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Citations sur Stello (19)

Ne pas espérer qu'un grand œuvre soit contemplé, qu'un livre soit lu, comme ils ont été faits.

Si votre livre est écrit dans la solitude, l'étude et le recueillement je souhaite qu'il soit lu dans le recueillement, l'étude et la solitude : mais soyez à peu près certain qu'il sera lu à la promenade, au café, en calèche, entre les causerîes, les disputes, les verres, les jeux et les éclats de rire, ou pas du tout.

Et, s'il est original, Dieu vous puisse garder des pales imitateurs, troupe nuisibles et innombrable de singes salissants et maladroits !

Et, après tout cela, vous aurez mis au jour quelque volume qui, pareil à toutes les œuvres des hommes, lesquelles n'ont jamais exprimé qu'une question et un soupir, pourra se résumer infailliblement par les deux mots qui ne cesseront jamais d'exprimer notre destinée de doute et de douleur :

POURQUOI ? et HÉLAS !
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C'est en effet une chose toute commode aux médiocrités qu'un temps de révolution. Alors que le beuglement de la voix étouffe l’expression pure de la pensée, que la hauteur de la taille est plus prisée que la grandeur du caractère, que la harangue sur la borne fait taire l’éloquence à la tribune, que l’injure des feuilles publiques voile momentanément la sagesse durable des livres : quand un scandale de la rue fait une petite gloire et un petit nom ; quand les ambitieux centenaires feignent, pour les" piper, d'écouter les écoliers imberbes qui les endoctrinent ; quand l'enfant se guinde sur le bout du pied pour prêcher les hommes ; quand les grands noms sont secoués pêle-mêle dans des sacs de boue, et tirés à la loterie populaire par la main des pamphlétiers ; quand les vieilles hontes de famille redeviennent des espèces d’honneurs, hérédité chère à bien des Capacités connues ; quand les taches de sang font auréole au front, sur ma foi, c'est un bon temps.
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Près du lit des mourants, les parents m'ont toujours importuné.

— Et pourquoi cela ? dit Stello...

Quand une maladie devient un peu longue, les parents jouent le plus mediocre rôle qui se puisse voir. Pendant les huit premiers jours, sentant la mort qui vient, ils pleurent et se tordent les bras ; les huit jours suivants, ils s'habituent à la mort de l’homme, calculent ses suites et spéculent sur elle ; les huit jours qui suivent, ils se disent à l'oreille : Les veilles nous tuent ; on prolonge ses souffrances ; il serait plus heureux pour tout le monde que cela finît. Et s'il reste encore quelques jours après, on me regarde de travers. Ma foi, j’aime mieux les gardés-malades ; elles tâtent bien, à la dérobée, les draps du lit, mais elles ne parlent pas.
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Comme le Pouvoir est une science de convention, selon les temps, et que tout ordre social est basé sur un mensonge plus ou moins ridicule, tandis qu'au contraire les beautés de tout Art ne sont possibles que dérivant de la vérité la plus intime, vous comprenez que le Pouvoir, quel qu'il soit, trouve une continuelle opposition dans toute œuvre ainsi créée. De là ses efforts éternels pour comprimer ou séduire.
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J'entendis la voix creuse et douce de Chatterton, qui fit cette singulière réponse en saccadant ses paroles et s'arrêtant à chaque phrase :

« L'Angleterre est un vaisseau : notre île en a la forme ; la proue tournée au nord, elle est comme à l'ancre au milieu des mers, surveillant le continent. Sans cesse elle tire de ses flancs d'autres vaisseaux faits à son image et qui vont la représenter sur toutes les côtes du monde. Mais c'est à bord du grand navire qu'est notre ouvrage à tous. Le Roi, les Lords, les Communes, sont au pavillon, au gouvernail et à la boussole ; nous autres, nous devons tous avoir la main aux cordages, monter aux mats, tendre les voiles et charger les canons ; nous sommes tous de l'équipage, et nul n'est inutile dans la manœuvre de notre glorieux navire. »

Cela fit sensation. On s'approcha sans trop comprendre et sans savoir si l'on devait se moquer ou applaudir, situation accoutumée du vulgaire.

« Well, very well ! cria le gros Beckford, c'est bien, mon enfant ! c'est noblement représenter notre bienheureuse patrie ! Rule Britannia ! chanta-t-il en fredonnant l'air national. Mais. mon garçon, je vous prends par vos paroles. Que diable peut faire le Poète dans la manœuvre ? »

Chatterton resta dans sa première immobilité : c'était celle d'un homme absorbé par un travail intérieur qui ne cesse jamais et qui lui fait voir des ombres sur ses pas. Il leva seulement les yeux au plafond, et dit :

« Le Poète cherche aux étoiles quelle route nous montre le doigt du Seigneur. »
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« Donnez-moi un verre d’eau : j’ai quatre-vingts ans, moi ; cela me fait mal.
— Ce ne sera rien, monseigneur, lui dis-je : seulement, il y a dans ce pouls quelque chose qui n’est ni la santé ni la fièvre de la maladie... C’est la folie », ajoutai-je tout bas.
Je dis au malade :
« Comment vous nommez-vous ? »
Rien... ses yeux demeurèrent fixes et mornes...
« Ne le tourmentez pas, Docteur, dit M. de Beaumont, il m’a déjà dit trois fois qu'il s’appelait Nicolas-Joseph-Laurent.
— Mais ce ne sont que des noms de baptême, dis-je.
— N’importe ! n’importe ! dit le bon archevêque avec un peu d’impatience, cela suffit à la religion : ce sont les noms de l’âme que les noms de baptême. C’est par ces noms-là que les saints nous connaissent. Cet enfant est bien bon chrétien. »
Je l’ai souvent remarqué, entre la pensée et l’œil il y a un rapport direct et si immédiat, que l’un agit sur l’autre avec une égale puissance. S’il est vrai qu'une idée arrête le regard, le regard, en se détournant, détourne aussi l’idée. J’en ai fait l’épreuve auprès des fous.
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IV. — Avoir toujours présentes à la pensée les images, choisies entre mille, de Gilbert, de Chatterton et d'André Chénier.

