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3,75

sur 3008 notes
Une plongée, deux univers. Une écriture subtile sur la question de la croisée des chemins.

*****

Ce roman qui précède la publication du primé « Rien ne s'oppose à la nuit » (2011, éditions Lattès) ne fait pas exception à la plume subtile et fouilleuse de Delphine de Vigan dans ce que nos vies peuvent comporter de sombre, enfoui, écorché et courageux aussi.

Il est ici question des vies parallèles menées par deux personnages : Mathilde, employée dans une grosse entreprise de marketing à un haut poste de responsabilité et sous la coupe d'un supérieur cinglant, et Thibault, médecin généraliste se déplaçant de patient en patient pour le compte des Urgences Médicales de Paris.

Elle, elle est mère de trois enfants et vit seule, se rend tous les jours dans ces bureaux qui l'ont vue collaborer à la définition du plan marketing, à la veille concurrentielle et aux décisions majeures concernant l'élaboration des produits de chaque marque, tout cela en gérant une équipe de sept personnes. Mais Jacques, son supérieur en décidera autrement. Un mot, un acte et tout bascule. L'enlisement dans cette mécanique silencieuse de l'isolement qui entrainera sa chute calculée et progressive la conduira à descendre très bas, mais jusqu'où ? A quel moment le sursaut de vie peut-il surprendre celle ou celui qui ne s'en pensait plus doté ?

Lui, il est médecin au coeur de la ville après avoir connu les joies d'un cabinet rural de consultation en tant que médecin de village remplaçant puis à son compte, celui qu'on appelait Docteur au marché et que l'on respectait tant. Aujourd'hui sa vie n'est plus que trajets dans les méandres urbains de la Capitale, tel un courant d'air, à la merci de tous ces va-et-vient au volant de sa Clio défraîchie, épuisé de ne pas savoir dire non. Sauf à cette femme, à cette relation singulière, mais quelle sera sa place dans cet univers ?

L'écriture se fait compte à rebours, le temps présent est à la recherche du fait générateur dans le passé, des indices et de l'accumulation des faits du quotidien les ayant amenés là où ils se trouvent, en ce premières pages où ils ouvrent les yeux sur leur état et leur devenir.
A l'instar du titre qui annonce la couleur, la descente dans le souterrain de leur vie se fait par tous les chemins. D'un détail à un acte essentiel, chaque chose pèse son poids dans le processus de descente quotidienne, de glissement progressif, de perte de contrôle face à l'incompréhension, d'imbrication des causes et conséquences entre les dimensions personnelles et professionnelles de chacun.
Quelles ressources mobiliser, quelle énergie à aller chercher dans les tréfonds de soi-même pour continuer ou pour briser le cercle vicieux ? Chacun a ses objectifs, sa vision, ses failles, ses courages, ses raisons d'espérer. La question qui nous taraude, nous lecteurs, et nous tient grâce à la plume agile de l'auteure, devient : vont-ils se croiser ? Tout semble construit à cet effet, l'étau se resserre, l'évidence se dessine. La vie ne tient qu'à un fil, les rencontres aussi.

Point de jugement, l'auteure nous immerge dans des quotidiens sombres mais dont l'humanité des personnages rayonne d'autant plus et les rend profonds, attachants, fragiles et forts à la fois. La psychologie de l'écriture est d'une finesse à la hauteur de l'observation sociologique qui a dû la précéder.
Jusqu'à la fin, nous attendons cette croisée des chemins. Aura-t-elle lieu ? Peut-elle les sauver d'eux-mêmes ? Est-ce que rencontrer quelqu'un qui vit une situation similaire peut nous arracher à la nôtre et constituer un soutien, un tuteur, un appui, comme cet effet miroir qui pourrait nous renvoyer ce que nous sommes devenus et ainsi en prendre conscience pour éventuellement rebondir ? Tout est moins sûr, tout est à lire.

