Il est tard. Objectivement, je ne suis pas certaine que le moment soit le plus opportun et en même temps, il faut que ce soit maintenant. Je le ressens. Je crois que c'est exactement le verbe adapté, cet ouvrage, je l'ai ressenti, dans les moindres détails. Je l'ai ressenti du début à la fin, des majuscules jusqu'aux points, je crois même avoir ressenti ce qui était dit entre les lignes, ce qui était suggéré par-delà les mots. Je n'ai pas ouvert ce roman avant car je craignais de n'être pas touchée par un sujet qui ne me traverse pas encore l'esprit, du haut de mes 18 ans, la maternité me parait loin bien que je sois sûre d'avoir des enfants. Pourtant, j'ai été agréablement surprise par ce lien que crée
Marie Vareille, un lien étroit entre ses lecteurs, peu importe leurs âges, et le sujet principal. La maternité est abordée sous toutes les angles, même ceux dont personne ne parle. Peu de gens parlent de la dépression post-partum, de ce sentiment de vide qui envahit certaines mamans, de ce trop-plein qu'elles ne parviennent pas à canaliser, de la solitude qui s'empare d'elles, qui les étreint et de toute la culpabilité qu'elle engendre. Je n'aime pas hiérarchiser les malheurs mais je sais qu'il s'agit d'une des pires douleurs, ne pas se sentir assez aimante, se sentir incapable, impuissante envers son enfant. Je remercie chaleureusement l'autrice qui nous démontre qu'il n'y a rien d'insurmontable, qu'il suffit de se faire aider, de parler, de ne pas se renfermer, de ne pas emmagasiner toutes les émotions négatives. Ce n'est pas anodin, ce n'est pas non plus anormal, ça existe, même si c'est encore tabou. Puissiez vous vous reconnaitre dans le personnage de Claire, vous saurez que vous n'êtes pas seule. Je crois que ma chronique pourrait s'arrêter là, mon coup de coeur pourrait être mesuré et s'en tenir seulement à ces lignes mais je crois que le meilleur est à venir. Virginie m'avait beaucoup vanté les mérites de ce roman en particulier lorsque nous parlions de
Marie Vareille. Je restais persuadée que «
Désenchantées » était indétrônable.
A mesure que j'avançais dans ma lecture, comme une flèche si j'ose dire, je me sentais de plus en plus fébrile. Je ne comprenais pas encore pourquoi, était-ce la maternité qui me touchait autant ? Aurais-je sous-estimé mon rapport à cette dernière ? Petit à petit, j'ai compris qu'il s'agissait d'Océane. Océane est une jeune fille de 19 ans qui emménage à Kefalonia, près de la frontière canadienne aux États-Unis. Elle se voit contraint de choisir entre rester avec sa mère et sa soeur à Chicago et par conséquent abandonner leur père, et partir avec son père muté pour son travail et se séparer provisoirement de sa mère et de sa soeur. Océane, de nature empathique et très attachée à son père décide de partir avec lui, loin des rumeurs qui circulent. On suit la jeune fille se mouvoir dans ce campus pour ces études de médecine qu'elle n'a pas vraiment choisies. Et on comprend qu'elle est spéciale, elle possède un don dont elle n'a pas conscience. Elle est, ce qu'on appelle, hypersensible. Comme l'écrit
Flaubert « je suis doué d'une sensibilité absurde, ce qui érafle les autres me déchire », Océane ressent les choses « beaucoup trop fort, trop intense, trop beau ou trop triste. Trop tout. ». Et pour elle, c'est presque une abomination, elle ne s'évade que par la lecture et couche sur papiers ses milliers d'émotions qu'elle n'ose évacuer. C'est comme ça qu'elle commence un journal « […] elle écrivait la beauté d'une feuille voletant sur le chemin de l'université, les reflets de la rosée du matin, le fracas des chutes d'eau sur la pierre humide… ». C'est de cette sensibilité là qu'il est question, et
Marie Vareille en parle si bien, comme si elle le théorisait. Il ne s'agit pas là que de décrire l'hypersensibilité mais aussi de fonder le raisonnement qu'elle puisse être une force plus qu'une faiblesse. Et c'est ainsi que l'autrice pris mon coeur à jamais. Elle déposa sur mes tourments tous les mots, tous les pansements. Il ne suffisait plus que ça cicatrise,
Marie Vareille m'avait guérie. Elle m'avait guérie car j'étais Océane, à m'excuser à chaque phrase, comme s'il fallait s'excuser de vivre.J'étais Océane car je pleurais devant Paris gris, Paris sous la pluie, Paris mélancolique, maussade mais aussi Paris lumineux, ensoleillé, Paris si beau que ça en devenait irréel. Parce que je prenais trop à coeur ce que certains oubliaient en un instant. Parce que chaque sentiment passait par mes larmes qui témoignaient de ce trop-plein d'émotions. Parce que je trouvais ça maladif d'être si sensible, si touchée par tout ce qui ne me concernait guère, et alors lorsque cela me concernait, mon monde s'effondrait. Je rêvais tellement souvent de mettre mon coeur et mes pensées sur arrêt, de ne plus rien ressentir tellement c'était fort. J'écrivais dans une story que
Marie Vareille avait révolutionné mon monde, c'est bien le cas, ce n'est pas une hyperbole et en même temps, en hypersensibilité, tout est hyper. Elle l'a fait car depuis, je n'ai plus peur, je sais cela fait à peine quelques jours, mais je me sens une force insoupçonnée. Je me sens chanceuse de pouvoir observer le monde avec mon regard, car chacun possède le sien et ils sont tous beaux. Je crois pouvoir affirmer que ce roman m'a reconcilié avec une partie de moi-même. Ce ne sera pas facile tous les jours mais on se battra parce que dorénavant, je refuse de voir ma sensibilité comme un handicap.
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