Sa mère, c’était un sujet tabou. Anita Farel était une ancienne prostituée toxicomane qui, après avoir eu quatre fils de trois pères différents, les avait élevés dans un squat du XVIIIe arrondissement. Jean l’avait retrouvée morte, un après-midi, en rentrant de l’école, il avait neuf ans. Ses frères et lui avaient été placés à la DDASS. À cette époque, Jean s’appelait encore John, surnommé Johnny – en hommage à John Wayne dont sa mère avait vu tous les films. Il avait été accueilli et adopté par un couple de Gentilly, en banlieue parisienne, avec son petit frère, Léo.
"D'abord, nommer les faits. Dès qu'il y a pénétration, il y a viol. Après, bien sûr; il y a une échelle des peines : un doigt, c'est trois ans; une pénétration sexuelle , six, a peut aller jusqu'à quinze, mais c'est rare. Si le suspect n'a pas d'antécédents judiciaires, des garanties morales, s'il a un bon niveau social et joue profil bas, ça peut descendre à deux, avec sursis. S'il est noir, maghrébin, étranger, sans papiers, il prend plus. Puis vient la question du consentement. Faut placer le curseur. Ça devient rapidement social, un viol. Je vous choque ? Moi je le dis toujours à mes clientes : la partie adverse va traquer chaque détail de votre vie. Vous avez bu ? Vous avez dîné, dansé avec votre agresseur ? Vous l'avez rencontré sur Internet ? Ils finiront par conclure : elle l'a bien cherché."
Maître X, avocat
Il est intelligent, il a vite saisit comment cette fille fonctionnait et, elle, elle n'a pas sa perspicacité, elle n'a pas les codes, elle n'a aucune grille de lecture pour le comprendre.
- Il ne te reste pas tant d'années que ça pour avoir des enfants. A moins que tu n'aies pensé à congeler ses ovules ?
Yasmina ne réagit pas. Elle avait entendu tant de fois ce genre de remarques blessantes, cette sommation sociale à procréer.
Comprendre les autres n'est pas la règle dans la vie. L'histoire de la vie, c'est de se tromper sur leur compte. C'est même comme ça qu'on sait qu'on est vivant : on se trompe.
Philippe Roth, Pastorale américaine
Elle souhaitait vivre dans une société où les femmes ne devraient pas être obligées de s'écarter des hommes pour être tranquilles.
Elle avait passé les trente années suivantes à justifier ce qu’elle appelait « un égarement » ; elle disait qu’elle était tombée sous la coupe d’un « pervers narcissique ». La réalité était plus prosaïque et moins romanesque : elle avait eu une passion sexuelle qui n’avait pas duré.
Vivre, c'était s’habituer à revoir ses prétentions à la baisse.
[Clinton] ne se souvenait pas d'elle, ce qui semblait normal après tout, leur rencontre remontait à plus de vingt ans, et s'il l'avait croisée dans les couloirs de la Maison Blanche, facilement identifiable avec ses cheveux blond vénitien qui lui donnaient une allure préraphaélite, il ne lui avait jamais adressé la parole - un président n'avait aucune raison de s'adresser à une stagiaire à moins d'avoir envie de la baiser.
Qui cherche la vérité de l'homme doit s'emparer de sa douleur. ( Georges Bernanos )