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sur 228 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Jim Vann ne peut plus. Il est au bout de sa désespérance.

Il a essayé pourtant : « Ce que Jim voudrait, c'est trouver une utilité à son désespoir. Pourquoi son état merdique actuel ne pourrait-il pas s'avérer idéal pour autre chose ? ». À l'image du flétan envoyé sur la lune, poisson-astronaute idéal – « Qui aurait pensé qu'un flétan ferait le meilleur des astronautes ? » - le père de David Vann tente désespérément de se sauver, de rebondir, de s'envoler magnifiquement dans la vie.

Mais ça ne fonctionne pas. Et Jim ne peux plus faire semblant, plus se taire, plus se complaire, plus continuer à souffrir, plus enchaîner les journées les unes après les autres sans y trouver aucun sens… Jim ne peut plus vivre.

Alors Jim quitte son repaire doré mais solitaire en Alaska pour un dernier voyage d'adieu aux siens et au monde, un Rugger .44 Magnum et ses munitions toujours à portée de mains.

Les siens, ce sont David et Cheryl, ses enfants qu'il a eus avec Lorraine ; c'est Doug, son frère cadet qui tente de le chaperonner ; ce sont ses parents, apparament si résignés, qui intériorisent chacun de leur sentiment. Et c'est Lorraine, son rocher, son refuge, son amour semble t-il… le temps de quelques jours, ils vont tous tenter de le garder « dans la vie », chacun à sa manière ; tous avec amour.

Dans Un poisson sur la lune, David Vann – toujours remarquablement traduit par Laura Derajinski, ce qui vaut à cette dernière une pleine page de touchants remerciements à la fin du livre – revient sur son passé et, en sachant habilement s'en affranchir quand il le faut, écrit probablement son livre le plus dur, le plus écorché mais aussi le plus profond.

Il fait monter en puissance ce désespoir, plongeant le lecteur dans une lecture stressée, angoissée et dérangeante jusqu'à la toute dernière page. Et parallèlement, il livre - sans juger - de profondes réflexions sur le sens de la vie, l'amitié, la filiation, l'inéluctabilité des grandes décisions, les limites de l'assistance à autrui. Avec plusieurs passages touchant au sublime, comme le dialogue matinal de Jim et de son père, inoubliable, ou cette incroyable fable métaphorique du flétan astronaute.

Un grand livre, qui ne plaira cependant pas à tout le monde et pourra même être insupportable pour certains…
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David Vann convoque les fantômes du passé, ceux de son histoire familiale et du drame qui le hante depuis que son père James a fait le choix de se suicider. En réalité, cette question "du choix" est sujet à réflexion car l'acte de se supprimer est "le choix" le plus radical que l'on puisse faire à son endroit. James avait-il le choix ? qu'est ce qui l'a poussé à commettre l'irréparable, à appuyer sur la détente de son Magnum ? "Un poisson sur la lune" est un livre sublime, l'hommage d'un fils qui tente de comprendre ce geste qui a fait basculer la vie de toute une famille. David Vann raconte avec une écriture d'une densité, d'une sensibilité rare, le cheminement de l'âme en souffrance de son père, cet exil vers ce néant où tout s'arrête enfin. James n'était pas croyant. Il détestait les bondieuseries. Il n'espérait rien d'autre que d'interrompre le fil de sa douleur psychique. La thématique de la souffrance psychique est abordée avec une acuité saisissante et un courage que je salue car il faut pouvoir écrire sur le suicide d'un père.. James était dépressif, il a décompensé (était-il psychotique ? bipolaire ?) et David Vann raconte les quinze derniers jours de la vie de son père, de la mise en place du traitement par le médecin, au basculement fatal vers une pulsion de mort inarrêtable. Sommes nous des êtres perpétuellement en sursis ? James était dentiste, il était endetté, il avait trompé sa femme et provoqué un second divorce. Il ne se remettait pas de cette rupture. Mais là encore, ces éléments qui peuvent expliquer son geste en apparence, ne sont sans doute que la face émergée de l'iceberg de souffrance psychique ressenti par James. On ne peut réduire la portée d'un suicide à un faisceau d'éléments, fussent-ils avérés. David Vann explore, fouille, questionne le fil ténu qui nous retient à la vie. C'est sombre, violent, dérangeant. Nous sommes en apnée avec James, nous manquons d'oxygène et nous n'avons plus qu'une envie, celle de remonter à la surface et de remercier qui l'on voudra d'être en vie. David Vann signe un livre d'une puissance émotionnelle et d'évocation rare sur la maladie psychique et ces conséquences sur le patient lui-même ainsi que sur ces proches. Nous assistons aux dernières convulsions d'une âme en perdition. le lien se délite peu à peu et ce qui le retient à la vie est bientôt, et de façon implacable, rongé jusqu'au point où poursuivre celle-ci semble impensable et plus effrayante que la mort elle-même. Vertigineux.
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Quand vous vous engagez dans un livre de David Vann, il faut savoir que vous allez marcher au bord d'une falaise. Vous devrez prendre garde de ne pas glisser pour ne pas vous sentir entraîné vers le vide, le néant, le repos libérateur.

