Citations sur Un soir de décembre (172)
Il écrit cette faim qui le ramenait sans cesse vers elle, sur elle, cette faim immense, jamais apaisée, jamais rassasiée. Il écrit cette faim qui le dévore aujourd'hui, lorsqu'il se penche sur la feuille, lorsqu'il pénètre en elle, lorsqu'il observe l'encre bleue se répandre dans la fibre du papier.
C'est l'histoire d'une femme qui écrit à un homme qui écrit, une femme sans contours, venue de nulle part, qu'il a peut-être oubliée, qui peu à peu se dessine, refait surface, cherche de l'air. Un air plus doux, apaisé.
Voilà l'oubli, le véritable oubli: transformer la mémoire en un catalogue de produits disponibles sur demande, déconnecté de toute réminiscence des sens.
Un livre n'est jamais fini. Même imprimé, il continue à vivre, comme un organisme autonome, appelle les ratures, les précisions, il souffre de ses amputations, il attend réparation. Un livre est comme un amour blessé, lacunaire, il contient en lui ce qu'il aurait pu être et qu'il n'a pas été, cet impossible retour en arrière, ce qu'on aurait dû dire, ce qu'on aurait dû taire, il porte en lui la douleur d'avoir été abandonné.
Il dit on abrite tous une perte ou un manque, quelque chose en creux qu'on a fini par apprivoiser
Peut-être s'est-il seulement servi de cet amour inachevé, suspendu, parce qu'il était capable de nourrir le rêve.
Le désir s'est refermé sur lui-même et enfle dans une longue spirale dont il ne parvient plus à s'extraire, épuisé par ses heures immobiles et courbées, incapable de mener le récit à son terme, Matthieu n'écrit rien d'autre que le souvenir d'une femme, dilué, distillé à l'infini.
Matthieu écrivait depuis le début de la matinée, elle l'avait à peine croisé. Elle a proposé aux garçons de sortir aux jardins de Belleville. Il faisait beau. Elle avait besoin de sortir. Tout de suite. Elle avait besoin d'extérieur. De se mettre pieds nus dans l'herbe, de relever sa jupe pour sentir le soleil sur ses cuisses, de fermer les yeux.
Nicolas se penchait, les mains calées sur la rambarde du balcon. Le souffle coupé, il mesurait son attachement à la lumière, son désir du lendemain. A quinze ans, si près de basculer, il goûtait chaque jour, le vertige de cette chute impossible
Ces mots m'ont condamnée à l'errance. Ces mots m'ont condamné à t'attendre. Sans eux, sans cette nuit là, je crois que j'aurais pu sortir de ça.