Dans "
La Princesse et le Pêcheur", Nam et Lan se racontent et s'échangent des contes et des légendes vietnamiens, de ce pays qu'ils portent -différemment- en eux. Avant de disparaître, le jeune homme offre même à son amie un petit carnet de cuir noir dans lequel il a commencé de réunir de ces récits sans parvenir toutefois au bout de sa mission... Lan l'achèvera pour lui quelque temps plus tard au cours d'un voyage au Viêt-Nam.
En nous offrant "
Le Lac né en une nuit et autres légendes du Viêt-Nam",
Minh Tran Huy permet à la réalité de prolonger la grâce de la fiction et c'est si peu fréquent que c'est un cadeau précieux. Elle comble aussi la curiosité et la frustration des lecteurs auxquels ses personnages ont, dans chacun de ses romans, délivré quelques contes en fragments. Enfin, les légendes qui ont tant hanté Lise, Anna, Lan et Nam sont venues à nous, elles vont pouvoir nous hanter à notre tour. Les histoires sont parfois des fantômes plus bavards que les autres.
J'ai eu un tel coup de foudre pour la plume et la sensibilité de
Minh Tran Huy, j'ai tant aimé "
Les Inconsolés", "
La double vie d'Anna Song" et "
La Princesse et le Pêcheur" -qui emprunte d'ailleurs son titre à l'une des plus belles et des plus poignantes légendes du recueil- que je ne pouvais pas passer à côté de ce "
Le lac né en une nuit et autres légendes du Viêt-Nam". Ce livre, j'en étais convaincue: il me le fallait.
Et s'il n'y avait que cela, encore, pour me convaincre... Mais il m'a fallu compter sur mon amour des contes et des légendes traditionnelles dont j'aime toujours autant la grâce et les épines et sur la fascination qu'exerce sur moi le Viêt-Nam et son Histoire depuis "Indochine" de
Régis Wargnier...
Se plonger dans "
Le lac né en une nuit et autres légendes du Viêt-Nam" c'est découvrir des récits tristes mais doux, teintés d'amertume et de nostalgie, qui laissent planer bien après leur dernier mot un sentiment diffus de perte, une mélancolie sourde et poignante. Ils sont cruels le plus souvent mais cette cruauté est enchâssée dans le récit avec un tel raffinement, une telle délicatesse -elle confine à la pudeur!- que la blessure paraît légère, bénigne. Elle finit par tuer pourtant, sans bruit et en douceur.
Pas ou presque pas de fins heureuses pour ces contes qui comportent pourtant leur part de magie: on y rencontre des dragons et des princesses belles comme le jour, de bons génies et des tyrans sanguinaires, des amoureux fous et des animaux fabuleux. Si certains d'entre présentent des motifs que l'on retrouve dans de nombreuses traditions ("Tâm et Càm" rappelle Cendrillon alors que "Le royaume des Immortelles" met en scène un motif que l'on retrouve très souvent dans l'imaginaire celtique auquel je tiens tellement), la plupart d'entre eux ont une portée étiologique passionnante et sont autant de chemins qui mènent à la compréhension de l'identité vietnamienne.
C'est beau et poétique. C'est riche et chatoyant. C'est beau même avec tant d'issues tragiques.
Bien entendu, comme dans tous recueils, il y a des légendes qui frappent plus que d'autres. Ici, bien que je puisse dire avoir tout aimé, j'ai eu mes plus belles, mes favorites: "Betel, chaux et noix d'arec", "Le Royaume des Immortelles", "L'ombre du père", "Le rocher de l'attente", "L'arbalète magique" (et c'est sans rapport aucun avec une certaine légende occidentale dont je chante souvent la louange à base d'une autre arme magique!) et surtout, surtout "
La Princesse et le Pêcheur".
Comme un cercle enfin refermé.