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sur 3269 notes
« L'arrache coeur », le dernier roman de Boris Vian dont le flop en librairie provoqua son abandon de la carrière d'écrivain n'en est pas moins mon préféré. Une auto analyse ? Peut-être…une tentative de vengeance vis-à-vis d'une mère castratrice ? Peut-être…
Reste un village bien étrange et un psychanalyste, Jacquemort, arrivé là comme par hasard. Il débarque opportunément chez Angel et Clémentine qu'il aidera à accoucher de trois garçons : Noël, Joël et Citroën. Lorsque l'enfant paraît… vous connaissez la suite ; alors trois, enfantés dans la douleur… Clémentine développera un syndrome de rejet à l'encontre d'Angel.
Un village bien étrange disais-je : il y a bien le curé, comme dans tous les villages, mais on met les enfants en cage pour ne pas qu'ils volent après consommation de limaces bleues, on leur met des fers aux pieds, on organise une foire aux vieux… et puis Jacquemard, arrivé « vide d'émotions » au village, entend bien se remplir de celles des autres…
Il y a également le ruisseau… rouge ; le ruisseau dans lequel la Gloïre repêche le fruit de la honte des villageois qui le payent pour ça…

« L'arrache-coeur », un grand roman dans la lignée de « L'écume des jours » ; mais tellement plus noir, tout en restant poétique, onirique… Bref, du grand Boris Vian.



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Jacquemort est un psychiatre né de la veille. Vide, il cherche des gens à analyser, pour se remplir de leurs histoires. Il arrive dans un petit village dans lequel Clémentine est sur le point d'accoucher. En compagnie de Cul Blanc, la bonne, il la délivre de ses "trumeaux", des jumeaux, Noël et Joël, et de Citroën, à part. Il délivre également leur père, Angel, enfermé dans le bureau depuis deux mois par Clémentine qui, souffrant trop, ne voulait plus le voir.
Sur invitation d'Angel et Clémentine, Jacquemort reste un peu dans ce village si spécial, dans lequel se déroule la foire aux vieux, où les apprentis sont maltraités jusqu'à en mourir, et où le prêtre se bat sur un ring avec le Diable, son Sacristain. Et puis il y a la Gloïre, qui parcourt le ruisseau rouge et visqueux, repêchant entre ses dents toute la honte du village.

L'arrache-coeur ! Quel ouvrage fantastique nous livre Boris Vian avec ce livre, l'un de mes préférés de cet auteur ! Tout se déroule dans un village dans lequel la honte est annihilée, dévorée, digérée par la Gloïre. le temps s'y étire comme nulle part ailleurs ("octembre, déçars"), mâcher des limaces donne des pouvoirs magiques (les bleues permettent de voler), on montre l'amour que l'on porte à ses enfant en leur réservant le meilleur et en se réservant le pire, en anticipant toutes les catastrophes improbables, on vend ses vieux, on tue les enfants, et on casse la figure à tous ceux qui prononcent le terme de honte. Vian explore l'amour maternel de Clémentine, paroxystique, délirant et paranoïaque, les liens enfants-parents, le désir comme idéal de vie. Peut-on être femme et mère ? Jusqu'où aller pour protéger nos chères têtes blondes ? Vian en profite également pour nous livrer une critique acerbe de la psychanalyse, tout comme dans L'herbe rouge, si mes souvenirs sont exacts ; il n'y a qu'à voir le sens que donne Cul Blanc à ce terme ! Il critique de façon assez violente également la religion.
L'arrache-coeur allie un imaginaire extraordinaire à une écriture à la limite du surréalisme. Ou inversement. Un morceau de choix dans l'oeuvre de Bison Ravi !
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J'avais beaucoup aimé l'Ecume des Jours, puis l'Automne à Pékin, mais j'ai adoré l'Arrache-Coeur, que j'ai lu et relu pendant des années.
Dans ce roman flotte une atmosphère cauchemardesque, avec ses pauvres créatures, sa logique absurde et son merveilleux:
Un psychanalyste "vide", un homme - La Gloïre - qui doit digérer les hontes du village entier, des enfants qui volent dans le ciel, des limaces bleues magiques. Mais, surtout, cette mère tout d'abord "indigne " qui vit mal sa grossesse, s'occupe à peine de ses bébés -des trumeaux - avant de devenir une mère étouffante, obsédée par la santé de ses enfants pour qui elle prémâche de la viande crue avariée pour se racheter. Cette image m'avait fortement marquée adolescente mais vu de mon regard de maman, elle me touche différemment, et je me dis une fois encore que Boris Vian avait le génie d'évoquer des sentiments ou bien des comportements - la dépression post-natale ici - dans une écriture symbolique, onirique extrêmement émouvante et vraie.

