Un livre peut-il porter à ce point la trace d'une femme ? Peut-on écrire seulement pour ça, pour se rapprocher de quelqu'un ou - de manière plus juste - pour l'attacher à soi ?
La question n'est pas de savoir si l'amour est supportable ou non. La question est de savoir si l'on se protège ou si l'on s'expose. Si l'on vit à l'abri ou à découvert. Si l'on est prêt à porter sur soi la trace de nos histoires, à même la peau.
...Elle voudrait savoir s'il est heureux.
Parce qu'il ne le dit pas. Parce qu'il ne dit jamais rien. Il ne dit jamais qu'il est content, qu'il se sent bien, qu'il a passé un bon week-end, de bonnes vacances, une bonne soirée. Elle sait ce qu'il protège. Mais il se trompe. Les choses doivent être dites pour qu'on en prenne la mesure, pour se prolonger. C'est pareil pour leur histoire, c'est pareil pour tout.
Un livre est comme un amour blessé, lacunaire, il contient en lui ce qu'il aurait pu être et qu'il n'a pas été, il porte en lui la douleur d'avoir été abandonné
La nuit est silencieuse. Elle se pose sur les meubles, glisse sur les tapis, elle s'infiltre sous les portes et remplit l'air d'une torpeur moite.
Parfois je me noie dans la foule, me laisse porter, je presse le pas, juste pour vérifier que je suis encore vivante.
Il cherche le souvenir de sa peau, de ses yeux, de sa voix. Tard dans la nuit, il lui semble parfois qu'il peut la toucher. S'il tendait la main.
Il se souvient combien il a aimé les femmes. Comme il savait les prendre au dépourvu, les amuser, les surprendre, comme il était devenu maître dans l'art du double sens, de l'ambiguïté.Il a aimé les femmes dans leur nombre et dans leur genre, il a aimé chacune de celles qu'il a caressées, une nuit ou quelques nuits, il a aimé les séduire, les déshabiller.
Je sais maintenant que les histoires se jouent dans les premières heures, dans les premiers mots. Les jeux sont faits. Celui qui donne et celui qui reçoit. Celui qui gagne et celui qui perd. Et tout est là, cartes retournées, face cachée, sur la table.
Quand il pense à ses fils, il lui semble qu'il n'aura plus jamais la force d'être dans leur regard.