On peut être un très grand écrivain et un assez pauvre type...Car on met le meilleur de ce qu'on est dans son oeuvre et on garde le reste pour soi même..
Avec l'amour maternel, la vie vous fait à l'aube une promesse qu'elle ne tient jamais. On est obligé ensuite de manger froid jusqu'à la fin de ses jours. Après cela, chaque fois qu'une femme vous prend dans ses bras et vous serre sur son coeur, ce ne sont plus que des condoléances. On revient toujours gueuler sur la tombe de sa mère comme un chien abandonné.
Maintenant qu'il avait pris la plume, il maitrisait le récit familial, il allait le raconter, le colorier et surtout jongler avec. Et si habilement que personne ne saurait jamais la vérité. Aucun biographe, aucun journaliste fouineur. L'écrivain lui même ne s'y retrouverait peut être pas.
Dans Varsovie, circulait alors cette blague : après la guerre l’agence de voyage polonaise Orbis allait organiser des excursions pour Berlin intitulées « à la découverte de vos meubles ». Ils arrivaient toujours à rire. Car l’humour juif est l’arme des humiliés et des sans- défense. C’est un bouclier. Le moyen de garder sa dignité puisqu’on vous a pris tout le reste. Gary l’appellera « karaté spécial d’autodéfense ».
Il traitait la vérité d’une manière particulière. Il ne respectait pas ses principes, préférant en décliner les variantes. Au rythme de son propre manège. Selon les règles du jonglage, car pour lui tout art s’y apparentait.