Bien sûr, je ne parle pas de l'inventivité folle de Vian du point de vue lexical, ce qui est, en fait, la toute première chose qui m'a fait partir quand j'ai commencé ce livre! A quand, un nouveau Boris Vian dans notre littérature actuelle?
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L'arrache-coeur est le dernier roman de Vian, le plus sombre, le plus noir, celui où il jette tout son dégoût et sa hargne. Il règle ses somptes avec sa mère qui l'a trop couvé et montre jusqu'où l'amour maternel peut mener. le monde qui environne ce petit havre de paix qui se révelera aussi celui de l'horreur, ce monde est triste, glauque, avec la foire aux vieux et les apprentis qui sont battus. C'est tout de même un univers fascinant et révélateur de ce que vivait Vian qui écrivait aussi pour lui et pour s'analyser. Ce n'est pas le roman le plus facile à lire, il ne faut pas être dépressif (ou parent!), mais c''est un de mes préféré car il est unique, il crée une véritable histoire et il est bien écrit. Vian avait un projet de roman vers sa mort, celui-ci fut pourtant le dernier, qui lui fera tourner le dos à sa carrière de romancier.
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Toujours la recherche de nouveaux mots et des situations étranges dans ce roman de Boris Vian. Pourtant cette fantaisie est teintée de tristesse, de désespérance. Ce livre m'a semblé sombre et je l'ai moins apprécié que d'autres titres du même auteur.
Lien : http://araucaria.20six.fr
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Remonter le temps ... Retrouver mes années printemps et ... VIAN !
Flash back : yeux écarquillés et bouche amusée, je virevolte en Absurdie, le coeur tambour battant.

Face à face troublant avec tout un tas de (re) : (re)lecture, (re)découverte, (re)trouvaille ... (re)coup de coeur ?!
Allez ! J'entrouvre la porte. L'accueil est chaleureux : Raymond Queneau, amical et loyal dans son avant-propos.
Ça y est ! J'entre de nouveau dans l'antre :
« 𝐋𝐞 𝐬𝐞𝐧𝐭𝐢𝐞𝐫 𝐥𝐨𝐧𝐠𝐞𝐚𝐢𝐭 𝐥𝐚 𝐟𝐚𝐥𝐚𝐢𝐬𝐞. 𝐈𝐥 𝐞𝐭𝐚𝐢𝐭 𝐛𝐨𝐫𝐝𝐞 𝐝𝐞 𝐜𝐚𝐥𝐚𝐦𝐢𝐧𝐞𝐬 𝐞𝐧 𝐟𝐥𝐞𝐮𝐫𝐬 𝐞𝐭 𝐝𝐞 𝐛𝐫𝐨𝐮𝐢𝐥𝐥𝐨𝐮𝐬𝐞𝐬 𝐮𝐧 𝐩𝐞𝐮 𝐩𝐚𝐬𝐬𝐞𝐞𝐬 𝐝𝐨𝐧𝐭 𝐥𝐞𝐬 𝐩𝐞𝐭𝐚𝐥𝐞𝐬 𝐧𝐨𝐢𝐫𝐜𝐢𝐞𝐬 𝐣𝐨𝐧𝐜𝐡𝐚𝐢𝐞𝐧𝐭 𝐥𝐞 𝐬𝐨𝐥. »
Je me délecte déjà des parfums de ces fleurs vianesques !

