Margaret Mackenzie était une jeune femme sans beauté, sans attrait : “Elle n'était ni belle ni intelligente et ne tirait aucun charme particulier de ces grâces et de ces douceurs de la jeunesse qui, chez certaines, semblent excuser le manque de beauté et d'intelligence. A 19 ans, je pourrais presque dire que Margaret Mackenzie était disgracieuse.” Cette absence de séduction explique sans doute qu'à l'âge de 34 ans,
Miss Mackenzie était toujours célibataire. Durant toutes ces années, un seul prétendant, Harry Handcock, était venu la courtiser sans succès.
Miss Mackenzie vécut une vie bien monotone consacrée à soigner son père puis son frère Walter. Mais à la mort de ce dernier, sa vie change du tout au tout. Walter avait hérité d'un cousin germain, baronnet de son état, et il décida de tout léguer à sa soeur. Margaret Mackenzie se retrouve à la tête d'une fortune considérable et bizarrement le regard des autres sur elle va être considérablement modifié…
L'héroïne d'
Anthony Trollope semble au départ bien ordinaire, bien morne et sans personnalité. La survenue de sa fortune la met sous pression, chacun souhaitant la prendre sous sa coupe. Sa belle-soeur voudrait la voir sous son toit pour soutenir le commerce de toile cirée de son mari Tom. Les prétendants vont se bousculer auprès de la jeune femme : Harry Handcock fait son retour,
John Ball le cousin déshérité voudrait éponger ses dettes, le révérend Maguire aspire à l'achat d'une cure et Mr Rubb, l'associé de son frère Tom, pourrait sauver ses affaires grâce aux beaux yeux de Margaret. Après avoir tant donné aux autres,
Miss Mackenzie souhaite expérimenter la vie et choisir enfin son destin. Elle décide de s'installer à Littlebath et tente de s'intégrer à la bonne société. L'expérience ne sera pas vraiment positive mais notre héroïne fera montre de beaucoup de caractère. le personnage de
Miss Mackenzie est très attachant, douce et désintéressée, elle n'est pas non plus dépourvue de fermeté comme certaines héroïnes victoriennes.
L'intrigue du roman d'
Anthony Trollope est finalement assez mince, il ne se passe pas grand chose durant les 400 pages qui le composent. Mais quelle extraordinaire maîtrise chez Trollope ! (ce qui énervait prodigieusement
Tolstoï !) Il n'y a aucun temps mort, aucun ennui durant la lecture. La grande force de l'auteur est sa capacité à s'intéresser à chacun de ses personnages. Chacun est développé et a une véritable épaisseur psychologique. Chaque apparition enrichit véritablement l'intrigue. Rien n'est laissé au hasard, tout est travaillé dans les moindres détails comme par exemple le fait que Mr Rubb porte des gants jaunes qui trahissent son mauvais goût et donc son niveau social.
Anthony Trollope use discrètement de l'ironie et de la satire sociale. Les querelles des deux clans qui s'opposent à Littlebath (ceux qui vont à l'église de Mr Stumfold et ceux qui n'y vont pas) paraissent rapidement stupides et totalement futiles. de même, les ambitions sociales de Mrs Tom Mackenzie sont tournées en ridicule lors d'un repas mémorable. La moquerie de Trollope touche surtout les orgueilleux, les infatués.
Anthony Trollope est brillant et “
Miss Mackenzie” superbe. Je ne saurais trop vous conseiller ce roman au style fluide et captivant. Encore un auteur victorien qui entre dans mon panthéon d'auteurs préférés.
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