Si je continue à lire ses livres les uns après les autres, ce n'est pas par masochisme, désespoir ou fascination morbide mais c'est par pure admiration pour l'homme, son talent, son mental, sa résurrection grâce à l'écriture.

Dans ce roman où tous les faits et les lieux sont authentiques (sauf les dialogues), aucune pêche miraculeuse au programme ou de rêverie sous les étoiles.

David Vann s'est mis dans la tête de son père dépressif, au moment le plus critique de sa maladie.

Point de lieux communs, de recette de développement personnel à deux balles, de pathos, de métaphores pour édulcorer la vérité. Chez David Vann, l'indicible est dit, sans fard, parce que c'est le seul moyen de s'en débarrasser, de se libérer. Dans la résilience, rien n'est facile, tout se conquiert.

Cela donne une prose intense, qui vous colle aux rétines. Enfermé dans la tête de Jim Vann, le lecteur vit le mécanisme de la dépression de l'intérieur. Il vit les divagations de l'esprit qui se regarde penser, la détresse de celui qui se sent étranger à son corps. L'incessante logorrhée de celui qui perd pied avec le réel, se pose des questions faussement existentielles, en pleine phase d'euphorie.Le cerveau qui tourne en permanence sur lui-même, les insomnies, les pensées qui ne s'arrêtent jamais. Des moments de surexcitation suivis de longues périodes de prostration.

Les dialogues avec les proches sont impitoyables. le plus dur est de voir la souffrance et l'impuissance de la famille à ramener Jim vers la lumière.

Je garde en mémoire une conversation bouleversante entre Jim et son père, cet homme taciturne mais qui, là, se dévoile, dans une tentative ultime pour sauver son fils de l'autodestruction. Tout en économie de mots mais en vérité profonde.

C'est dur mais c'est sans doute le livre le plus vrai que j'ai lu sur ce terrible sujet. C'est sans doute son livre le plus personnel aussi et donc, forcément, le plus touchant.

Quand, en plus, on sait que David Vann écrit "de manière automatique" et que ce sont toujours ses premiers jets qu'il publie, on ne peut qu'être admiratif devant sa richesse intérieure, la beauté née du chaos. David Vann est un virtuose. Chaque livre de lui que je referme m'en convainc un peu plus.

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Que ce joli titre ne vous induise pas en erreur. Il s'agit d'un livre sombre, tragique, puisque David Vann imagine, dans ce roman qui est aussi une autofiction, les derniers jours de son père qui s'est suicidé à trente-neuf ans.
Dentiste, exilé en Alaska où il pensait trouver la paix, père de deux jeunes enfants (David et sa soeur), James Vann revient quelques jours en Californie, poussé par son frère qui tente de l'aider en lui faisant rencontrer un thérapeute, en l'emmenant chez ses parents, puis chez des amis.
James traîne un mal de vivre que rien ne peut soigner.
Persuadé que sa vie est ratée, qu'il n'a su ni retenir son ex-femme, ni aimer ses enfants correctement, il a aussi raté son histoire d'amour suivante et n'a plus de raison de vivre.
Son seul souhait : pouvoir dire stop quand il le souhaite.
Et pour cela il porte constamment une arme avec lui.
Cela nous parait incroyable mais n'oublions-pas que nous sommes aux Etats-Unis où le port d'arme est légal.

James porte un regard caustique et sans indulgence sur lui-même et c'est souvent insoutenable, d'autant plus que l'on devine la part autobiographique de ce récit.
Quand quelqu'un n'a plus de raison de vivre, tout ce qui lui est proposé parait dérisoire. le rôle du frère notamment est très fort.
C'est celui que James écoute le plus, et d'ailleurs à la fin il lui mentira et lui assurera qu'il va mieux, qu'il va rentrer en Alaska et reprendre des activités.
Mais la fin est inéluctable, on le sait depuis le début, et le roman n'est qu'un long cheminement vers ce qui doit arriver.
Le désespoir affleure à chaque page, l'impuissance des proches aussi, tout cela décrit avec un ton sobre et non dénué d'humour.

