu dans les décombres. Il avait alors préféré s'enfuir dans le pays voisin pour y travailler le temps que la paix revienne.
On connait tous la suite: la Syrie est petit-à-petit devenu un champ de ruines et les Syriens ont commencé à fuir en masse les bombardements et l'oppression, les plus riches du moins, ceux qui en avaient les moyens. Car fuir un pays, migrer même illégalement se paie au prix fort, dans tous les sens du terme.
Ce premier tome montre les débuts de l'engrenage qu'est cette migration, ce déplacement qui ne cesse pas, ce no man's land de la vie qui, de provisoire, devient permanent.
Pas plus que nous, Hakim n'était préparé à cette lutte pour survivre, il n'est pas né dedans, il n'aurait sans doute jamais pu imaginer qu'il aurait à vivre ça un jour.