Rassurée au bras de Jacquemort : (ré)enchantée mon vieil ami !
Ici, nul besoin de distanciation sociale, pas de méchant virus ... mais l'atmosphère est pesante et les moeurs étranges : foire aux vieux, jeunes apprentis plus que maltraités ... et ce, sans aucun scrupule : la Gloïre dans sa barque macabre récupère toute la honte des villageois, les soulageant du fardeau.
Chemin faisant, nous arrivons chez Angel et Clémentine, à temps. Jacquemort le psychiatre dans la peau de l'obstétricien , arrivent alors trois jolis « salopiauds » : des « trumeaux » !
Dans cet univers obscur, ils sont lumières, mais sont-ils conscients de la menace, de cette mère ô combien paranoïaque ?! J'aurais tant aimé lire cette suite qui n'a jamais vu le jour ...

Je pourrais vous parler de ce roman des heures durant. Chaque phrase est un régal, il se savoure lentement et surtout l'esprit libre pour laisser place à la richesse de la langue, à cette imagination sans borne. L'écriture est Poésie. L'artiste en est le génie.
Enfant chéri du mouvement Surréaliste, Vian excelle encore dans son dernier roman.

Merci mon cher Boris Vian, mes émotions sont restées intactes !
Et je vous imagine, là-haut, volant gaiement entourées de vos p'tites « maliettes » ...
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Avoir du coeur, c'est embêtant. Déjà, on peut en mourir. Si l'Histoire connaît Jacques Coeur, le personnage de Vian, lui, s'appelle Jacquemort. Comme ça, c'est clair. Et puis, les histoires de coeur, qu'on aime ou qu'on soit aimé, c'est toujours la catastrophe.
L'Arrache-coeur ou l'expérience du vide intérieur.
Il y a ceux qui n'ont rien dans le coeur et qui piétinent les autres sans vergogne, qui frappent les vieux, mutilent les animaux et transforment les enfants en esclaves.
Il y a celui qui voudrait bien être de tout coeur avec les autres mais qui ne sait pas comment faire; il se fait chat avec les chats, velléitaire avec tous les autres: il laisse partir Angel en pensant qu'il ne devrait pas, laisse l'étalon se faire crucifier en trouvant que c'est mal et Clémentine enfermer ses enfants en n'en pensant pas moins. L'amour comme effacement. Jusqu'à choisir la profession de bouc émissaire pour que chacun puisse continuer à être odieux en toute bonne conscience.
Et puis, il y a les coeurs épris. le curé qui aime trop Dieu pour s'intéresser aux hommes. le père dont la fille est si laide qu'il doit bien se dévouer pour la baiser. Et la mère, bien sûr, dont le ventre est vide et qui n'aura de cesse que de rétrécir l'espace pour y faire retourner de force ses « trumaux »
« L'enfer, c'est les autres », disait un philosophe fort admiré de Vian. Lequel rectifie : l'enfer, c'est l'autre. Il faut donc faire disparaître l'un des deux, soi ou l'autre, parce qu'aimer un autre que soi fait souffrir. (Aussi vaut-il mieux faire l'amour à distance ou au moins en tournant le dos)
Pour être heureux, il faut être trois. Parce qu'alors il n'est plus possible d'absorber ou d'être absorbé. Les triplés Joël, Noël et Citroën ont seuls trouvé la juste distance entre affection et indépendance. Mais si dans une famille le père se défile, alors l'espace se rétrécit et le temps se délite. le roman de Vian se termine au mois de marillet, quand juillet est reparti vers mars, que le temps ne s'écoule plus sinon à l'envers et que l'immobilisme est devenu la seule alternative à la course vers la mort.
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L' histoire farfelue du psychiatre Jacquemort et des personnages gravitant autour de ce protagoniste, soucieux de psychanalyser les humains et à fortiori, les animaux, est tout simplement monumentale, tant le génie de Boris Vian pour jouer avec les mots est immense.

Entre les animaux qui parlent et font du stop, avouez qu'il y a de quoi se tordre de rire, mais pas que…
Mine de rien, Boris Vian nous amène face à des réalités de la vie et pas des moindres. La violence, la honte, le désamour et son contraire lorsqu'il s'agit d'amour universel pour ses propres enfants, jusqu'à mener une mère à protéger ses petits dans une totale absurdité. Mais au fond, que ne ferait-on pas nous même pour eux ?

Dans L'arrache-coeur, Boris Vian donne dans l'absurde, ce qui n'a rien de nouveau et qui n'est pas pour déplaire au lecteur, tout en glissant des messages fondamentaux sur la vieillesse, les croyances, la maladie et la pauvreté, les différents aspects de la vie, tournés en dérision par l'auteur.

