J'ai longtemps délaissé la série mettant en scène la Police des rennes. J'ai repris ma lecture où je l'avait abandonnée et je ne le regrette pas tellement elle est instructive et dépaysante.
Klemet Nango et Nina Nansen, la patrouille P9 de la Police des rennes, ont rejoint la Suède et la petite ville de Funäsdalen dans la région du Jämtland. C'est une nouvelle affectation au sud du Sapmi, le pays des lapons. Stockholm vers le sud n'est plus très loin, vers le nord Kautokeino d'où vient la patrouille P9 est à mille cinq cents kilomètres.
Nous sommes mi-septembre, il pleut, un véritable déluge. Les éleveurs de rennes procèdent à l'abattage des faons en prévision de l'hivernage. Les animaux sont réunis dans un enclos qu'ils devront vite quitter faute de nourriture pour rejoindre des zones à lichens, la base de leur alimentation. Dans l'enclos de
la Montagne rouge, au sol trempé par la pluie et bouleversé par le piétinement des rennes, un squelette humain sort de terre.
Le sud du Sapmi et beaucoup plus peuplé que les zones au nord du cercle polaire. Les conflits sur l'utilisation des terres sont fréquents. Les Samis ont besoin de vastes surfaces pour leurs troupeaux de rennes. Ces mêmes terres sont revendiquées notamment par des exploitants forestiers. le droit coutumier s'oppose au droit de propriété que les Samis contestent, autrefois ils ont été obligés de signer des documents alors qu'ils ne savaient pas lire. L'argument des Samis est simple : ils ont toujours été là. Des procès ont eu lieu, des appels, des recours. Ils n'ont jamais obtenu aucune reconnaissance.
Le squelette découvert dans l'enclos de
la Montagne rouge s'avère très ancien, sans doute du XVIIème siècle. Mais il lui manque le crane qui pourrait apporter d'utiles informations sur son appartenance ethnique. Peut-être qu'il pourrait attester de la présence des Samis à une époque où les autorités suédoises refusent de reconnaitre leur présence dans la région. le temps presse car la Cour Suprême suédoise doit statuer prochainement. Sur le terrain, les violence entre Samis et exploitants forestiers se multiplient.
Klement et Nina partent à la recherche du crane manquant. Cette enquête est l'opportunité pour
Olivier Truc de dénoncer une politique suédoise d'assimilation criminelle des Samis. Les suédois ont repoussés toujours plus au nord les Samis au fur-et-à-mesure que les besoins en terre et richesses naturelles ont augmenté. Il ne s'agit pas seulement d'un rejet dans la violence, les suédois ont également pratiqué une politique raciale ségrégationniste et raciste.
Durant leurs recherches Klement et Nina vont rencontrer des archéologues, des ethnologues et des anthropologue à la rigueur scientifique douteuse, des antiquaires trafiquants d'objets traditionnels. Ils vont exhumer des pratiques comme l'eugénisme ( la défense de la race nordique a conduit à pratiquer la stérilisation de femmes jusque dans les années 1950 ). Nina se rend à Paris au Musée de l'Homme pour approfondir ses connaissances sur les découvertes faites lors des expéditions scientifiques françaises menées dans le nord de la Scandinavie dans les années 1830.
Olivier Truc sous couvert d'un polar raconte l'Histoire tragique de la dernière population aborigène d'Europe ( où de ce qu'il en reste ). Il ose un parallèle avec les problématiques migratoires actuelles en mettant en scène les mesures administratives visant à déterminer l'âge des jeunes migrants pour décider s'ils sont expulsables ou non.
Olivier TRUC –
La Montagne rouge . Parution octobre 2016, Éditions Métailié. ISBN 979-10-226-0522-9. Réédition en format poche en 2017, Éditions Points Policiers, ISBN 978-27-578-6843-0 .
Présentation éditeur : Une pluie continue épuise les hommes et les bêtes.
Alors que les éleveurs du clan Balva procèdent à l'abattage annuel des rennes, des ossements humains sont retrouvés dans l'enclos, au pied de
la Montagne rouge.
Or, le clan est opposé à un groupement de forestiers et de fermiers dans un procès exceptionnel à la Cour suprême de Stockholm. L'enjeu – le droit à la terre – est déterminant pour tous les éleveurs de rennes du pays : qui était là le premier ?
La patrouille P9 de la police des rennes est chargée de l'affaire, mais l'identification du squelette, en l'absence de crâne, est difficile. Klemet et Nina commencent une enquête auprès des musées et des institutions, et découvrent un XIXe siècle collectionneur de types humains et un XXe siècle porté sur les idéologies purificatrices, perdus dans les tréfonds nauséabonds de l'histoire suédoise. Ils se heurtent à l'inertie, à la défiance voire à l'hostilité de l'administration. Ils découvrent aussi une mystérieuse vague de disparition d'ossements et de vestiges sami, autant de preuves potentielles de la présence originelle des Sami.
Klemet, plus que jamais empêtré dans sa double identité lapone, et Nina, qui le supporte de moins en moins, croisent des personnages souvent ambigus. Des archéologues aux agendas obscurs qui s'affrontent. Petrus, le chef sami, écartelé entre son devoir, son fils et la poursuite des rêves de son père dans les paysages grandioses et désolés des forêts primaires du fin fond de la Laponie. Bertil l'antiquaire au passé politique douteux, et Justina l'octogénaire aux étranges talents de conductrice d'engins et son groupe d'adeptes de la marche nordique et du bilbingo. Sans oublier une masseuse thaïlandaise…
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