Ce roman est un allié précieux de la mise à distance lorsque l'on vit ou assiste impuissant à une situation identique. Car la résonance aide à ce ressenti d'universalité qui vient tenir la main de nos solitudes et les rendre bruyantes pour ne plus jamais les accepter dans le silence.
Lien : https://www.lemotsurlegateau..
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Un très beau roman, très juste, et plutôt surprenant à la toute fin. magnifiquement écrit, passablement désenchanté, totalement réaliste.
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Mathilde, Cadre dynamique dans un grand groupe, elle excellait dans son travail et était le bras droit de son patron, Jacques qui depuis 8 mois lui fait vivre l'enfer. Elle se retrouve mise "au placard" nous assistons bien impuissant à sa lutte intérieure et à cette journée horrible....en parallèle Thibault vient de passer un week-end en amoureux avec Lila. Mais parce qu'il sait qu'elle n'arrivera jamais à l'aimer, qu'elle se dérobe et ne se dévoile pas, il a décidé de la quitter. Nous le suivons lui aussi dans ses réflexion au sujet de sa vie qui comme pour Mathilde n'est pas vraiment reluisante.
C'est vraiment très bien écrit, le film était bien aussi :)
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C'est un livre très intéressant et très bien écrit. Il raconte l'histoire et les états d'âme de 2 personnes qui ne se connaissent pas et qui vont finir par se rencontrer.....
Lors d'une réunion, Mathilde a un jour "trahi" sans le vouloir son patron pdg d'une grosse société et sa descente aux enfers va commencer. Elle deviendra celle que l'on ne doit pas fréquenter celle qui va être jetée au placard. L'auteur décrit cette souffrance d'une manière admirable, on ressent, on a mal pour elle.
Thibault vit une relation amoureuse avec une femme qui ne lui donne rien, sinon au lit. Son amour pour elle n'est pas partagé, il sent que c'est une relation qui n'aboutira à rien et décide de rompre. Mais, même si cela vaut mieux, la souffrance est là, le vide, le manque de l'autre, l'attente sans fin ....
Le destin de mathilde va croiser celui de Thibault, on le sent depuis le début mais voilà.... Des fois, on se croise...
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Je rejoins totalement l'avis de nombreux autres lecteurs avant moi. L'écriture est très bonne mais l'histoire est très dure. L'auteure à parfaitement pu rendre cette dépersonnalisation progressive, cette dureté des rouages du monde du travail mais aussi de la société plus large tout simplement. Une plongée assez impitoyable, jusqu'à la dernière page, n'offrant aucune concession ni bouffée d'oxygène. Un bon roman mais tellement sombre....
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Les heures souterraines, l'écriture si parfaite de Delphine de Vigan.

C'est un roman sur la violence du monde de l'entreprise et des politiques publiques à son service. C'est un roman sur la douleur de l'amour, quand il est donné, seulement, et parti. C'est un roman sur la force des liens familiaux, sur celle qui anime le corps médical. C'est un roman sur la vie et la mort, de part et d'autre.

Et puis, il y a cette question du travail, au coeur de l'ouvrage. Ce travail qui rend vivant, par-delà ses réalités mortifères. Ce travail qui conditionne, par-delà ses promesses de liberté.

Le récit terminé, il devient une source d'inspiration. Un état des lieux à sublimer. Une histoire à raconter, pour dépasser la seule allégorie de la souffrance et de la solitude.
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Comme les autres livres de Delphine de Vigan et jusqu'à présent, il me paraît que la lecture doit s'accomplir d'une traite, donc une journée de rien (pas de travail, pas de visite, pas d'obligation, aucune) ou une nuit d'insomnie, ou les deux à la suite, pour les lecteurs qui prennent davantage leur temps. Et pourquoi pas ?
J'ai été très touchée par cette histoire. Trois raisons : les deux protagonistes, le médecin solitaire, la fille placardisée, et la fin qui fait qu'ils ne se rencontreront pas, alors que le talent de l'auteur est de nous amener à envisager que cette rencontre va se produire. Et il m'a semblé que cette non rencontre était sans doute ce qui arrivait le plus souvent dans la vie de tout un chacun. Alors, certes, nous sommes loin de toutes ces productions (livres, films) qui essaient de nous faire gober aux rencontres par hasard mais qui vous apportent le bonheur. De Vigan nous dit : Non ! Cela n'existe pas. La vie c'est passé à côté. Elle n'est pas optimiste notre Delphine, ni positive (au sens tendance actuelle). Elle est sombre, pessimiste, ou lucide, mais son écriture est claire. Alors, j'ai apprécié cette lecture.
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« Entre gris et graffitis où s'enferme le quotidien
Et des murs tellement petits qu'on entend tout des voisins
Avec pour seul vis-à-vis des montagnes de parpaings
Où déambule l'ennui et se traînent des destins
Le samedi après-midi, prendre des souterrains
Aller voir où ça vit de l'autre côté, ligne un
Châtelet… »