Je me suis délectée de cette lecture romanesque, truffée d'une myriade de répliques hilarantes.

Peut-être n'ai je pas vraiment cerné le génie de Boris Vian dans L'écume des jours , aussi, je compte bien me replonger dans cet ouvrage avec, je l'espère, un ressenti différent et l'apprécier à sa juste valeur.



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L'arrache-coeur. Un titre d'une puissance évocatrice incomparable. Boris Vian nous transporte une nouvelle fois dans un monde imaginaire dans lequel les paysages prennent vie, les enfants peuvent voler, les animaux peuvent parler... Mais ce monde là, si l'on compare à L'écume des Jours, est beaucoup plus sombre et cauchemardesque. Les enfants sont enfermés, battus, exploités ou assassinés tout comme les anciens, que l'on violente et vend lors d'une "foire aux vieux".
Dans cette atmosphère pesante, Jacquemort, psychiatre loufoque en recherche de passions et d'analyse pour combler son vide, se noie dans la folie et l'absurdité d'un village dont la magie n'a d'égal que la noirceur. L'enfance, l'amour dément d'une mère, la haine de l'autre, la religion, la bêtise, la honte sont autant de thèmes abordés avec jeux de mots, calembours et néologismes soulignant le style imimitable de l'auteur. le côté sombre et moins enfantin que L'écume des Jours a eu moins d'effet sur moi. Néanmoins, Je conseille vivement ce livre.
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« Je conteste, dit Jacquemort, qu'une chose aussi inutile que la souffrance puisse donner des droits quels qu'ils soient, à qui que ce soit, sur quoi que ce soit. »

Un livre magistral. Une écriture qui ébouriffe. Impossible de l'oublier.

La poésie, l'absurdité, la violence des sentiments déversés dans le ruisseau rouge de ce charmant petit village où les habitants « ont leur conscience pour eux » en font un roman d'une force incroyable. Rouge comme le sang, comme le feu du maréchal-ferrant, rouge comme la honte.

Des constats qui font peur : « On ne reste pas parce qu'on aime certaines personnes ; on s'en va parce qu'on en déteste d'autres. Il n'y a que le moche qui vous fasse agir. On est lâches. ».

Une vision effrayante de l'amour maternel. Tout commence par le sexe, tel que décrit par Vian est loin de l'image romantique. Puis la naissance, violente. « La douleur la violait ». le lien entre la sexualité et l'enfant source de douleur, non désiré à cet instant précis par la mère me semble inscrit dans cette phrase. D'autant que Clémentine est enceinte de trumeaux, (« des trumeaux ? des jumeaux et un isolé. ») Doit-on se venger de ceux -l'homme, la femme elle-même et l'enfant- à l'origine de cette douleur ? Se donner bonne conscience en s'avilissant pour l'amour d'un être ? « Réparation ne se résout pas en pardon » écrira Vian. Apprendre à un enfant à s'envoler, ne pas le maintenir dans une cage sous le prétexte fallacieux de vouloir son bonheur. Lutter contre ses peurs, être honnête avec soi-même. Peut-être un début de réponse... Point d'amour sans liberté. Clémentine a besoin d'un médecin toutefois seul un psychiatre sera présent au moment de l'accouchement. Je ne suis pas certaine qu'elle soit entre les mains du plus compétent, Jacquemort.

Je me suis régalée de cet humour particulier de Vian « Jacquemort remonta, cogitant. Donc il était. Mais que lui » et de ses fantaisies quand il ose un ''voir ci-dessus'' décidant que le ''nous'' ne convient pas et qu'il faut un ''je'' dans un paragraphe : « je trouve... (voir ci-dessus). »

Boris Vian peut tout dire avec ses mots. Voilà un livre qui ne laisse pas indemne. Je me suis sentie bousculée en le lisant car il touche au fond de l'âme, à nos peurs. Vous avez raison les enfants, « Les questions des grandes personnes, c'est réellement insensé. » et il est utile de nous le rappeler pour que les réponses qu'on vous apporte le soient moins.

- T'as fait tes devoirs ?
- T'inquiète maman, je gère
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