Parce que, ces trois jeunes ombres étant sans cesse devant vous, chacune d'elles gardera l'une des routes politiques où vous pourriez égarer vos pieds. L'un des trois fantômes adorables vous montrera sa clef, l'autre sa fiole de poison, et l'autre sa guillotine. Ils vous crieront ceci :

Le Poète a une malédiction sur sa vie et une bénédiction sur son nom. Le Poète, apôtre de la vérité toujours jeune, cause un éternel ombrage à l'homme du Pouvoir, apôtre d'une vieille fiction, parce que l'un a l'inspiration, l'autre seulement l'attention ou l'aptitude d'esprit ; parce que le Poète laissera une œuvre où sera écrit le jugement des actions publiques et de leurs acteurs ; parce qu'au moment même où ces acteurs disparaissent pour toujours à la mort, l'auteur commence une longue vie. Suivez votre vocation. Votre royaume n'est pas de ce monde sur lequel vos yeux sont ouverts, mais de celui qui sera quand vos yeux seront fermés.
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Le Poète a une malédiction sur sa vie et une bénédiction sur son nom. Le Poète, apôtre de la vérité toujours jeune, cause un éternel ombrage à l'homme du Pouvoir, apôtre d'une vieille fiction, parce que l'un a l’inspiration, l'autre seulement l'attention ou l'aptitude d'esprit ; parce que le Poète laissera une œuvre où sera écrit le jugement des actions publiques et de leurs acteurs ; parce qu'au moment même où ces acteurs disparaissent pour toujours à la mort, l'auteur commence une longue vie. Suivez votre vocation. Votre royaume n'est pas de ce monde, sur lequel vos yeux sont ouverts, mais de celui qui sera quand vos yeux seront fermés.
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SEPARER LA VIE POETIQUE DE LA VIE POLITIQUE.
Et pour y parvenir :
I. — Laisser à César ce qui appartient à César, c’est-à-dire le droit d’être, à chaque heure de chaque jour, honni dans la rue, trompé dans le palais ; combattu sourdement, miné longuement, battu promptement et chassé violemment.
Parce que l’attaquer ou le flatter avec la triple puissance des arts, ce serait avilir son œuvre et l’empreindre de ce qu’il y a de fragile et de passager dans les événements du jour. Il convient de laisser cette tâche à la critique du matin, qui est morte le soir, ou à celle du soir, qui est morte le matin. — Laisser à tous les Césars la place publique, et les laisser jouer leur rôle, et passer, tant qu’ils ne troubleront ni les travaux de vos nuits ni le repos de vos jours. — Plaignez-les de toute votre pitié s’ils ont été forcés de se mettre au front cette couronne Césarienne, qui n’a plus de feuilles et déchire la tête. Plaignez-les encore s’ils l’ont désirée ; leur réveil en est plus cruel après un long et beau rêve. Plaignez-les s’ils sont pervertis par le Pouvoir ; car il n’est rien que ne puisse fausser cette antique et peut-être nécessaire Fausseté, d’où viennent tant de maux. — Regardez cette lumière s’éteindre, et veillez ; heureux si vos veilles peuvent aider l’humanité à se grouper et s’unir autour d’une clarté plus pure !
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Kitty Bell était une jeune femme comme il y en a tant en Angleterre, même dans le peuple. Elle avait le visage tendre, pâle et allongé, la taille élevée et mince, avec de grands pieds et quelque chose d’un peu maladroit et décontenancé que je trouvais plein de charme. A son aspect élégant et noble, à son nez aquilin, à ses grands yeux bleus, vous l’eussiez prise pour une des belles maîtresses de Louis XIV dont vous aimez tant les portraits sur émail, plutôt que pour ce qu’elle était, c’est-à-dire une marchande de gâteaux. Sa petite boutique était située près du Parlement, et quelquefois, en sortant, les membres des deux Chambres descendaient de cheval à sa porte, et venaient manger des buns et des mince-pies en continuant la discussion sur le Bill. C’était devenu une sorte d’habitude, par laquelle la boutique s’agrandissait chaque année, et prospérait sous la garde des deux petits enfants de Kitty. Ils avaient huit ans et dix ans, le visage frais et rose, les cheveux blonds, les épaules toutes nues et un grand tablier blanc devant eux et sur le dos, tombant comme une chasuble.

Le mari de Kitty, master Bell, était un des meilleurs selliers de Londres, et si zélé pour son état, pour la confection et le perfectionnement de ses brides et de ses étriers, qu’il ne mettait presque jamais le pied à la boutique de sa jolie femme dans la journée. Elle était sérieuse et sage ; il le savait, il y comptait et, je crus, en vérité, qu’il n’était pas trompé.
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