Ce livre, que David Vann devait avoir besoin d'écrire pour lui-même, restera inoubliable pour de nombreux lecteurs et confirmera encore le talent de cet auteur, les nombreux billets positifs sur Babelio le montrent.
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Que pouvons-nous malgré nos bonnes intentions face à la maladie mentale d'un proche qui s'éloigne inexorablement et s'enferme dans son trouble au point de n'avoir plus qu'une idée fixe, mettre fin à ses jours ? C'est le thème difficile de ce roman largement inspiré de la propre histoire familiale de l'auteur, son père s'est suicidé alors que David avait treize ans.

Jim vit seul dans sa maison vide, il est dentiste à Fairbanks en Alaska, ses deux mariages se sont soldés par des séparations, ses sinus le font souffrir en permanence, le fisc le poursuit et ses pensées l'obsèdent  et l'empêchent de dormir : pourquoi a-t-il raté sa vie, à cause de qui, de quoi, pourquoi a-t-il fait systématiquement les mauvais choix ?

Sa famille vit en Californie alors avant de commettre l'irréparable, il va rendre visite à son frère Doug, à ses ex-femmes et ses deux enfants, Cheryl et David (l'auteur), à ses parents aussi, comme un ultime adieu. Chacun va tenter de l'aider à sa manière, d'autant que le psy a recommandé de ne jamais le laisser seul mais la décision est prise et le Magnum est toujours à portée de main.

Jim aurait eu besoin qu'on lui greffe un autre cerveau, que les idées y soient bien agencées, harmonieusement disposées, que le monde autour, sans parler de bonheur tourne correctement. Il aurait aimé être un bon père, un bon mari, un bon ami mais parfois, on perd le contrôle de sa vie, celle-ci devient chaque jour une épreuve insurmontable, il tourne en dérision les aides sincères de l'entourage comme les soixante dollars de la consultation psychiatrique qu'il remet au médecin avec ces quelques mots laconiques : «  Merci de m'avoir bien baisé » alors que le psychiatre venait de lui conseiller de s'écrire une lettre à lui-même expliquant pourquoi tout irait bien à partir de maintenant !

Cette lecture fut éprouvante et j'ai souvent pensé à ce que j'avais pu éprouver à la lecture de Il faut qu'on parle de Kevin de Lionel Schriver car c'est pour moi de la même intensité. Mais ce fut aussi une lecture nécessaire pour comprendre et se rapprocher de ce que peuvent vivre les malades psychiques et de leur inquiétante étrangeté comme aurait dit Sigmund.

Un sujet particulièrement délicat, traité avec grand talent.

Challenge Multi-Défis 2023.
Challenge Totem.

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"Connu pour son livre Sukkwan Island, David Vann est un auteur extraordinaire qui mérite d'être plus largement découvert. (...) Cet état des lieux du désespoir, sans concession, poignant de bout en bout, révèle une écriture à la fois sensuelle, écho d'une musique durassienne, et rugueuse comme un Outrenoir de Soulages."
Francine Klajnberg
Lien : https://doublemarge.com/un-p..
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Merci à LéaTouchBook et son Picabo River Book Club ainsi qu'aux éditions Gallmeister pour cette lecture.

Un poisson sur la lune, c'est un livre entre réalité et fiction. David Vann nous parle de son père, Jim.

Jim est un être torturé. Il souffre. Beaucoup. Trop.

Trop pour vivre. Trop pour profiter du moment avec ses enfants. Trop pour aimer. Trop pour s'aimer lui même. Rien ne le raccroche à la vie, il ne pense qu'à en finir. Il imagine plusieurs scénarios.

"Aucune limite à l'obscurité en nous, absolument aucune limite. Vaste et méconnue, inexplorée. Mais il va l'explorer maintenant, du moins va-t-il essayer. Il tend les bras et tourne sur lui-même, il glisse et descend, il essaie de tout ingérer."

En compagnie de son frère, il va chez son psychiatre, rend visite à son ex-femme et à ses enfants, à ses parents, aux lieux qu'il aimait, avant. Avant la dépression.

On ressent l'incompréhension de ses proches. On ressent sa détresse, son mal-être. Il a touché le fond. Il n'arrive même plus à être agréable avec ceux qu'il aime. Il veut juste que ça s'arrête. Sa seule obsession, c'est la fin. Sa fin.

