incipit :
La chaleur veloutée des flancs de la jument et les giffles des branches ne l'empêchaient pas de frissonner. Ses oreilles bourdonnaient. Seul le galop sur le sol dur résonnait dans le silence de la pâle aurore qui diluait l'obscurité de la forêt. Olivier bridait son esprit véloce. Il ne fallait pas laisser défiler les souvenirs, mais au contraire repérer les signes, garder l'azimut. Il connaissait les bois. Adolescent, il avait campé sous ces hêtres. Au château, il avait rafraîchi sa mémoire en étudiant la carte d'état-major. Les forêts de l'Oise et de l'Aisne conservaient à travers les âges leurs larges allées de cailloux blancs tracées au cordeau. Du sommet de la butte des Bonshommes, à travers la futaie, on devinait la clairière de Rethondes. La terre rassasiée des cent milles soldats tombés lors de l'offensive de juillet 1918, exhalait la paix pour l'éternité.