Cinq heures du mat'… Arrêter ce réveil qui cogne dans sa tête, se lever, affronter une nouvelle journée…

Mathilde sait qu'aujourd'hui encore, il faudra se faire violence. Pour Simon, son aîné. Pour Théo et Maxime, les jumeaux. Pour l'amour de Pierre. Pour son absence. Parce qu'il lui manque tant.
Ne pas oublier les collations des petits… Penser à réserver les vacances…

Déambuler dans les matins brumeux de la ville en dédale. Descendre les marches. Vingt-sept. Composter son billet. Attendre la rame au milieu de tous ces fantômes. Bondée. La suivante sera là dans dix minutes…

Franchir la porte du bureau. Affronter le regard des autres. Au mieux. Leur indifférence. Au pire.
Comment a-t-elle pu en arriver là ? Se vider de sa substance. Devenir une batterie morte. Obsolescence programmée, joie de vivre déprogrammée. Recasée. Déclassifiée. Archivée au bout du couloir…

Elle rêve parfois d'un homme à qui elle demanderait : est-ce que tu peux m'aimer ?


« Station balnéaire
Mais où y a pas la mer
Voir un peu de bleu, Châtelet
Échouer sa galère
Marquer son passage
Suivre les tags quand y a plus de repères
Châtelet… »


Cinq heure du mat'… Retrouver son lit, s'effondrer, ne plus penser à rien…

Thibault termine sa garde. Il sait que demain sera comme aujourd'hui. Il continuera à panser les plaies des autres et en oubliera les siennes. Mais comment cautériser une plaie d'amour ?

Si seulement Lila l'avait aimé… Pas qu'à l'horizontal, pas que la nuit venue… Parce que l'amour, « ce n'est pas une question de gymnastique. C'est une question de peau, d'odeur, de matière »…

Encore une heure à tenir. Quelle adresse déjà ? Un mauvais rhume, une crise d'angoisse, une petite vieille seule ? La solitude, l'abandon… Voilà le mal dont souffrent les gens…

Il rêve parfois à une femme qui pourrait l'aimer…

Mais les gens désespérés peuvent-ils se rencontrer dans la vraie vie, quelque part au point d'équilibre entre la lumière et le néant de leurs vies ?


« Châtelet les Halles
Fin du voyage… »


- - -


Un livre sombre, haletant, vibrant, étouffant… Mais un livre brillant !

Avec Les heures souterraines, Delphine de Vigan nous entraîne dans les bas-fonds du comportement humain, dans la tristesse des habitudes qui rongent, qui épuisent. Elle nous abandonne au milieu d'une foule fantôme. Cette foule docile des grandes villes qui suit jour après jour la voie rectiligne d'une rame de métro.

Avec une écriture prenante, fluide et tranchante, elle aborde les thèmes de la solitude et du harcèlement moral. Elle peint le quotidien de deux âmes fragiles, perdues dans un monde en mouvement perpétuel, dont le souffle de vie ne tient qu'à un fil mais qui ne veulent pas s'éteindre.

Il faut pourtant garder espoir car derrière ces heures souterraines, il y a toujours une station quelque part où le soleil brille.

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Enveloppant
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