"Rêvant de s'échapper, sans comprendre encore qu'on ne peut jamais s'échapper tant qu'on respire encore."

Tout le long du texte, on attend, on oublie de respirer. Jusqu'à la dernière ligne, on ne sait pas ce que fera Jim.

"La fatalité. Difficile de savoir si elle existe vraiment, mais on la sent parfois au moment même où elle intervient. Quand trop de poids s'est amassé."

C'est court, mais c'est éprouvant. C'est tellement d'émotions. C'est tellement d'impuissance aussi. C'est sombre. C'est obscur. On attend la lumière. La petite lueur d'espoir.

J'ai lu ce livre juste avant sa sortie. Il m'a bouleversée. Renversée. Mon coeur a chaviré. Des souvenirs sont remontés à la surface et m'ont remuée. Une vraie tempête pour la bretonne que je suis. J'ai eu beaucoup de mal à écrire ce très court ressenti…

Mais surtout, à la fin de cette lecture, j'ai envie de vous dire de profiter de la vie. Chaque instant avec vos proches est précieux, tout peut s'arrêter d'une seconde à l'autre. Trop vite. On n'a qu'une seule vie.

Un poisson sur la lune, c'était ma première expérience avec David Vann. Une rencontre fracassante autant qu'inoubliable. J'ai découvert une très belle plume. Une écriture percutante. Ses mots resteront encrés en moi, indélébiles.

Un poisson sur la lune est un texte qui m'a marquée, dont j'ai du mal à me relever presque deux semaines plus tard. L'impression d'être passée sous un rouleau compresseur. C'est un texte que je relirai. Plus tard. A un autre moment de ma vie.

"J'admire juste la beauté de cet arbre et je me demande pourquoi il a de la peau comme nous. Et pourquoi le ciel n'a pas de peau."
Lien : https://ellemlireblog.wordpr..
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Un livre particulièrement bouleversant, de ceux qui vous touchent au plus profond de l'intime... J'ai mis beaucoup de temps à écrire ma chronique, j'ai eu un mal fou à trouver les mots pour délivrer toutes mes impressions.

Jim Vann est un homme en pleine dépression au bord de l'abîme. Il est à un moment clé de son existence, un moment où il prend la mesure du chemin parcouru, une sorte de bilan sur sa vie affective et professionnelle, ses couples ratés, ses infidélités, ses désirs contrariés, ses mauvaises décisions....
Il décide de se retourner vers les êtres qui lui sont chers dans une tentative désespérée de retrouver un sens à sa vie, de retrouver l'envie de continuer mais son parcours sonne très vite comme un dernier adieu.

Que d'émotions dans ce récit !
Il y a la famille avec tous les efforts touchants du jeune frère, l'impuissance désespérée de la mère, l'affection silencieuse du père, l'insouciance des enfants....quelques moments de grâce parfois mais beaucoup de déchirements...
On suit les pensées de cet homme désincarné, ses confrontations aux autres. Les filtres disparaissent , le sens de la politesse, les codes de la société sont gommés, il est cru, direct, acerbe et raconte ses errances et le sexe comme seul palliatif, mais un sexe miteux, profondément insatisfaisant.
Il y a la parole, les mots dits, les sentiments énoncés et une distanciation avec lui-même comme s'il se regardait vivre. le prisme en est vertigineux : vacuité de la vie, passé foiré, présent vide. Il se sent comme dépossédé de sa propre vie, à l'extérieur de tout, et sa solitude est abyssale...

Malgré une fin annoncée, la tension enfle page après page, nourrie par cette fascination morbide pour les armes qui revient constamment, cet attrait dont il ne peut se défaire, la puissante sensation qu'elles procurent une fois dans la main et puis l'idée de partir en emportant les autres qui jaillit régulièrement...

Ce qui est encore plus bouleversant c'est qu'on touche du doigt la réalité du récit, l'histoire de l'écrivain-fils qui retrace les derniers jours de son père sans aucun faux-semblant dans une quête déchirante pour comprendre, qui met bout à bout les morceaux connus en comblant les vides avec une extrême sensibilité. le texte en lui-même est tellement juste et profond avec une telle authenticité...
Ce livre m'a profondément touchée, bousculée, questionnée. Un grand roman percutant que je n'oublierai pas de sitôt !

