Vendredi ou les limbes du Pacifique

"On peut se dire que bon, le mec s'est pas trop foulé quand même, il reprend une histoire déjà mondialement connue et il la réécrit à sa sauce, sans même prendre la peine de cacher son plagiat. Mais s'il n'a pas dissimulé son inspiration, c'est parce que Tournier voulait présenter une autre alternative au roman original. Si le roman de Defoe est une sorte de propagande pour la civilisation, seule chose à laquelle l'homme peut se rattacher quand il se retrouve seul, Michel Tournier, au contraire, prône un autre mode de vie, plus cosmique, en mode courrons tous à oilpé dans la forêt et baisons les arbres. Toute la mise en scène qu'organise Robinson pour transformer l'île sur laquelle il a fait naufrage en une nature civilisée et dominée par l'homme n'est qu'une grande mascarade. le survivant se rattache à la civilisation car il n'a pas assez de couilles pour imaginer autre chose, pour se créer une vie aussi exceptionnelle que sa situation le permet. C'est au départ un mec pas très passionnant qui a été élevé dans la rigidité protestante, très économe et à cheval sur tous les principes, se donnant le premier rôle dans une comédie qu'il a lui-même organisée.

Mais bien vite, on sent que quelque chose débloque dans son organisation réglée au millimètre. Il cesse de considérer l'île comme un élément étranger, lui qui l'avait auparavant nommée Désespoir, la rebaptise Esperanza. Il se met à l'explorer, cherche à en percer les mystères (Coucou « Lost »!). Il découvre, dans la grotte où il a élu résidence, une petite cavité où il se sent comme dans le ventre de l'île, comme un foetus en gestation et dans lequel il manque de se perdre. Celle qui était la mère devient l'épouse, il la féconde et de sa semence naissent des mandragores, ses filles. C'est ce qu'il appelle sa période tellurique, en pleine communion avec l'île. Mais il reste un homme de la terre, pataud, plein de considérations matérielles dont il ne parvient à s'échapper."
Lien : http://chaaabert.com/2015/02..

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Merveilleux livre pour penser la condition humaine. Je l'ai lu il y a longtemps, mais je me souviens très bien des passages où notre Robinson "craque" et va se plonger dans la boue au milieu des pécaris. C'est une image qui me reste.