Un grand merci à Léa , au Picabo River Book Club et aux Editions Gallmeister pour cette émouvante découverte...
Lien : https://chezbookinette.blogs..
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Jim a bientôt 40 ans. Il vit loin de sa famille, en Alaska.
Jim n'a plus de femme. Lorraine l'a quitté parce qu'il était coureur.
Jim n'a plus de maitresse. Jeannette l'a quitté parce qu'il était coureur.
Jim ne voit ses enfants que 4 fois par an.
Jim méprise sa mère, déteste son père, refuse de voir sa soeur.
Jim ne peut s'empêcher de se battre avec son frère.
Jim n'est plus dentiste, doit une somme astronomique au fisc.
Jim doit passer quinze jours en Californie pour voir sa famille.
Mais Jim veut mourir. Il trimbale un revolver dans son sac qui ne le quitte pas…

A première vue, l'histoire n'annonce que du malheur. En surface c'est la violence, les coups, les cris, les insultes. Rien ne va plus dans la vie de Jim.

Dans son septième roman, "un poisson sur la lune", David Vann nous propose une plongée dans la vie intérieure d'un homme au bord de l'asphyxie. Une invitation à quitter la souffrance en surface et à descendre explorer les passions, les désirs et les rêves cachés.

En surface, la vie de Jim est un échec. En surface, Jim se meurt, consumé par un mal que l'on appelle dépression. En surface, Jim agit comme un papillon étourdi par une lampe. En profondeur, sa vie est vibrante, foisonnante et colorée. Jim est habité de rêves jamais énoncés. Il n'est totalement vivant que lorsqu'il se investit par la nature. Les éléments sont ses alliés. Une vision d'un pari perdu, celui de l'enfance, de l'insouciance, de l'innocence. Son paradis est composé de forêts, de rochers, du ciel, du vent, et surtout de l'eau sous toutes ses formes : larme, pluie, rivière, lac et océan. En surface, Jim se sent poisson dans un bocal devenu trop petit. Chaque respiration est une épreuve, chaque lieu un cul de sac, chaque relation une prison. La seule option est le saut dans l'abîme. Fuir le passé, sa famille, sa vie d'avant.


David Vann réussit ici une incroyable mise en tension du lecteur, comme une apnée de plus de 200 pages : des dialogues taillés à coups de hache, des lieux asséchés et tristes, des relations dont il ne reste que les carcasses. Souvent l'air nous manque pour avancer. Et puis, la nature surgit. La nature qui apaise, soigne, adoucit. Une nature-mère, ultra présente, à la fois miroir des sentiments et source des solutions.

De la première à la dernière phrase, David Vann nous place en spectateur impuissant, flottant, entre espoir et crainte. On suffoque. On reprend courage. On replonge. On espère.

Jim c'est l'autre que l'on a envie de sauver. Jim c'est aussi nous, face à nous même.
Lien : https://lesdouzecoupsdeminui..
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James Vann a trente-neuf ans, il est dentiste et désespérément suicidaire (il souffre de bipolarité …) Sous les instances de son psy, il va quitter l'Alaska où il vit, pour rejoindre la Californie (San Francisco) sous la tutelle de Doug son frère, de six ans son cadet. Tous deux ont une passion commune : la pêche. Doug est prof, son train de vie est plus modeste que celui de son frère ainé (pourtant criblé de dettes …) Jim pourra ainsi être plus entouré et voir à son gré son fils de treize ans, David (l'auteur) et sa fille de huit ans, Cheryl, qui vivent avec leur mère Lorraine (dont il est divorcé) Revers de la médaille, ce séjour en Californie l'éloigne de sa principale raison de vivre (Jeannette) dont il ne peut se passer – même si cette dernière a décidé d'en épouser un autre …

Et si l'influence et le poids de la famille, contrairement aux croyances, étaient des freins dans la construction personnelle ? Et si l'amour des proches et les responsabilités à leur égard réduisaient l'épanouissement individuel ? Si ces liens, en devenant trop forts, nous transformaient fatalement en êtres faibles et vulnérables ?…

Un récit autobiographique présenté sous forme de roman, d'une très grande violence psychologique. La description insoutenable d'une souffrance contre laquelle l'entourage est malheureusement totalement impuissant. le suicide de son père est un « leitmotiv littéraire » chez David Vann. Un traumatisme omniprésent dans l'ensemble de son oeuvre – particulièrement noire – et d'autant plus magnifique ! À mettre de côté en période de déprime, afin de pouvoir l'apprécier à sa juste valeur et l'esprit serein, quand viendra le moment !
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